Chap 22: Second Jour.

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Je passe une à une les chaînes à la télé tout en mangeant des pâtes sans goût.

Tout le monde avait eu pour obligation de me laisser un peu de repos, si bien que Gary et Nadia n'allaient pas revenir avant cet après-midi.

Il n'y a rien à faire, dans un hôpital. Je relis en boucle les mêmes livres toute la journée et je me bat contre la fatigue.

Il est impossible que je flanche maintenant, avec tous les cafés que j'ai avalé...Mais pourtant, il semblerait que mon cerveau soit d'un tout autre avis.

Mes paupières se ferment et tout mon corps semble se mettre en veille. Après tout, on me gave tellement de médicaments que je ne pense pas faire de L'hypermnésie...ça ne me ferait pas de mal de piquer un petit somme.

"Les yeux dans le vague, j'entend Nadia pleurer, dans la cuisine. Je me répète encore une fois qu'elle ne pleure pas à cause de mon père. Non, c'est impossible, puisqu'il va rentrer d'une minute à l'autre.

Je refuse de croire ces abrutis de policiers. Je refuse de croire que mon père a disparu. Il est sûrement sain et sauf en train de montrer les merveilles qu'il vend à travers le monde.

Où devait-il se rendre,déjà ? Non mais qu'elle horreur, pourquoi je parle au passé ? Papa n'est pas mort, il doit se rendre à Liège. Mais d'abord, il faudrait qu'il rentre, s'il veut préparer ses expositions.

Je descend lentement les escaliers et la scène qui se déroule devant mes yeux me tord l'estomac.

Nadia est avachie sur le canapé, une bouteille de whisky à la main.

Non, je ne veux pas qu'elle devienne comme Maman. Il en est hors de question.

- Lâche la bouteille, Nadia, s'te plaît...
- Dégage..hors de ma vue.

Elle éclate en sanglot et s'essuie avec sa manche.

Je tire la bouteille de toutes mes forces, et malgré mes forces de petite fille, je parviens à l'ôter des mains de ma belle-mère.

La bouteille tombe et se fracasse par terre, répandant des débris de verre un peu partout sur le tapis.

Nadia avait tellement perdu la raison qu'en ramassant un bout de verre dans sa main, elle le serra si fort qu'il lui fit une belle entaille.

- Oh, mince...Kinney, ne bouge pas, je vais nettoyer tout ça.

Et c'est ainsi que je me retrouve dans ma chambre, assise à mon piano, le regard errant, des pensées me torturant la tête à m'en faire mal.

Je me prend ma tête entre mes mains, je cris, je pleure en même temps. Je ne sais pas ce qui m'arrive. "

Les infirmiers me trouvent comme ça: En criant et pleurant à la fois, ma tête soutenue par mes mains.

Ils m'injectent quelque chose à l'aide de la perfusion, mais je suis encore trop sonnée pour reconnaître ce que c'est.

À moins que le produit ne m'assomme déjà...

- Que se passe-t'il ?
- Votre patiente à du faire une crise d'angoisse. On lui a injecté quelques somnifères.

La voix de mon médecin résonne dans la pièce et me sors de ma torpeur.

- Incapables !!! Cette patiente souffre d'une tumeur cérébrale et de crises d'hypermnésies, et vous, vous l'encouragez à replonger dans le sommeil ?! Vous n'êtes que des idiots. Disparaissez, je vais mettre une autre équipe sous sa garde.

Je cligne des yeux une fois, puis deux, et je distingue enfin le cancérologue.

Il me passe sa lumière aveuglante dans les yeux, prend mon pouls, mon rythme cardiaque et vérifie mes perfusions avant de pouvoir s'asseoir près de moi et de souffler.

- Kinney, tu es vraiment compliquée. Il y a à peine une minute, tu étais prête à faire disjoncter les machines reliées à toi tellement ton corps était déboussolé et dés que je passe voir ce qui ne va pas, tu es déjà remise sur pied.

Que veut-il que je réponde à ça ? Je n'y peux rien, moi !

- Tu ne sens rien, pour l'instant ? Me demande-t-il.

Je répond à la négative. Pourquoi "Pour l'instant" ? Devrais-je avoir mal quelque part ?

À peine j'ouvre la bouche qu'une douleur insupportable me cogne dans le cerveau.

- Ne bougez surtout pas, Kinney, ça va se passer.

J'entend à peine ses dernières paroles tellement mes oreilles sifflent.

Et, quand enfin je crois que la douleur est passée, aussi douloureuse qu'un clou que l'on s'enfonce dans la tempe, aussi inattendue qu'un séisme et aussi ravageur qu'un tsunami, on croirait que l'on a appuyé sur mon bouton off interne, si bien que je tombe mollement sur le matelas, aussi immobile qu'une poupée de cire.

Non, je ne suis pas inconsciente, puisque j'entend, je sens et je vois. Mais c'est juste que je ne contrôle plus mon corps.

- Kinney, vous m'entendez ? Si oui, serrez ma main.

Je ne peux pas, je n'y arrive pas.

- Pouvez-vous clignez des yeux ?

Oui, il semblerait que j'arrive à abaisser lentement mes paupières. C'est déjà ça.

- Bien. À cause de la pression de la douleur, votre corps s'est défendu, mais contre lui-même. Il va vous falloir quelques heures pour vous remettre, vous comprenez ? Clignez des yeux une fois si oui, deux fois si non.

Il articule distinctement, en me regardant droit dans les yeux. Je cligne une fois des yeux.

Il reste encore une dizaine de minutes avec moi et finit par sortir de la pièce, me laissant la télé allumée.

C'est horrible cette sensation de ne pouvoir rien faire, rien comprendre. Tout mon corps est engourdi, comme si j'avais dormi cent ans.

J'essaye de bouger les doigts comme je peux, mais cela ne fonctionne qu'avec le pouce gauche.

Au bout d'une heure, je pense, je peux enfin faire plus de gestes.

Je regarde les infirmiers défiler dans ma chambre, prendre des notes, ou même me toucher. J'ai l'impression d'être un chien dans un concours canin, où l'on me juge, sans vraiment savoir que je suis vivante et que je les entend et les voient.

C'est à la fin de la journée, après une bonne sieste sans souvenirs que je prend possession totale de mes membres.

Les effets du médicament ont bien marchés.

Gary entre dans la chambre, pose son sac de cours sur le sol et s'installe dans le fauteuil.

- Tu viens de rentrer de cours ? Je lui demande.
- Exact.
- Je pensais que tu étais viré définitivement.
- Normalement oui mais mon père n'a pas voulu.

C'est la première fois qu'il me parle de son père...C'est déjà un progrès.

- Et le principal a accepté de te garder ?
- Je suis inoffensif. C'est juste que je préfère prendre soin de ceux que j'aime plutôt que de m'occuper de moi.

Son regard est intense. Il y a tellement de sous-entendus dans ce qu'il vient de dire !...

J'allais ouvrir la bouche quand mon docteur entra dans la chambre.

Il incite Gary à sortir de la pièce afin de discuter avec moi.

- Kinney, nous allons commencer les chimiothérapies.

Flocons d'hiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant