Chap 8: L'hypermnésie.

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Je reste quelques minutes, dubitative, le portable collé à l'oreille.

Je crois que je ne comprendrai jamais Gary et lui-même ne me comprendra sûrement jamais.

En fait, personne n'arrive à me comprendre. Personne que je considère en vie, en tout cas.

Je descend, bien décidée, sors sans penser à prévenir ma belle-mère et prend mon skate, coincé entre mon vélo et quelques outils de jardin.

Ça fait si longtemps que je n'en ai pas fait ! C'était au temps où je me considérais invincible, où j'aimais que les garçons se retournent en voyant une fille en talons sur un skate. J'aimais voir leur mine stupéfaite et impressionnée.

J'aimais.

Il me faut quelque chose pour me calmer, quelque chose qui me change les idées.

Je pose mon pied droit sur la planche, et pousse du pied gauche et me voilà propulsée en avant.

Rien ne m'arrête, pas même ces bottes à talons de 13 centimètres précisément, qui commence à me brûler mes chevilles.

Je ne sais pas où je vais, et je n'ai même pas pris mon iPhone en cas d'accident.

Je vais encore bien me faire secouer en rentrant à la maison.

Et puis j'ai une idée. Une destination.

Le vent siffle dans mes oreilles et je ressens enfin ce besoin de s'échapper s'estomper au fur et à mesure que j'avance.

Je prend à droite, évite les Champs Elysées et passe dans les recoins, qui me servent de raccourcis.

Sur la chaussée, quelques passants me regardent, s'arrêtent et m'admirent. C'est vrai que je suis bien sapée pour une bad-girl qui fait du skate-board.

Quelques minutes plus tard, me voilà au cabinet du psychologue.

Je rentre, mes talons claquant sur le carrelage blanc et propre.

Mr Pilat ouvre sa porte et semble perplexe de ma venue. Il me fait cependant entrer et je me met à l'aise.

- Qu'est-ce qui vous amène, Mlle Thompsons ?
- Appelez donc moi Kinney. Mlle Thompsons, c'était ma mère.
- Pas de problèmes, Kinney. Je peux te tutoyer ?
- Pas de problèmes, docteur.

Il s'installe dans son fauteuil et croise les bras en me regardant.

Je me redresse de ma chaise, et pose les deux bras à plat sur le bureau.

- Je suis venue pour savoir comment faire cesser ces souvenirs.
- Vraiment ? Vous voulez les faire cesser ?
- Absolument.
- Je ne suis pas d'accord.
- Argumentez, docteur.

Il se redresse à son tour et devient bien sérieux.

- C'est un don inné de se rappeler ses souvenirs, Kinney.
- C'est une malédiction.
- Tu es hypermnésique.
- Pardon ?

Il soupire avant de reprendre.

- Je ne pensais pas te le dire aussi vite. Ta belle-mère est au courant.

Je me décompose petit à petit. Je ne comprend pas.

- C'est une maladie incurable, Kinney. Certains la voit comme une bénédiction, et d'autres comme un fardeau. Et toi, tu la vois comme ce dernier.

- Je suis malade ? Je demande.
- Oui, Kinney. Tu es malade...

Je me lève d'un bond de ma chaise, qui va s'écraser par terre. Je sors en courant du cabinet, prend mon skate et m'en vais le plus vite possible, ma vue brouillée par les larmes.

Je ne vois rien, je ne sens rien. Je ne pense plus qu'à la dernière phrase du docteur.

"Oui, Kinney. Tu es malade."

J'éclate en sanglot tout en continuant d'avancer, sous le regard maintenant inquiet des passants.

Je suis malade. Psychologiquement. Je vais aller dans un hôpital psychiatrique.

Je ne veux pas...

Je rentre à la maison, monte une nouvelle fois les marches menant à ma chambre, évitant Nadia folle de rage.

Je ferme ma porte à clé et me précipite sur mon ordinateur portable qui commençait à pourrir dans un coin.

"Hypermnésie. Rechercher."

"L'hypermnésie (du grec huper "avec excès" et mnesis, "mémoire"), appelée également exaltation de la mémoire, est une psychopathologie caractérisée par une mémoire autobiographique extrêmement détaillée et un temps excessif à se remémorer son passé"

Mon cœur bat à cent à l'heure. Je descend un peu plus bas:

"Les personnes atteintes d'hypermnésie peuvent se remémorer des périodes lointaines de leur vie, remontant à la petite enfance." "Pas de maîtrises sur les souvenirs." "Incontrôlables". "Hypermnésie hypomaniaque: rappel massif d'informations autobiographique non accessibles en période d'humeur normale".

Je laisse tomber mon ordinateur portable qui s'écrase sur le sol, sous le bruit incessant de coups sur la porte.

Quelle. Horreur. Le psy dit vrai.

J'ouvre la porte avec fracas.

Nadia s'arrête et me regarde.

- Kinney ?...Tu pleures.
- Pourquoi tu m'as pas dit...
- De quoi ma chérie ?.
- Pourquoi...
- Kinney ? Est-ce que ça va ?
- NON ! Je suis hypermnésique.

J'éclate en sanglots. Nadia me fais un câlin, me réconforte, mais rien n'y fait.

- Je vais être internée, c'est ça ?
- Qu'elle idée, ma puce ! Jamais !

Elle m'accompagne jusqu'à mon lit.

Elle reste près de moi un moment et s'en va.

Je ne comprend plus rien.

De la fille rêvant d'être styliste-top modèle, aux habits toujours soignés et à la mode, je passe à une pauvre folle hypermnésique.

Pitoyable.

Je n'ai jamais voulue ça.

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Salut ! Comment trouvez-vous ces premiers chapitres ? Un peu courts, je sais, mais mon inspiration me joue des tours! Alors je préfère vous satisfaire immédiatement que de vous faire attendre :) Pour ce chapitre, Gary n'est pas présent. Mais dans les prochains qui vont arriver très vite, vous n'allez pas être déçus !

N'oubliez pas de commenter pour m'aider à m'améliorer et d'aimer mes chapitres si vous êtes satisfaits de mon travail ! :3

Gros Bisous !

Jade.

Flocons d'hiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant