❀ Soulagement

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— ... et plusieurs patients ont déjà perdu la vie en n'en faisant qu'à leur tête. Les jeunes qui ont des cancers font souvent ce qui leur passe par la tête. Ils se disent qu'ils vont mourir alors ils en profitent, ils vivent leur vie à fond sans prendre de précautions parce que « de toute façon ils mourront ». Si on te dit de ne pas faire n'importe quoi c'est pour ton bien, on ne veut pas te priver de ta liberté, on veut que tu vives tu comprends, dit Naomi avec douceur.
Suna hocha légèrement la tête et papillonnant des yeux.
— Il voulait juste voir le hanami, on ne pouvait pas l'en empêcher, dit Osamu.
— Je sais bien, mais tu comprends, je ne peux pas vous encourager à sortir comme ça. Ton médecin était furieux Suna, j'ai eu du mal à le calmer.
— Oui je sais...
— Tu me confirmes bien que vous êtes rentrés dès que tu as retrouvé Suna, demanda Naomi d'un ton impérieux.
— Oui.
— Bon... heureusement que tu l'as vite retrouvé.
Osamu acquiesça mais n'ajouta rien. Il baissa les yeux sur le visage de Suna et lui sourit doucement.
Les deux amis étaient de retour à l'hôpital, après que Suna se soit fait une nouvelle fois crier dessus par tous ses médecins, ils étaient retournés dans sa chambre, accompagnés de Naomi. À présent Osamu était assis sur le lit, Suna était allongé près de lui, sa tête reposait sur ses genoux, il lui caressait avec tendresse les cheveux. Les chevilles de son ami étaient posées sur le dossier de son lit, de façon à surélever ses jambes. Naomi était accroupie devant eux, elle tenait une sorte de masque respiratoire au-dessus du nez et de la bouche de Suna pour lui apporter de l'air.
Il avait beaucoup marché aujourd'hui, l'effort produit l'avait énormément épuisé et en arrivant à l'hôpital, il avait fait une baisse de tension et il avait besoin d'air. Ce n'était rien de grave heureusement.
— Vous allez me punir, demanda Suna avec épuisement.
— On ne peut pas vraiment. On ne va pas te virer de l'hôpital, ton médecin voulait te priver d'Osamu pour te faire comprendre mais j'ai réussi à l'en empêcher.
— Merci...
Naomi souffla en dodelinant de la tête.
— Vous avez de la chance que je vous apprécie, dit-elle.
C'était vrai, ils avaient vraiment de la chance que la principale infirmière de Suna soit gentille et éprouve de l'affection pour eux. Il était sans aucun doute le patient préféré de Naomi, elle le privilégiait tout le temps, et passait toujours l'éponge sur ses folies.
Le jeune femme se releva et coupa la machine qu'elle tenait.
— Il faut que tu poses ta tête à plat, dit-elle à l'adresse de Suna.
À contre cœur, Osamu souleva avec délicatesse sa tête et s'écarta pour la déposer sur le matelas. Naomi plaça une canule sur le visage de son ami, après lui avoir demandé d'enlever son t-shirt.
— Avant d'être infirmière, j'ai fait des études de kinésithérapie, raconta-t-elle à Osamu en baissant les jambes de Suna. Je vais donc un peu m'occuper de lui, j'ai du temps.
— Qu'est-ce que tu vas faire ?
— Regarde. Appuie doucement sur la cage thoracique de Suna avec la paume de ta main.
Osamu s'exécuta avec curiosité. La peau de Suna était froide, et lorsqu'il appuya dessus, il ressentit une étrange pression l'empêcher de trop enfoncer sa main. Il ne savait pas si c'était normal ou pas. Naomi l'écarta de son ami, elle posa ses deux main sur sa poitrine et appuya dessus avec force. Elle demanda à Suna de respirer profondément, puis d'expirer, alors qu'Osamu se demandait si ce n'était pas dangereux de faire ça. Il y avait tout de même le cœur à cet endroit, pouvait-on vraiment appuyer de cette façon dessus ?
Naomi relâcha sa pression et descendit vers le bas des côtes de son ami, elle répéta l'action une seconde fois puis une troisième. Et lorsque Suna dû respirer par la bouche, l'infirmière relâcha d'un coup sa prise, le faisant sursauter lui et Osamu.
— Euh... c'est normal ça, demanda le jeune homme d'une voix déconcertée.
— Mais oui enfin, je sais ce que je fais. Tu arrives mieux à respirer n'est-ce pas ?
— Oui, dit son ami avec surprise. C'est comme si mes poumons étaient libérés.
— Et oui. Ré-appuie sur sa poitrine, dit la jeune femme à Osamu.
Il appuya alors de nouveau sur le torse de son ami, et constata qu'il était bien plus facile d'appuyer maintenant qu'il y avait quelques minutes. C'était surprenant.
— Ça te fait mal quand j'appuie, demanda-t-il à Suna.
— Non pas du tout.
C'était vraiment impressionnant.
Osamu se décala sur le côté pour laisser de nouveau la place à l'infirmière, et s'accroupît près de son ami. Il regarda avec attention Naomi manipuler le torse de Suna, en suivant le moindre de ses mouvements des yeux. Elle appuyer à certains endroits, tirait la peau, le faisait inspirer, expirer, elle lui pliait les jambes, les dépliait, enfonçait son doigt dans sa peau et massait autour.
Ça devait être étrange de se faire toucher d'une telle sorte. Naomi était professionnelle, elle n'avait pas l'air gênée. Elle touchait Suna sans aucune gêne, lui massait le ventre, posait ses mains sur sa poitrine, ses hanches, ses reins. Elle s'appuyait même en se penchant sur lui, parfois jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres de lui. Suna n'avait pas l'air mal à l'aise, mais lui qui n'appréciait pas trop qu'on le touche (Osamu ne comptait pas évidemment), il devait être assez gêné.
— Tu es moins tendu que la dernière fois, constata la jeune femme d'une voix concentrée.
— Je suis plus calme en ce moment.
— Il faut croire que Osamu s'occupe bien de toi, on ne dirait pas comme ça, lança l'infirmière avec un regard stricte. Qu'est-ce que tu lui fais pour le détendre ?
Osamu sourit. À force de prendre soin de lui, il pourrait presque se reconvertir en infirmier. Il s'occupait de Suna à la perfection. Mais, les infirmiers ne devaient sûrement faire les mêmes choses que lui pour s'occuper de leurs patients. Il fallait dire que Osamu avait ses propres méthodes pour détendre Suna, il savait parfaitement comment s'y prendre avec lui, mais ce serait étonnant que le personnel soignant fassent les mêmes choses que lui...
— C'est un secret, dit-il simplement.
— Tu ne veux pas dévoiler ta technique miracle ?
Osamu préféra garder le silence. Suna le regarda d'un air amusé, tandis que Naomi riait légèrement.
— Vous avez une bien étrange relation vous deux, déclara-t-elle.
— T'es juste jalouse qu'il s'occupe mieux de moi que toi, répliqua Suna.
— Oui, je suis terriblement jalouse. Sinon, vous comptez m'expliquer pourquoi est-ce qu'un drap est accroché devant la vitre de la chambre ?
Les deux garçons tournèrent la tête vers l'objet en question. Oui... c'était une idée d'Osamu. Avec cette vitre dans le mur il se sentait toujours épié, même si les patients qui passaient devant ne faisaient pas attention à eux. Il n'avait pas envie que tout le monde puisse le voir vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et il ne voulait pas que tout le monde voit ce qu'il faisait avec Suna.
Alors les deux garçons avaient dénichés un drap qui ne servait à personne. Ils avaient fait une fente au milieu, puis l'avaient accrochés avec du papier collant au dessus de la vitre. La plupart du temps, ils ouvraient leur « rideau » en rabattant les deux parties du drap sur le côté, mais parfois ils le laissaient fermé, et c'était bien mieux comme ça.
— Quand on le ferme c'est pour montrer qu'on est occupé, expliqua Suna.
— Occupé à... ?
— À vivre notre vie, compléta Osamu.
Naomi plissa les yeux en haussant les sourcils. Osamu pinça les lèvres pour garder son sérieux, ce n'était pas le moment de rire.
— Dites donc vous deux, s'exclama la jeune femme en relevant un doigt impérieux. Je vous ai à l'œil.
— Mais on ne fait rien de mal, dit Osamu.
— Oh mais ça je n'en doute pas. Je te rappel que tu es ici pour le surveiller.
— Et c'est ce que je fais !
— Tu as intérêt. En tout cas je vous surveille tout les deux. Je dois y aller, un patient m'attend. Je repasserai ce soir pour t'apporter tes médicaments.
   — Ok, dit Suna d'un air neutre.
   — Et ne fais plus de bêtises pour aujourd'hui.
   — C'est promis.
   Naomi lança un dernier regard perçant aux garçons, un regard qui se voulait menaçant, puis partit de la chambre, non sans avoir ouvert en grand le « rideau » avant. Osamu attendit un instant, pour être sûr qu'elle soit bien partie, et referma le rideau. Il n'allait quand même pas se laisser faire.
— Ça va mieux, demanda-t-il en retournant auprès de son ami.
— Oui, j'ai l'impression d'être plus léger.
   — Ok...
   Le jeune homme s'assit près de son ami et le regarda un instant. Suna avait saisit son téléphone et à présent toute son attention était portée dessus.
— Ça te dérange pas qu'une personne te touche de cette façon, ne put s'empêcher de demander Osamu.
— J'ai l'habitude, répondit son ami sans lever les yeux vers lui.
— Ah bon ?
— Oui, Naomi, et aussi les autres personnes qui s'occupent de moi, connaissent mon corps plus que moi. Ils passent leur temps à me toucher, à m'ausculter, à me faire faire des IRM alors... au point où j'en suis.
— Hmm d'accord...
— Et toi ça te dérange qu'on me touche comme ça, questionna Suna en levant enfin les yeux vers lui.
— Non, c'est pour ton bien et je ne vois pas ce que je pourrais envier à Naomi ou aux médecins, répondit le jeune homme en haussant les épaules.
— C'est vrai. De toute façon je préfère quand c'est toi qui me touche.
Suna poussa légèrement Osamu sur leurs oreillers et vint s'allonger près de lui.
— Tu m'étonnes, marmonna le jeune homme pour lui-même.
— Hé... Tu m'aurais vraiment accompagné au hanami, demanda soudain son ami.
— Oui, je n'aurais pas été capable de te dire non. Mais s'il te plaît ne repart plus jamais sans prévenir... et ne me demandes pas non plus de t'emmener de nouveau dehors, parce que tu sais que je ne te résiste pas et je veux vraiment faire attention à toi.
— Ne t'inquiètes pas, je ne vais plus sortir. Pas sans toi en tout cas.
Un sourire nostalgique se dessina sur la bouche d'Osamu.
— Le jour où on s'était retrouvé dehors, juste avant ta première crise, tu t'étais enfuis de l'hôpital aussi ?
— J'avais le droit de sortir à ce moment-là, mais je n'avais prévenu personne, répondit Suna d'un air mélancolique.
— Ce jour-là, tu savais que la suite se passerait aussi mal, demanda Osamu en plantant son regard dans celui de son ami.
— Je crois que oui... je ne me sentais déjà pas bien, je me doutais que j'allais de nouveau aller mal. C'est la première fois que j'ai deux crises aussi peu espacée l'une de l'autre. Et je me suis tout de suite dit que celle-là serait plus violente. Tu sais... je pense que c'est là qu'a commencé notre relation. Quand on s'est rencontré par hasard dehors.
C'était de là que leur histoire avait commencé ? Non, Osamu n'y croyait pas. Le hasard n'était pas la source de leur relation, ça c'était quelque chose digne d'un film. Mais eux c'était différent. Tout ça n'était pas un hasard. C'était une question de choix. Ça remontait à plus tôt. Tout était parti du moment où Suna avait écrit son numéro de téléphone sur la main d'Osamu, et que celui-ci l'avait soigneusement gardé inscrit sur sa peau. Depuis ce moment-là, une partie de Suna s'était indirectement accroché à lui, il avait laissé ce garçon aux yeux de jades qui lui était alors inconnu s'installer dans son esprit, et prendre de plus en plus de place au fil des jours. Osamu s'était toujours vu comme une sorte de personne entourée de multiples remparts avec de nombreuses portes. Ses portes étaient presque toutes fermées, seul la première était ouverte à ses amis, et la seconde à ses amis.
Mais en choisissant de garder le numéro de son ami, c'était comme s'il lui avait confié toutes les clés de ses portes, et que Suna les avait toutes ouvertes sans prévenir. Tout avait commencé là.
Peut-être que si Osamu n'avait pas accepté le numéro de son ami, il ne serait pas là aujourd'hui. Il l'aurait oublié au bout de quelques jours, et ne se serait jamais torturé l'esprit pour chercher un message à lui envoyer. Peut-être...
— Je suis content d'avoir pris ton numéro de téléphone, dit alors le jeune homme.
Suna fronça les sourcils. Évidemment il ne comprenait pas pourquoi il disait ça, il n'avait pas suivit le cours de ses pensées.
— Pourtant il n'a jamais servi, dit-il avec perplexité.
— D'une certaine façon si. Il m'a empêché de t'oublier au bout de quelques jours, dit Osamu.
— Tu es content de m'avoir rencontré ?
— Content, c'est faible comme mot, dit-il.
— Même si tout est compliqué avec moi ?
Le jeune homme posa avec délicatesse sa tête sur la poitrine de son ami et écouta les battements de son cœur comme il aimait le faire.
— Il y a une chose que j'aime dans le côté compliqué de ta vie, dit-il à voix basse.
— Qu'est-ce que c'est ?
— À chaque fois que tu t'écroules devant moi, tu finis toujours par te relever. À chaque fois que j'ai l'impression de te perdre, je te retrouve, c'est juste incroyable comme sentiment. Tu as l'air d'être invincible, tu es toujours plus faible et pourtant tu es plus fort que n'importe qui. Comme tu l'as dit, tout ce qui te tue te rends plus vivant, et j'aime plus que tout te voir vivre Suna.
Osamu leva les yeux vers son ami. Il ne laissait rien paraître, comme d'habitude. Mais le jeune homme était sûr qu'il était touché par ce qu'il disait, le pétillement de ses yeux traduisait la joie qu'il ressentait. Suna n'avait pas besoin de parler pour s'exprimer, Osamu le connaissait déjà par cœur pour l'écouter dans le silence.
Il aurait voulu rester dans cette bulle qui s'était formée autour d'eux encore longtemps, mais trois coups sur la porte vinrent briser le léger silence qui s'était installé.
Comme personne n'entrait dans la chambre, Suna haussa les sourcils.
— Depuis quand est-ce qu'on attend la permission pour entrer ici, s'étonna-t-il. Oui ?
La porte s'ouvrît et la tête d'Atsumu apparut.
— Je rêve ou tu viens de frapper et d'attendre pour entrer, dit Suna avec incrédulité.
— J'avais peur de tomber sur une scène susceptible de heurter ma sensibilité, expliqua sérieusement Atsumu.
N'importe quoi, il ne risquait pas de voir ce genre de chose... Suna avait trouvé un moyen pour fermer la porte à clé quand il le voulait.
— Bon alors comme ça tu t'es évadé de ta cellule, dit Atsumu alors que son jumeau et Suna se redressaient.
— Tout de suite les grands mots... Je suis partis sans me cacher, les médecins n'avaient qu'à faire attention à moi.
— Et toi évidemment t'étais pas là pour le retenir, lança Atsumu à son frère.
— Je suis parti deux heures à la fac, j'y suis pour rien. Quand je suis revenu les médecins ne savaient même pas que Suna n'était plus là.
— Ils sont vraiment graves, qu'est-ce que tu fais encore dans cet hôpital ?!
Leur ami haussa les épaules.
— Je vais bien alors il n'y a pas de quoi en faire toute une histoire.
— Quand même... et t'as fait quoi dehors ?
— Je me suis baladé sous les cerisiers.
— Ah mais oui c'est la hanami ! Oh non... je déteste cette période, dit Atsumu en frottant ses yeux rougis.
Suna écarquilla les yeux et dévisagea son ami comme s'il avait affaire à une espèce rare particulièrement dangereuse.
— Osamu dis moi que j'ai mal entendu, dit-il en portant une main à son cœur.
— Non, tu as bien entendu. Tsum n'aime pas les cerisiers.
— Cette période c'est la pire de l'année, il y a du pollen partout et je suis allergique, dit Atsumu en se frottant le nez, qui était déjà rougi. Je passe mon temps à éternuer et à avoir les yeux qui pleurent, c'est super énervant.
Suna prit un air outré, il serra la main sur son cœur et fit mine de s'évanouir en tombant sur son matelas.
— Ne me parle plus jamais Atsumu, dit-il. Tu es descendu dans mon estime.
— Je suis désolé. Je ne pourrais jamais t'apporter de bouquet de branche de cerisiers, se lamenta Atsumu.
— Quelle honte, commenta Osamu.
— Toi je ne t'ai pas parlé.
— Tu pourras toujours lui apporter des branches tout court, se moqua le jeune homme.
— Ta gueule. Je te rapporterais une coupe de volley.
— Désolé mais la place est déjà prise, c'est moi qui le ferait, dit aussitôt Osamu.
— Je peux rien ramener en fait.
Suna tira Atsumu vers lui et le fit s'assoir à ses côtés, il sortit la tablette qu'il lui avait donné de son chevet et l'installa sur ses genoux pour lancer un film.
— Tu me ramènes ce que tu veux, et toi aussi Osamu. Je veux juste être fier de vous.

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