❀ Près du petit temple

151 21 11
                                    

   — Tu te rends compte qu'à chaque fois qu'on dit à quelqu'un qu'on s'est blessé, la première chose qu'ils font, c'est de nous engueuler ?
   — Et bien ça vous apprendra à faire n'importe quoi, répliqua la mère des jumeaux en tournant une page du livre qu'elle tenait entre ses mains.
   — Comme si toi tu ne t'étais jamais disputée avec tes frères et sœurs, répliqua Atsumu.
   — Moi je ne poussais pas mes frères dans les escaliers mon chéri. Et je ne me jetais pas non plus dedans.
   — Parce que toi tu es normal, Sam c'est un... un psychopathe, s'écria Atsumu d'un air indigné.
   Osamu, qui était assis à la table de leur salle de vie, et avait enfoui sa tête dans ses bras, se redressa vivement et fusilla son frère du regard.
   — Je te signale qu'on est pareil, dit-il froidement.
   — Moi je ne suis pas du tout comme toi, je suis parfait alors que tu es un échec, je suis génial tu es nul, je suis beau tu es une copie de moi, je suis un ange tu es un démon, énuméra Atsumu à toute vitesse. Et en plus je suis né en premier, ça prouve que tu n'es qu'une mauvaise reproduction de moi.
   — Tu voulais juste m'empêcher de naître en bloquant le passage ! Tu ne peux pas te vanter de ça !
   — Oui et bien j'aurais dû te repousser à l'intérieur du ventre de maman au lieu de te laisser naître pour nous pourrir la vie !
   — Oh les garçons vous polluez mon esprit, allez jouer ailleurs, s'exclama leur mère d'un air agacé.
   — Mais on s'ennuie, répliqua Osamu en allongeant son buste sur la table.
   — J'ai envie d'aller faire du volley, se lamenta son frère.
   — Moi aussi. J'ai envie qu'on me fasse des passes.
   — Et moi j'ai envie de faire des passes à Kita et Aran.
   — Pas à moi, s'écria Osamu avec consternation.
   — Je vais aller voir l'équipe, je m'entraînerais mentalement, dit son jumeau en l'ignorant royalement.
   — N'importe quoi, marmonna Osamu.
   Atsumu se leva et partit enfiler ses chaussures. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, il était partit.
   Osamu souffla avec ennui. Cela faisait presque une semaine qu'il était rentré chez lui, et depuis son retour, il avait l'horrible impression de tourner en rond. Il était privé de volley-ball, ça faisait un grand vide dans sa vie. Et puis, comme c'était les vacances, Osamu n'avait pas grand chose à faire. Il s'ennuyait horriblement, et cela le déprimait.
   Il prit son téléphone posé devant lui et l'alluma sans savoir quoi faire dessus. Il tomba sur ses contacts et ses yeux s'accrochèrent immédiatement au nom de Suna. Bien qu'il ait son numéro depuis une semaine, le jeune homme n'avait pas osé lui envoyer le moindre message.
   En réalité, il ne savait pas comment s'y prendre. Suna ne voulait peut-être pas lui parler en plus.
   En revanche, Osamu savait de source sûr qu'Atsumu parlait avec lui. Il n'avait pas cherché dans son téléphone évidemment, il n'avait même pas eu besoin. En fait, dès que Atsumu s'ennuyait il parlait à Suna, ce qui arrivait assez souvent. Et Osamu le voyait tout simplement faire. Mais lui ne faisait rien, il n'osait pas.
   — Pourquoi tu ne vas pas te balader, demanda soudain sa mère en levant les yeux de son livre pour regarder son fils.
   — Hmm ?
   — Tu veux qu'on aille marcher tous les deux ?
   — Pas vraiment.
   — Allez viens, tu ne vas pas rester là toute l'après-midi, dit sa mère d'un ton catégorique.
   — Mais je n'ai pas envie...
   — Ça ne va pas te tuer.
   Osamu grimaça en entendant cette phrase. Il ne dit rien cependant et se leva en s'appuyant sur la table. Il partit enfiler ses chaussures, ainsi qu'un manteau et attendit que sa mère soit prête.
   — Tiens prends ça, dit sa mère en lui tendant un sac plastique.
   — C'est quoi ?
   — Des onigris, si on a faim. Allez, tu vas me raconter tout ce que tu as à me dire, dit joyeusement sa mère.
   Elle attacha son bras à celui de son fils et l'entraîna dehors. La porte de leur maison claqua derrière eux, et un léger vent vint effleurer leur visage. Osamu se laissa entraîner par sa mère en gardant le silence. Il n'avait rien à raconter étant donné qu'il passait ses journées à attendre que le temps passe...
   — Tu as prévu quelque chose pour les jours qui arrivent, demanda sa mère alors qu'ils s'engageaient dans une ruelle conduisant au centre ville.
   — M'ennuyer.
   — Tu sais que tu peux t'occuper autrement qu'en faisant du volley, demanda sa mère en riant.
   — Oui en cuisinant, mais je ne vais pas non plus passer ma journée à faire ça. Surtout que dès que je fais quelque chose, il y a toujours quelqu'un pour venir traîner dans mes pattes, répliqua Osamu d'un air neutre.
   — Ah, c'est agaçant n'est-ce pas ? Et bien sache que moi je vis ça depuis que je suis mariée à ton père, et c'est encore pire depuis que toi et Tsum êtes là.
   — Papa et Tsum je veux bien, mais moi je ne suis pas un parasite, répliqua aussitôt le jeune homme.
   — Tu caches juste mieux ton jeu, mais c'est vrai que tu es un peu plus calme que ton frère et ton père, accorda sa mère d'un air pensif.
   — Je ne suis pas un peu plus calme, je le suis beaucoup plus !
   — Sauf quand tu pousses ton frère dans les escaliers.
   — Je ne l'ai pas poussé, s'écria Osamu.
   Combien de fois il allait devoir le répéter ? Cela commençait vraiment à l'agacer.
   — Enfin Sam, pourquoi Tsum se serait jeter dans les escaliers, questionna sa mère d'un air entendu.
   — Pour faire l'interessant, pour attirer votre attention, pour me faire porter le chapeau, parce qu'il est con, énuméra Osamu à toute vitesse. Tu sais ce que c'est la première chose qu'il a fait quand on est arrivé à l'hôpital ? Il s'est mis à draguer tous les individus de sexe féminin qu'il a croisé ! J'ai jamais eu autant honte de lui !
   La mère d'Osamu éclata de rire.
   — C'est pas drôle ! Il me fait honte cet enfant ! En plus tu l'aurais vu, il a aucun tact, il pose des questions indiscrètes et se mêle de la vie des autres sans aucun gêne, continua le jeune homme d'un ton désespéré.
   — Oui je sais, ton frère a toujours été comme ça. Il parle à tout le monde, il est indiscret, sans tact et très tactile, même avec les inconnus, mais ce n'est pas si grave, si ?
   De toute évidence, rien n'était jamais grave avec Atsumu.
   — Si tu le...
   Osamu ne termina pas sa phrase et fronça les sourcils.
   — Suna ?
   Le garçon qui venait de passer à quelques mètres de lui s'arrêta et se tourna vers Osamu. Oui c'était bien lui, Osamu l'avait immédiatement reconnu. Suna avait l'air de sortir de son lit, il n'était pas en pyjama, mais c'était tout comme. C'était l'impression que donnait son jogging noir, son t-shirt large et sa capuche qui lui tombait sur les yeux. Il portait un masque noir, c'était peut-être pour ça que Osamu ne l'avait pas reconnu tout de suite. Il était peut-être en mode incognito. Suna leva la tête pour voir Osamu sous sa capuche.
   — Oh Osamu. Ça va ?
   — Mais qu'est-ce que tu fais là, demanda le jeune homme d'un air incrédule.
   — Je me balade, ça se voit non ?
   Osamu se demanda un bref instant si Suna était stupide, ou s'il le faisait exprès. Qu'est-ce qu'il faisait dehors ? Il n'était pas malade ? Gravement malade ?
   — Osamu tu ne nous présentes pas, intervint sa mère.
   — Maman, Suna. Suna, maman, dit rapidement Osamu.
   — Enchantée, tu es dans l'université de mon fils ?
   — Non, on s'est rencontré à l'hôpital, expliqua Suna en souriant poliment.
   — Ah très bien...
   — Tu as le droit d'être dehors, s'inquiéta Osamu.
   — J'ai le droit de me balader.
   — Oui, dans le parc de l'hôpital, précisa Osamu.
   — En soit, le parc et la ville, c'est la même chose. Dans les deux cas c'est dehors, répliqua Suna avec indifférence.
   — Mais en ville il n'y a pas de médecin, s'il t'arrive quelque chose, ça sera plus compliqué, dit Osamu.
   — Je vais vous laisser, Osamu je vais chercher du thé, dit sa mère avant de rapidement s'en aller.
   Osamu n'eut pas le temps de la retenir. Il aurait aimer ne pas se retrouver seul avec Suna, c'était assez gênant. Osamu hésitait entre trouver un prétexte pour s'en aller, et ramener Suna à l'hôpital. Il était presque sûr qu'il n'avait pas le droit de se trouver dehors, mais qui était-il pour lui faire la moral ?
   — Et toi qu'est-ce que tu fais dehors, demanda Suna pour briser le silence.
   — Je m'ennuie.
   — Ouais moi aussi... tu... tu veux qu'on s'ennuie ensemble ?
   Osamu, qui fixait ses chaussures blanches avec fascination depuis que sa mère était partie releva les yeux et ria. Mais en fait Suna était sérieux.
   — Si tu veux, dit-il alors.
   Les deux garçons se mirent à marcher côte à côte sur les trottoirs, ne sachant pas de quoi parler. Peut-être que si Osamu arrivait à prendre le contrôle sur leur chemin, il pourrait ramener Suna à l'hôpital ? C'était à tenter. Mais il fallait détourner son attention avant ça.
   — Désolé de ne pas t'avoir envoyer de message, j'osais pas le faire, dit-il au bout d'un moment de gêne.
   — Je n'osais pas le faire non plus, répondit Suna avant de glisser ses mains dans ses poches. J'ai demandé ton numéro à Atsumu, mais j'ai pas réussi à t'envoyer de messages...
   — Vraiment, s'étonna Osamu.
   — Oui. Je me disais que... tu devais pas avoir envie de devenir ami avec une personne malade, avoua Suna d'un air gêné.
   C'était en parti vrai. Osamu n'avait pas particulièrement envie de voir une personne aller mal, mais n'avait pas non plus envie d'oublier Suna. Il n'y arrivait pas.
   — Moi je me disais que tu devais être occupé, et que tu n'avais pas forcément envie de me parler, expliqua Osamu.
   — Je suis presque jamais occupé, je ne fais rien de ma vie, ricana Suna.
   — T'as jamais de visite à l'hôpital ?
   — Non pas vraiment. Quand je fais des crises et qu'on m'hospitalise plusieurs semaines, je demande à ma famille d'éviter de venir me voir. Pour ne pas qu'ils s'inquiètent. Du coup je passe mes journées seul à m'ennuyer, conclut Suna en haussant les épaules.
   — Moi aussi je m'ennuie depuis que je suis blessé... si tu veux je peux venir te voir, proposa soudain le jeune homme.
   — Comment ça ?
   — Pour pas que tu sois seul. Quoique, si ta crise est passée tu vas peut-être rentrer chez toi...
   — ... Non. Mon séjour s'allonge à l'hôpital, annonça Suna en évitant le regard d'Osamu.
— Pourquoi ? J'avais compris que tu allais mieux.
— Oui c'était le cas mais... je vais peut-être faire une rechute, il faut surveiller ça, expliqua Suna sans laisser paraître d'émotion.
— Ah... mais... ça va ? Enfin tu dois avoir peur, non ?
— On peut ne pas parler de ça ? J'en parle déjà toute la journée à l'hôpital, mes parents ne me parlent que de ça aussi et je ne pense qu'à ça, dit Suna en se massant les tempes. Je comprends que ça t'intrigue et tout mais... j'aimerais un peu oublier tout ça.
— Oui bien sûr, je... désolé, j'aurais du m'en douter, s'excusa Osamu d'un air honteux.
— Oh non t'en fais pas.
Un silence pesant s'installa entre les deux garçons et plus aucun d'eux n'osa prendre la parole. Osamu se sentait vraiment gêné. Il avait été stupide de poser autant de questions à Suna, après tout ça ne le regardait pas, et ça paraissait logique qu'il ne devait pas avoir envie de parler de sa maladie. Encore moins à Osamu, qu'il connaissait à peine.
Pendant un bref instant, il se demanda si Atsumu avait plus d'informations que lui au sujet de Suna, mais il éloigna rapidement cette pensée de son esprit. Savoir cela ne l'avancerait à rien de toute façon.
   Osamu garda le silence, ne sachant pas quoi dire. Il regardait le décor de la ville sans vraiment le voir, il le connaissait déjà par cœur. Suna non plus ne le regardait pas, il gardait les yeux rivés au sol. Mais ça devait être dû au fait qu'il ne voyait rien avec sa capuche.
— Tu fais des études, demanda soudain Suna. Ta mère m'a demandé si j'étais dans la même université que toi.
— Oui, pour devenir cuisinier, répondit Osamu.
— C'est vrai ? Tu cuisines bien ?
— Je me débrouille.
— Moi j'ai pas la foie de me préparer à manger, et quand j'essaye vraiment, je n'arrive toujours qu'à faire une omelette, dit Suna. C'est une catastrophe.
— Tu es comme mon père et mon frère alors. Eux aussi ce sont des catastrophes en cuisine, informa Osamu avec amusement. Mais tu ne peux pas être plus catastrophique qu'eux.
— On ne sait jamais.
— Atsumu fait cramer le riz quand il le cuit.
— Ah oui, c'est un autre niveau en effet, ria Suna. Je n'ai jamais réussi cette exploit.
— Encore heureux. Oh mais...
Osamu ouvrit le sac en plastique qu'il portait et en sortit un onigri.
— Tu veux goûter, demanda-t-il en le rendant à Suna.
— C'est toi qui l'a fait ?
— Oui. T'inquiète pas, tu ne risques pas l'intoxication alimentaire comme à l'hôpital, rassura Osamu.
— Je... j'ai du mal à manger, je peux m'étouffer facilement, avoua Suna d'un air mal à l'aise.
— Je te surveille t'inquiète pas, promit Osamu.
— D'accord, désolé d'avance si je le recrache dans une heure.
Suna prit délicatement l'onigri dans ses mains et baissa son masque, avant d'en croquer une petite bouchée. Osamu le fixa sans le vouloir. Il avait presque oublier à quoi il ressemblait, enfin le bas de son visage. C'était toujours surprenant de voir le bas du visage d'une personne qui portait un masque. Mais Suna était vraiment très beau.
   Le jeune homme mâcha avec précaution la nourriture et déglutit lentement. Osamu surveilla ses mouvements avec attention.
— Tu aimes bien ?
Suna hocha la tête en reprenant une bouchée, beaucoup plus rapidement. Osamu sourit, tout en veillant à ce qu'il ne s'étouffe pas.
— J'ai l'impression de ne pas avoir manger depuis des semaines, dit Suna en continuant de manger.
— À cause de tes crises ?
— Hmm, et aussi parce que c'est immangeable ce que me donne l'hôpital et que je finis toujours par tout recracher, ajouta Suna (nda : cette phrase a entièrement était traduite par l'autrice. Suna parle la bouche pleine et ne prend pas la peine d'articuler.)
— Alors fais toi plaisir, répondit Osamu en prenant à son tour un onigri. Tu as le droit de manger ça n'est-ce pas ?
— Oui, ça je peux, et puis de toute façon faut que je mange un maximum de chose. Attends, on peut s'arrêter ? Ça m'épuise de marcher, parler et manger en même temps.
Osamu acquiesça et les deux garçons se laissèrent tomber sur banc. Ils se trouvaient à présent dans une grande allée piétonne. Cette allée était très belle, le sol était dallé de pierres jaunies par le temps, et des cerisiers longeaient les deux côtés de l'allée. À cette saison de l'année, ils n'étaient pas encore en fleur, mais l'hiver se terminerait bientôt, bien que le temps restait frais, l'air allait se réchauffer et des bourgeons naîtront sur les branches des arbres. Quand les fleurs de cerisier seront là, le paysage sera vraiment beau.
Osamu croqua dans son onigri en contemplant l'allée. Il n'y avait pas beaucoup de passant, une famille par-ci, un groupe de jeune fille par-là, un couple d'amoureux occupés à se disputer...
— C'est mon endroit préféré de la ville, dit Suna après avoir terminé de manger.
— Pourquoi ?
— J'adore les cerisiers. Je trouve ça magnifique, pas toi ?
— Si, c'est vrai que c'est beau, accorda Osamu. Ressers toi si tu veux.
— Merci. Chaque année, quand le printemps arrive, je passe mes journées ici. Avec ma famille, on accorde une grande importance au hanami.
Osamu comprenait, sa mère aussi profitait toujours du hanami. Le hanami était une tradition japonaise qui consistait à apprécier et à profiter de la beauté de la floraison. Cette tradition était japonaise, mais le monde entier l'appréciait, beaucoup d'étrangers se rendaient au Japon uniquement pour voir la beauté du paysage.
— J'espère que je pourrais voir les fleurs de cerisier cette année aussi, reprit Suna avec espoir. Enfin, j'espère au moins que je serais toujours là.
— Tu as dit que tu n'allais pas mourir, répliqua aussitôt Osamu.
— C'est vrai. Mais il faut s'attendre à tout donc-
— Tu ne vas pas mourir, coupa Osamu.
Il avait toujours refusé d'envisager la mort de quelqu'un qu'il connaissait. Ça avait toujours été comme ça. Suna n'était peut-être qu'une connaissance, mais Osamu n'arrivait pas à accepter sa potentielle mort.
Comme Suna ne répondait rien, le jeune homme se tourna vivement vers lui, ayant peur qu'il se soit étouffé en mangeant. Mais Suna allait bien. Ses jambes étaient ramenées en tailleur, il tenait un nouvel onigri entamé dans sa main, et regardait d'un air absent deux garçons se chamailler ensemble, un peu plus loin.
— Suna ça va, demanda Osamu d'un air inquiet.
— Hmm.
— Je te ramène à l'hôpital, décida Osamu en se levant.
— Ça va, assura Suna sans bouger.
— Tu dois quand même rentrer. En plus les médecins doivent te chercher.
— Je suis bien avec toi, dit alors Suna.
Osamu sentit ses joues rougir légèrement. Mais ça lui faisait plaisir de savoir que Suna se sentait bien en sa compagnie.
— Je peux rester avec toi si tu veux, proposa alors Osamu. Comme ça tu n'es pas tout seul.
   — D'abord je termine de manger, dit Suna en regardant Osamu.
   Il devait toujours lever la tête pour regarder Osamu. Le jeune homme trouvait ça amusement, mais aussi étrangement mignon. Il retira doucement la capuche de Suna pour lui éviter de lever la tête et recoiffa ses cheveux ébouriffés. Suna se laissa faire sans paraître gêner et continua de manger en silence.
Une fois qu'il eut terminer de manger, il se leva sans broncher et accepta de partir en direction de l'hôpital.
Pour faire lui plaisir, Osamu accepta de faire plusieurs détours, afin qu'il puisse continuer de suivre les allées de cerisier, jusqu'à finalement arriver dans un jardin japonais.
— Suna ce n'est pas par là l'hôpital, dit Osamu en tentant de s'éloigner.
Mais Suna ne l'écouta absolument pas. Il entra dans le jardin et suivit le chemin que formaient les graviers au sol. Osamu le regarda entrer sans bouger et sortit son téléphone. Il était seize heures et demi passées. Il avait encore du temps pour ramener Suna à l'hôpital, mais il préférait ne pas traîner dehors.
Osamu rangea son téléphone et entra à l'intérieur du parc avec la ferme intention de récupérer Suna, et de le faire rentrer à l'hopital. Suna n'avait pas perdu temps, il avait rapidement avancé. C'était peut-être pour semer Osamu, mais ça n'avait pas marché.
Le jeune homme le rejoignit rapidement, et resta près de lui. Suna regardait autour de lui avec émerveillement, comme s'il n'avait jamais vu de parc japonais.
Osamu soupira. Après tout, qu'est-ce que ça lui coûtait de le laisser se balader encore un peu ? Il n'en aurait peut-être plus l'occasion avant longtemps, et il avait l'air si heureux. Et puis, on ne refuse rien à un malade n'est-ce pas ?
— Viens, dit alors Osamu.
Il s'avança sur un pont en bois et le traversa. Suna le suivit en regardant autour de lui avec intérêt. Osamu s'avança sur le chemin qui était à présent constitué de pas japonais. C'était des pierres d'ardoises rectangulaires, entourées de pelouse vertes, ou alors d'eau lorsqu'il fallait traverser un ruisseau.
Il n'y avait pas un bruit de discussion autour d'eux. On entendait le bruit des ruisseaux d'eau clair qui coulaient, ainsi que celui des chutes d'eau, qui tombaient sur de sombres pierres lissées. Des lotus sacrés flottaient à la surface de l'eau, des blancs, des violets, des roses, et leur ombre se reflétait dans l'eau. L'eau était parfaitement transparente, elle brillait sous les rayons du soleil, dans un magnifique scintillement, et laissait apercevoir les poissons qui nageaient tranquillement.
Le long des chemins, des arbres soigneusement taillés décoraient le paysage. Ils étaient tous très beaux, et parfaitement entretenus. Ils étaient presque tous inclinés, de façon à se refléter dans l'eau, et certains possédaient des lanternes qui pendaient sur une de leur branche.
Au bout d'un moment, Osamu se rendit compte que Suna ne le suivait plus. Inquiet, il se tourna vivement vers lui et vit qu'il était agenouillé devant un petit temple. Ses mains étaient jointes près de son menton, et ses yeux étaient fermés.
Osamu s'approcha doucement de lui et attendit un instant. Il finit par s'agenouiller à son tour et commença à prier à son tour. Il n'espérait pas grand chose pour sa vie futur, et tous ce qu'il pouvait désirer n'était que des choses futiles, alors il préféra prier pour la santé de Suna. C'était la seule chose qui en valait vraiment la peine au fond.
Que Suna aille mieux et quitte définitivement cet hôpital. Qu'il vive encore très longtemps et soit aussi heureux que possible. Que Suna vive.
Lorsqu'il eut terminé, Osamu rouvrit les yeux et remarqua que Suna le regardait.
— Qu'est-ce qu'il y a, demanda-t-il.
— C'est gentil de m'avoir accompagné, dit simplement Suna en se relevant.
— Je n'avais pas envie de te laisser seul, répondit Osamu en l'imitant.
Suna lui sourit légèrement et s'écarta du petit temple.
— C'est vraiment beau ici. C'est la première fois que je viens.
Et peut-être la dernière, ne put s'empêcher de penser Osamu.
— C'est bon, je veux bien rentrer maintenant, finit par dire Suna.
Osamu hocha silencieusement la tête. Suna fit demi-tour, et il le suivit en silence. Les deux garçons firent le chemin inverse, plus rapidement qu'à l'allée, et sortirent du jardin. Il reprirent la route, et Suna se laissa enfin conduire à l'hôpital.
— Merci de t'occuper de moi, murmura-t-il au bout d'un moment.

Just come homeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant