Je gare ma voiture et prends le temps de m'étirer un peu. Je déteste prendre le train et c'est la raison pour laquelle j'ai effectué les 450 km qui séparent Paris de Bordeaux par la route. Je souffle un bon coup avant de m'extirper de l'habitacle de ma C4 grise. Je la verrouille et traverse la rue d'un pas mécanique. Durant les six heures de trajet, je n'ai pas réussi à me sortir de la tête les paroles de Sandrine et son invitation à participer en avant-première à ce concours à la noix. J'ai appelé Margot en lui expliquant mon problème et là où je pensais trouver un peu de réconfort, je l'ai sentie bien plus détachée que d'habitude et cette impression me préoccupe autant que le fait que je n'ai pas la moindre idée de ce que je dois faire maintenant que je reviens à l'appartement avec un manuscrit à foutre à la poubelle.
C'est avec le moral dans les chaussettes que je passe la porte de mon appartement situé dans les quartiers populaires de Bordeaux. Ma grand-mère m'a laissé en héritage ce logement qui me permet de ne pas payer de loyer. Je suis resté solitaire très longtemps et il m'a fallu pas mal de temps pour accepter d'inclure Margot dans mon univers rempli de livres, d'écriture et de solitude. Je colle bien avec l'image taciturne qu'on se fait de l'écrivain. De ce fait, Margot et moi habitons ensemble depuis moins d'un an. Quand je l'ai rencontrée alors qu'elle avait frappé à ma porte pour tenter de me vendre des panneaux solaires que je ne lui ai jamais acheté, j'ai senti que cette grande blonde aux yeux sombres représentait peut-être la stabilité que je cherchais après la sortie de mon troisième livre. J'ai pourtant l'impression que de la stabilité, nous sommes passés progressivement à l'encroûtement. Et c'est pire depuis que nous habitons ensemble.
— Je suis rentré !
Nul ne me répond mais cela ne m'étonne guère. Ma compagne est quelqu'un d'indépendant et de très différent de moi. Elle, elle a une vie sociale bien remplie, une bande de copines toujours prêtes à l'emmener s'amuser et une popularité incroyable sur les réseaux. C'est simple, elle a toujours son smartphone à la main ou une conversation en court sur son ordinateur. C'est une femme qui vit avec son temps, voilà tout.
Je dépose ma besace et me débarrasse de mes lunettes pour progresser dans l'appartement composé de deux chambres, d'un séjour minuscule, d'une cuisine et d'une salle d'eau aussi petites que des cabines téléphoniques. Je ne sais pas cuisiner, Margot non plus mais nous habitons en centre-ville. Nous n'avons qu'à descendre au rez-de-chaussée pour trouver de quoi se restaurer et tout cela sans stress. C'est d'ailleurs ce que je compte faire dès que j'aurais raconté mes malheurs à Margot et que je l'aurais serrée dans mes bras, histoire de me consoler.
Je la trouve dans le salon en train de tirer sur sa cigarette. Elle me jette un regard qui me gèle sur place. Sa mine est sombre, bien plus sombre que d'habitude. Elle expire la fumée d'un petit « o » de ses jolies lèvres toujours naturellement rouges. Elle passe sa main dans ses cheveux blonds. Ses boucles s'éparpillent sur le haut de son chef avec élégance avant de reprendre peu à peu leur place initiale sur ses épaules. J'ai toujours aimé la façon dont sa chevelure dorée fait ce qu'elle veut même quand elle tente de la discipliner. Je m'approche d'elle sans savoir réellement comment aborder le sujet. Depuis quelques temps, ça ne va pas super entre nous. Cela fait un an que je repousse nos projets uniquement pour m'adonner à l'écriture au détriment du vœu le plus cher de Margot : avoir un enfant. La deuxième chambre de l'appartement reste désespérément vide dans l'optique d'être un jour aménagée pour notre progéniture. Seulement si je me décide à m'y mettre, chose avec laquelle j'ai un sérieux problème. J'ai encore trop de livres à écrire, je ne me vois pas encore papa...
Je prends place à mes côtés tandis que Margot aspire sa tige de nicotine. Ma main vient s'enrouler autour de ses épaules et apprécie la douceur du pull en cashmere blanc qu'elle porte. Il est si bon de rentrer chez soi et de sentir la chaleur de l'être aimé. Est-ce à cause de cette tranquillité d'esprit que ma plume s'est alourdie ?
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Literatura KobiecaTout cela n'était qu'une expérience. Les choses ne devaient pas tourner ainsi. Je suis un chirurgien de l'amour. Je sais comment les choses arrivent, ce qu'il faut faire pour y arriver, à quel moment il faut s'inquiéter et surtout quand ça va trop l...