1. Au pays des exclusions et heures de colle

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J'écope de quatre heures de colle sur une semaine après une géante bataille de nourriture. Cette guerre alimentaire s'est déroulée ce lundi. Comme d'habitude, j'ai squatté la table de Brice et ses amis mais j'ai somnolé devant ma salade de pattes froides. Je n'avais presque pas dormi à cause de mes révisions pour le brevet et d'autres inquiétudes qui me hantaient.

Me voyant les yeux clos, Kevin m'a balancé un verre à la figure. J'ai aussitôt réagi, presque automatiquement ,en lui envoyant aussi un verre. Puis il m'a envoyé une giclée de ketchup, après cela une personne a lancé le coup d'envoi en criant:" BATAILLE DE BOUFFE!"
La cantine s'est transformée. Des pommes de terre voltigeaient dans toute les directions, la moutarde, le ketchup et la sauce pita se croisaient et décroisaient comme des étoiles filantes. Certains élèves se cachaient tandis que d'autres se servaient de leur plateau en guise de boucliers, c'était le bazar.

Le t-shirt maculé de sauce et de traces d'huile provenant des pommes de terre, je me suis planquée sous la table. Les surveillants sont rapidement venus calmer le jeu. Nous avons tous raté une heure de cour pour nettoyer la salle. Le personnel était très remonté contre nous. Puis, les surveillants nous ont dit de dénoncer les responsables en marquant les noms sur une feuille.
Comme je ne suis pas une balance, j'ai écrit ce que toute bonne personne aurait écrit : "JE N'AI RIEN VU ET RIEN ENTENDU
BISOUS."

Évidemment je n'ai pas pu m'en tirer, deux personnes m'ont dénoncé. Beaucoup d'élèves m'ont confié que c'était Eva Charpentier, la pétasse blonde aux racines brunes en classe de 3ème- qui roule ses hanches gonflées de poignées d'amour et qui porte des décolletés aussi grands que des balcons.

Depuis la bataille, elle n'a pas pointé son nez au collège. J'attends son retour pour qu'on s'explique.

Lundi 16 juin

La vie scolaire a laissé un message à propos de mes heures de retenue. N'est-ce pas mignon?

J'ai bien ri en les écoutant raconter ce qui s'était passé sur un ton aussi coincé que des ministres faisant face à un tas de journalistes.
Ces abrutis ont laissé ce message sur mon portable. Comme je sais me prémunir, j'ai rempli le champ N° DE PORTABLE TUTEUR LÉGAL 1 avec le mien et laissé le deuxième champ vide.

Si je pouvais associer mes parents à deux sortes de poulets KFC , ma mère serait des Hot Wings tandis que mon père serait des Crispy Tenders. Elle me tuerait si elle apprenait ce qui s'est passé au collège alors que mon père aurait passé l'éponge dessus.
J'ai croisé Eva à la récréation de dix heures et j'ai eu une heure de permanence au même moment qu'elle. Sa table se situait derrière la mienne. Lorsque la surveillante s'est absentée, j'ai penché ma chaise contre celle-ci. Elle tapait nerveusement contre le clavier de son iPhone à oreilles de lapin et ses sous-fifres faisaient de même un rang plus loin.

J'ai bruyamment plaqué mes mains sur la table, elle a sursauté. Mon entretien sur un ton enjoué et déroutant a commencé.

« -Salut Eva! »

Les mains agrippées à sa coque en silicone, elle s'est figée. Ses mains sont devenues rouge écrevisse.

« -Salut. a-t-elle répondu d'une voix étranglée.

-Ça va? ai-je enquis en gardant mon ton enjoué.

-Oui.

-Génial! Tu permet? ai-je demandé en désignant son portable du menton.

Sans attendre de réponse de sa part, j'ai pris le téléphone. Lors de son extraction, le caoutchouc de la coque a lâché un larmoyant chuintement causé par la moiteur des paumes d'Eva. Elle avait envoyé un sms désespéré à son amie Camille.

"Quand on parle du loup, lève les yeux et regarde,SURPRISE! " ai-je tapé sur le clavier en ajoutant une série d'emoji souriant.

Le destinataire a planté son regard apeuré dans le mien. J'ai levé la main en agitant les doigts. Le visage constellé de tâche de rousseur de Camille, a pris une teinte pivoine.

J'ai poursuivi mon entretien avec Eva.

-A ce qu'il parait, tu m'as dénoncé. Il y a eu au moins treize personnes qui l'affirme. Ce qui est assez bizarre, tu ne trouve pas?

Ses mains se sont mises à trembler.

-Je n'ai rien fait, fous moi la paix! »

Les talons de la surveillante martelant le sol se rapprochaient progressivement. J'ai articulé : «Tu veux jouer, on va jouer» avant de battre en retraite et jeter son iPhone un peu trop fort sur sa table. Je ne compte pas en rester là.

Mardi 17 juin

J'ai encore eu une altercation avec Mme Watcher ma professeur d'anglais. Cette garce s'en est encore prise à moi. Je soi-disant parlais avec Grégoire qui m'avait juste demandé la signification d'un mot. Contrairement aux autres qui se donnent tout le mal du monde pour faire des phrases élaborées, mon anglais est fluide.
Vous pouvez imaginer qu'un cours d'anglais de 3ème qui est l'équivalent du langage d'un gamin anglais de CM2 , pour une bilingue, c'est d'un ennui mortel.

Tout d'abord Watcher et moi nous sommes renvoyé la balle doucement.

« - Asani, arrête de parler et prends le cour s'il te plait.

-Grégoire m'avait demandé la signification d'un mot.

-Non, tu bavardais. a-t-elle affirmé fermement.

-N'importe quoi. ai-je soupiré.

-Prend le cour.

Elle s'est remise à écrire au feutre velleda sur le tableau.

-Je parlais pas avec Grégoire.

-Asani, tu prends le cour.

Vingt-neuf paires de yeux ronds comme des balles de golf nous fixaient.

-Pas tant que vous n'admettez pas que je parlais pas avec Grégoire. ai-je dit en ne la quittant pas des yeux.

Elle a retiré ses lunettes à cordon et m'a toisée de ses yeux verts aux contours de pattes d'oies.

-Tu prends ce cour ou je t'exclus.

-O.K ai-je capitulé »

J'ai commencé à rassembler mes affaires et prendre la direction de la sortie.

« -Au fait, on sait tous que vous vous faites peloter par le prof d'arts-plastique pendant la pause de midi. » ai-je lancé par dessus mon épaule.

Pour mettre une touche finale à mon départ, j'ai fait mine de mettre un index dans ma bouche en faisant un bruit de vomi.

J'aurais juré voir ses cheveux se hérisser sur sa pauvre tête!

Les professeurs pensent être l'incarnation de la droiture ,l'intégrité et de la toute puissance. Nous les élèves, sommes considérés comme des individus vierges de tout savoir qui ont le devoir de se taire et ne protester contre aucune de leurs paroles, aussi révoltantes que certaines sont. Mon père m'a toujours enseigné la défense face à l'injustice.

Ce n'est pas la dictature nazie du corps enseignant qui va me faire peur.

Quelques rires étouffés se sont fait entendre.
J'ai eu mon exclusion et suis restée en permanence. Pour m'occuper, j'ai sorti mes fiches de révisions.
A la récréation de quinze heures, j'ai été convoquée dans le bureau de la proviseur. J'étais à la fois inquiète et curieuse. Savait-elle pour mon numéro de portable? Ou bien Mme Watcher ne s'est pas remise de ma révélation publique à propos de ses activités extra-professionnelles?

Il n'y a eu aucune Watcher en vu mais une Eva mortifiée était au rendez vous. Elle a raconté à la proviseur que je lui avais fait des "menaces" de mort. Elle s'est mise en difficulté toute seule en disant que les menaces ont été prononcées à midi trente. Or, à ce moment là, j'étais en cours de maths!

La proviseur a également notifié l'incohérence de ses dires. Donc la convocation a tourné court.

Je vais me tenir à l'écart d'Eva. Elle est sournoise et je n'ai pas envie de m'attirer encore des problèmes pour rien. En plus, le brevet approche, je dois me tenir à carreau et bosser pour en être débarrassée.







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