Un écran noir.
C'est ce que je vois en premier, en arrivant au monde. Tout est sombre, aveugle. La seule chose qui luit est une lumière, tout au bout. Une lueur, qui clignote.
Qui se rapproche, à moins que ce ne soit moi qui marche vers elle.
J'arrive au point de rencontre, entre la boule de clarté et moi. Je me mets la main devant les yeux, réflexe. Tout était noir ; tout devient blanc. Comme je ne vois rien pour quelques instants, j'entends une voix sans timbre, robotique, qui demande :
« Fille, garçon, ou autre chose ? »
Pleurotant en réaction à la vivacité de la lumière, j'ouvre péniblement les paupières, m'observe, tâte mon corps. Ah, je n'ai rien dit, je ne suis donc aucune de ces trois possibilités.
« Fille, garçon, ou autre chose ? »
Il faut vraiment choisir ?... Comme la voix se fait plus insistante, mes épaules se haussent. Le monde commence à être plus net, autour de moi. Je suis dans une salle... une salle blanche, au carelage gris.
Je me retourne : il y a quelqu'un. Plusieurs personnes, en fait : un être sur une table d'opération, un autre en blouse, un bébé dans les bras de ce dernier. Un bref geste matérialise ma pensée : c'est moi, l'enfant. Je suis ici, et là en même temps. Et la voix est celle du chirurgien, qui demande à son assistante que je n'avais pas vu si je suis une fille, un garçon ou autre chose.
Tournant les talons, je décide de m'occuper de cette question plus tard. Je sors de la pièce pour longer un couloir, découvrant que je peux courir. Des vêtements m'ont aussi couvert la peau au passage, apparus comme par magie. Je tends les bras, les regarde sans m'arrêter : je suis adulte. Mon corps est rapide, fort, agile. Je m'apprête à faire l'inventaire de mon matériel, quand un râle me fait relever la tête et arrêter de courir.
Mes yeux s'écarquillent : un monstre ! Ça se tient devant moi, vert et purrulent, les mains tendues et le geste erratique. Ça met de grandes baffes dans le vide, brassant de l'air au passage.
Ça me coupe la route.
Le cœur commençant à s'emballer, je fouille précipitamment dans ma ceinture. Une épée... une vieille épée rouillée, la lame ébréchée. Dans mon dos, un arc. Je change précipitamment, comme il s'avance : il y a des flèches. Je bande, vise la tête, tire.
Ça s'effondre et s'évapore.
Les épaules retombent. On peut continuer à avancer.
Je reprends ma course, espérant la fin de ce couloir. Je l'espère peut-être un peu trop vite ; il s'interrompt brusquement par un espace vide, le sol effondré. Ah !... Heureusement, mes réflexes sont vifs et pleins d'une expérience dont je n'ai pas conscience. Je saute, presque automatiquement. J'atterris de l'autre côté. Je suis dans un espace ouvert, maintenant, et il y a...
Il y a d'autres monstres autour de moi, dont un à moins d'un mètre.
Je tends la main vers mon arc, je bande, je n'ai pas le temps de tirer, il me l'arrache et me pousse dans le vide. J'atterris dans des piques en acier. Je crache un peu de sang, regarde le ciel.
Il n'y a pas de plafond : on voit parfaitement les étoiles.
Je reviens à la vie dans le noir, puis en voyant la lumière, puis la salle, puis en entendant la voix qui me demande : « Fille, garçon, ou autre chose ? »
Je me retourne, regarde le chirurgien, le bébé, l'assistante, la créature qui vient d'accoucher – je ne sais pas à coup sûr ce que c'est, vu que son apparence s'approche davantage de...
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Ficción GeneralUn recueil de nouvelles en construction... J'ai commencé à m'intéresser à ce format suite à une lecture-révélation du recueil "Fantaisies d'Asphalte" d'un ami et collègue, Lucas Musel pour ne pas le citer. Ne le cherchez pas sur Wattpad, il n'y est...