10.Roman Holiday

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« -Je vais la ramener!

-Il était convenu qu'elle reste jusqu'à la fin des vacances. Elle ne bougera pas de cette maison.

-Je te rappelle que j'ai la garde exclusive. Tu n'es pas capable de t'occuper correctement d'elle pendant x semaines! J'avais le pressentiment que tu n'allais pas suivre mes instructions.

-Ma fille n'a pas le droit d'être gavée de saloperies remplies de produits chimiques! Tu ne l'aides pas en la prenant comme un machin qu'on doit bourrer de médicaments.

-Le juge a estimé le contraire en tout cas! Regarde toi bon sang.

Elle l'a dévisagé de haut en bas.

Une épave dans toute sa splendeur.

-Arrêtez de vous disputer! hurla Shanice en pleurant. »

La femme d'une quarantaine d'années , peu grande qui arborait un carré bouclé était la génitrice de mademoiselle Shanice et son portrait craché en passant.

Elle a bataillé avec Bill pendant dix minutes, sous le regard désespéré de leur fille chérie et du mien, qui a jonglé entre le soulagement, la joie et une pincée de peine. J'ai regardé attentivement le spectacle depuis la merveilleuse fenêtre de ma chambre qui m'a permise de voir et d'écouter le tout ( et oui, le couple parlait très fort) sans en perdre une miette.

Pour savoir pourquoi elle s'est retrouvée devant chez Bill après un coup de fil qui était censé être destiné à prendre des nouvelles de Shanice, il est nécessaire de "moonwalker" trois heures plus tôt dans la journée.

26 décembre 1987- 13h28

La lame s'est abattue sur son index droit. Elle la laissé tomber sur le plan de travail et a tenu son doigt ensanglanté en gémissant de douleur.

« -T'es malade! » me suis-je exclamée.

Sans attendre, j'ai attrapé le torchon qui pendait sur la barre du four puis j'ai tenté de voir la plaie de Shanice.

Lorsque j'ai cherché à éponger la blessure, elle m'a esquivé.

« -Arrête de faire la gamine, montre moi ta main! »

Elle s'est penchée vers le lavabo, son doigt saignait abondamment. De grosses gouttes écarlates se sont écrasées dans le levier.

« -Tu la fait exprès, t'es mauvaise, je l'ai remarqué depuis longtemps! » a-t-elle crié.

J'ai inspiré et expiré longuement, je me suis sentie comme une cocotte minute qui menaçait d'exploser d'un moment à l'autre.

J'ai allumé l'eau tiède afin de faire partir le surplus de sang qui s'échappait de l'ouverture de son doigt.

«-Tu vas envenimer la situation, ne me touche plus! a-t-elle pesté.

- Si je ne passe pas de l'eau sur ta main, ça va s'empirer débile.

-J'ai dit non!»

Et elle a continué de faire son cinéma jusqu'à ce que le morceau de la chanteuse Donna Summer dont je ne connaissais point le titre cesse.

«-Alors, on se débrouille? » a dit Bill en passant par la cloison qui liait le salon à la cuisine.

Shanice lui a montré son doigt enveloppé dans le torchon imbibé de sang. Par la suite, Bill a demandé ce qu'il s'était passé pour qu'elle ait une coupure pareille. Cette dernière a sorti une explication toute faite, qui n'était que calomnies bien sure. Je me suis défendue comme j'ai pu mais Shanice s'est révélée être une bonne actrice qui prenait son rôle de victime très à cœur, en rajoutant les larmes en bonus. Il y a eu de quoi me faire passer pour la méchante qui n'assumait pas ses erreurs. Bill était tombé dans le panneau.

Contraires soudésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant