FELESIA T.3 L'Ultime Condamnation

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Le corps tendu à son extrême, Lenzo se tenait debout au-dessus du corps de son frère Laeron. Torse nu, les gouttes de pluie traçaient leurs chemins le long de ses muscles pour finir leur course sur le sol de terre boueux. Le souffle court, taché de sang, trempé, rien ne l’arrêtait, pas même la tempête. Combattre, devenir plus fort et surtout ne pas penser à Malia, chose évidemment impossible. Il tentait d'atténuer sa douleur psychologique par une douleur physique, en se battant continuellement, mais ce n'était pas suffisant. Que faisait-elle ? Pensait-elle à lui ? S'était-elle rapprochée de ce vampire qu'il détestait au plus haut point ? Trop de questions hantaient son esprit torturé. 

— Tu veux me tuer ? 

Laeron se releva et observa son grand frère, qui était aujourd'hui un tas de muscles que plus personne n'osait défier. Même Gabriel n'avait jamais vu pareil combattant, il était de loin l'Alpha le plus puissant et la perte de son âme sœur n'y était pas pour rien. Laeron ne pouvait comprendre l'effet d’une telle perte puisqu'il n'avait pas eu la chance de rencontrer sa moitié, mais voir la souffrance que cela provoquait sur Lenzo dissipait quelque peu l'envie de la rencontrer. 

— Que regardes-tu ? demanda Lenzo avec un sourcil relevé. 

— Ta souffrance. 

Ses épaules s'affaissèrent comme si un poids venait de s'ajouter sur son dos et sans un mot, il s'éloigna sous le regard peiné de son petit frère. 

L'orage commença à se calmer, laissant flotter dans l'air cette odeur si particulière d'une forêt trempée. C'était un mélange d'arômes de terre mouillée, d'écorce et de racines que la pluie libérait dans l'atmosphère. Cette effluve lui rappelait les nombreuses fois où il s'était caché pour observer son âme sœur s'amuser et discuter avec Jessy. Rares étaient les fois où il avait bravé l'interdit qu'il s'était imposé, celui de rester loin d'elle, mais lorsque la douleur était trop forte, rien ne pouvait l'arrêter, pas même la pluie. Alors il se rendait dans la forêt et observait sa belle qui était perchée sur le dos son meilleur ami ou sur  la branche d'un arbre. Qu'elle était belle, se disait-il sans cesse, mais son devoir envers sa meute l'empêchait de se montrer au grand jour et de lui révéler qu'il était son grand amour. 
 
Son statut de chef l'avait bien souvent empêché d'agir comme il l'aurait voulu et aujourd'hui encore il le payait. Lui ne désirait qu'une seule chose, arriver sur le territoire du roi et récupérer sa belle afin de lui montrer qu'il n'y avait que lui dans sa vie, mais d'un autre côté, il y avait les siens, les loups, sa meute. De plus, Malia avait aussi son propre destin qui l'empêchait à son tour de prendre des décisions, car la moindre erreur pouvait lui être fatale. Ils étaient tous deux à la tête de toute une espèce, deux genres différents mais qui dans le fond ne l'étaient pas vraiment. Pourtant, il n'existait pas de plus vieille rancœur que celle qui opposait loups et vampires et si durant le règne de Darius les querelles c'étaient atténuées, il suffisait d'un seul homme pour faire renaître les conflits, même les plus anciens. 

Jamais il n'aurait imaginé que leur relation serait aussi compliquée. Malia était destinée à être reine des vampires et lui l'Alpha Suprême des loups-garous. La question qu'il se posait sans cesse était : comment les siens allaient-ils le prendre ? Une vampire comme Luna était de loin ce qu'ils avaient imaginés et jamais, jamais une vampire n'avait eu cette place. Seulement des louves ou des humaines transformées mais une vampire ? Encore un conflit qu'ils allaient devoir gérer ensemble et ce très prochainement car Lenzo était sûr d'une chose, lorsque Malia serait de retour, il dévoilerait aux yeux de tous qu'elle était sienne. Celui où celle qui serait contre cette union aurait le choix de l'affronter dans un duel, comme il l'était permis en cas de grand conflit et Lenzo était prêt à se battre contre toute une meute, pour prouver l'amour qu'il éprouvait pour cette femme. 

L'Alpha porta une main sur son torse où dessous se cachait son cœur, il ressentait sa peine, sa tristesse, mais aussi les doutes que Malia éprouvait en ce moment même. Grâce à la lune, il pouvait encore ressentir les émotions de son âme sœur et bien souvent, la colère avait dominé toute les autres, sauf peut-être la tristesse. Parfois, Lenzo souriait en ressentant une sombre colère, imaginant sa belle vociférer tout ce qu'elle pensait à son roi. S'il pensait faire d'elle sa marionnette, le pauvre s'était lourdement trompé, elle n'était pas du genre à garder pour elle ce qu'elle pensait et c'était une chose parmis tant d'autres qui l'avait charmé. 

Un hurlement le sortit de ses pensées et l'Alpha s'empressa de retrouver Jessy. Ce dernier était entouré de vampires, mais pas n'importe lesquels ; Méline, Jacke, Dylan, Jason et Nina dont le regard était éteint. Son corps, son esprit étaient avec eux mais son cœur n'était plus. Cette image lui comprima l'estomac, jamais il ne voudrait vivre pareille souffrance et cette constatation suffit à ranimer sa rage. 

— Mon frère, dit Jacke en le prenant dans ses bras. 

— Je voulais justement vous voir, j'ai décidé d'aller chercher Malia. Je vais réunir le conseil et tout avouer sur ma relation avec elle, il est hors de question que-

— Wow doucement Zorro ! répondit Jason. Mais le regard noir et les poings serrés de Lenzo le dissuadèrent de continuer. Malia sera là ce soir, enfin, à Felesia plus précisément. 

Lenzo en resta bouche bée. Son cœur se mit à battre à nouveau à une allure démesurée, comme si ce dernier venait de se réveiller d'un long sommeil. Voyant qu'il était incapable de parler, Meline prit la parole à son tour. 

— Si tout se passe bien, une personne l'amènera jusqu'à Felesia, nous ne savons pas l'heure exacte mais c'est pour cette nuit. 

Lenzo aurait voulu hurler sa joie, montrer à quel point il était heureux, plaquer le même sourire sur son visage comme le faisait Jessy en ce moment même, mais quelque chose ne semblait pas aller. Méline semblait angoissée, seuls Dylan et Jason semblaient confiant. 

— Méline ? 

— Pour sortir, elle devra affaiblir Alban mais nous connaissons tous sa puissance.

— Tout comme on connaît la sienne, rétorqua Daé. De plus, elle ne sera pas seule, même si le risque que cela tourne mal n'est pas négligeable. 

— Comment savoir si elle a échoué ? demanda Jessy.

Nina plus sérieuse que jamais prit la parole à son tour.

— Au levé du jour, si Malia n'a pas traversé la barrière magique alors nous saurons que tout est terminé. 

Lenzo retint son souffle et d'instinct son regard pivota vers le ciel. Cette nuit allait être la plus longue de toute son existence.