❀ Chapitre 15

89 15 5
                                    

   Atsumu s'était calmé quelques minutes après avoir parlé avec son frère. Plus aucunes larmes ne coulaient sur son visage, mais il n'avait pas retrouvé cet air léger qu'il avait l'habitude d'avoir.
   — Tu sais, dit Osamu au bout d'un moment de silence, je pense que tu devrais parler de ce que tu ressens à Suna.
   Atsumu secoua aussitôt la tête.
   — S'il me voit comme ça, il ne tiendra pas le coup.
   — Ne t'inquiètes pas pour lui, il est plus fort que tu ne le penses, et si tu lui dis calmement il comprendra.
   — Je ne sais pas...
   — Il a le droit de le savoir, et ça pourrait te faire du bien de lui dire, ajouta Osamu. Tu devrais même le faire maintenant.
   — Tu penses ?
   — Oui comme ça c'est fait. Viens.
   Osamu se releva et épousseta la terre qui s'était installée sur ses vêtements. Il aida son frère à se relever et les deux jeunes hommes entrèrent dans la maison. Ils la traversèrent rapidement, les yeux de Osamu s'accrochèrent un instant au cadre vide près de l'autel des grands-parents de Suna. Il se demandait vraiment pourquoi ce cadre était là.
   Les deux jumeaux arrivèrent dans le jardin et virent que Suna était sorti de l'eau. Il était à présent assis sur le bord du bassin, ses jambes flottaient dans l'eau, il regardait d'un air vide devant lui. Il avait l'air d'aller mieux, l'aura de tristesse qui l'entourait un peu plus tôt s'était envolée, il paraissait plus lumineux, plus sain d'esprit, et il n'avait visiblement pas pleurer.
   Osamu suivit son frère jusqu'à leur ami. Il aurait pu le laisser parler seul avec lui, mais dans ce genre de moment, le jeune homme était toujours auprès de son jumeau, même s'il ne dirait rien sa simple présence suffirait à le soutenir.
   — Suna, appela Atsumu en arrivant près de lui.
   Suna releva la tête vers lui et remarqua immédiatement que quelque chose n'allait pas.
   — Pourquoi tu as pleuré ?
   Osamu se demanda si le manque de délicatesse de son frère n'avait pas déteint sur son ami. C'était possible.
   — Il faut que je te parle, répondit son frère en s'agenouillant près de Suna.
   — Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as un problème ?
   — Non ce n'est pas ça. Je ne sais pas trop comment te dire ça mais... je pense qu'il faut que je te le dise parce que c'est trop dur de garder ça pour moi.
   Suna regarda avec inquiétude Atsumu. Il ne dit rien, ne voulant sûrement pas l'interrompre.
   — Je...
   Atsumu lança un regard angoissé à son frère. Osamu haussa les sourcils pour l'encourager et hocha la tête.
   — Je tiens vraiment beaucoup à toi, se lança alors Atsumu. Tu es un ami qui compte beaucoup pour moi, et j'arrive pas à te voir aller mal. La plupart du temps ça va mais il y a des moments où j'ai l'impression que mon cœur se déchire. J'ai tellement peur que tu partes du jour au lendemain, qu'un jour j'arrive pour te voir et que ton lit est vide. J'ai peur que tu ne supportes plus tout ce que ton corps t'inflige, qu'un jour tu craques et que tu mettes fin à tout ça. J'ai pas la moindre idée de ce qu'il se passe dans ta tête, mais je sais que tu dois être terrifié par tout ça et que tu dois te sentir horriblement mal. Mais... mais moi tu ne me le dis pas et..., continua Atsumu alors que sa voix commençait à se briser. Et je veux juste que tu me dises ce genre de choses, je sais que tu parles beaucoup plus à Osamu qu'à moi et je t'en voudrais jamais pour ça, mais je te demande juste de ne plus me laisser dans l'ignorance parce que... après j'imagine tout un tas de choses horribles et je supporte plus ça...
   Sa voix se brisa définitivement et de nouvelles larmes vinrent briser la barrière de ses yeux.
   — Je veux juste que tu saches que tu peux avoir confiance en moi et... et que tu me rassures, que tu me dises que tu ne vas pas partir... tu peux me dire tout ce que tu veux, que tu vas souffrir, avoir mal, être à bout de force mais dis moi juste que tu ne vas pas mourir... Je ne veux pas que tu meurs, termina difficilement Atsumu.
   Suna ne dit rien et regarda longuement Atsumu sans savoir quoi faire. Voir la personne qui était la plus optimiste d'eux trois s'effondrer ne devait pas être évident. Atsumu était censé être le plus fort d'eux trois, lorsque Suna ou Osamu n'avaient pas le moral, lui l'avait et restait toujours joyeux. Jamais ils n'auraient pensé que ce serait le premier à lâcher prise.
   Suna sortit ses jambes de l'eau et s'agenouilla à son tour.
   — Tsum regarde moi, dit-il avec calme.
   Atsumu, qui avait baissé les yeux, planta ses iris brunes dans le vert de jade de Suna.
   — Ce que j'ai n'est pas mortel, et je comprends très bien que tu puisses avoir l'impression que je suis en train de mourir, mais je t'assure que c'est pas le cas. Tout ce qui me fait du mal, les médecins s'occupent de le repousser et de me protéger. Ils sont mes défenses et tant qu'ils seront là, je le serais aussi. N'aies pas peur de me perdre, je veux te voir sourire d'accord ?
   Atsumu hocha la tête sans réussir à répondre. Suna lui fit un sourire sincère et le serra dans ses bras. Il le serra longuement, et lui caressa les cheveux pour le calmer.
   — Allez arrête de pleurer, j'aime pas te voir comme ça, dit Suna sans le lâcher.
   — Oui je sais...
   — Je te tiendrais au courant de tout d'accord ?
   — D'accord...
   — Toi aussi t'as l'air tout triste, dit Suna en voyant que Osamu les regardait avec peine.
   Osamu changea immédiatement d'expression et redevint impassible.
   — Tu veux un câlin ?
   — Non c'est bon, dit Osamu en secouant la tête.
   Il n'avait pas envie d'avoir l'air triste, même s'il l'était. Tout ce qu'avait dit Atsumu, son jumeau le ressentait aussi. Tout était vrai, et il était terrifié à l'idée de perdre Suna. Mais maintenant que son frère avait craqué, il ne pouvait plus avoir l'air faible. Il fallait que quelqu'un reste fort, et ça ne pouvait être que lui.
   Suna lâcha Atsumu et ils se relevèrent. Il essuya les joues humides de son ami.
   — Ça va mieux ?
   — Oui, assura Atsumu d'une voix plus calme.
   — Tant mieux.
   Suna s'écarta de lui et se dirigea vers son frère.
   — Tu es sûr que ça va ?
   — Oui, dit Osamu d'une voix ferme.
   Suna ouvrit la bouche pour parler mais il se ravisa et hocha la tête. Osamu fronça les sourcils.
   — Quoi ?
   — ... Je comprendrais si vous ne voulez plus rester avec moi, finit par dire Suna d'une voix serrée.
   — Mais pourquoi tu dis ça, demanda Osamu sans comprendre.
   — Parce que je vois bien que c'est trop dur pour vous. Je ne veux pas vous faire de mal, si Atsumu ne va pas bien à cause de moi, c'est mieux que tu arrêtes de te forcer. Et toi tu...
   — Je ?
   — T'as le droit de plus vouloir me voir, t'as une vie et en passant tout ton temps avec moi tu l'oublies et... et je... je comprends si tu... ne veux plus de moi...
   — Qu'est-ce que tu racontes, dit Osamu d'un air abasourdi.
   Suna se mit à s'agiter. Il tritura ses mains et respira fortement plusieurs fois. Il était en train de paniquer.
   — Je... je... c'est que... moi aussi j'ai peur de vous perdre et... et... je suis... vraiment... mort de peur à l'idée que vous puissiez partir mais je... je comprends et c'est normal... mais... je-je... vous êtes mes amis... même si je vous le dis jamais... vous... vous comptez pour moi... surtout toi Osamu... je... le prends pas mal Atsumu hein... mais... j'ai peur que tu m'abandonnes...
   Osamu regarda Suna sans savoir quoi répondre. Ses beaux yeux translucides étaient remplis d'eau, et il avait l'air terrifié. Osamu était complètement perdu, comment Suna pouvait penser ça ?
   — Mais tu... tu dis ça parce que j'ai dit que j'avais pas besoin de câlin, demanda-t-il stupidement.
   — Mais non.
   — Mais... qu'est-ce que tu racontes ? Je t'abandonnerais pas enfin... J'en ai rien à faire que ça soit dur, je resterais avec toi quoiqu'il arrive, s'exclama Osamu.
   — Non... Tu ne peux pas continuer comme ça, c'est pas une vie de passer sa journée dans une chambre d'hôpital, dit Suna en baissant les yeux.
   — Et alors, j'aime ma vie tant qu'elle est près de toi, dit Osamu sans réfléchir.
   Le jeune homme se rendit soudain compte de ce qu'il venait de dire et rougit légèrement. Il aurait voulu se taire et se ratatiner sur place pour avoir osé dire ça, mais il préféra continuer, c'était le moment ou jamais.
   — Tu as dis qu'on comptait pour toi, mais toi tu comptes encore plus pour moi. Je pense tout le temps à toi, jamais je ne serais capable de te laisser. Comment tu peux penser ça, Suna t'es plus important que quiconque à mes yeux...
   — Mais je sais pas... tu pourrais très bien ne plus vouloir de moi... J'ai peur que tu en aies marre de tout ça, que tu ne supportes plus mon comportement... Ce serait normal que tu veuilles arrêter de me voir parce que ce serait le choix le plus simple...
   — Mais Suna...
   — Et je le comprends vraiment... mais moi je veux pas que tu me laisses... Alors s'il te plaît ne me laisse pas... m'abandonnes pas Osamu, même si t'en meurs d'envie m'abandonnes pas...
   Osamu le prit dans ses bras et le serra avec force contre son torse. Suna était trempé, et le serrer de cette façon humidifia ses vêtements mais il s'en fichait. Si quelques minutes plus tôt il avait refusé l'étreinte de Suna pour ne pas avoir l'air affecté par la situation, à présent il n'en avait plus rien à faire. Il voulait juste le tenir contre lui et le serrer à lui en faire mal.
   — Moi aussi je re-veux un câlin, s'écria Atsumu.
   Il sauta littéralement sur eux et les serra dans ses bras.
   — Oh Tsum t'es chiant, dit Osamu en grimaçant.
   — Ta gueule toi !
   — Tu me dis pas ta gueule.
   — Alors fais moi de la place.
   — Non.
   — Mais tu dois partager Suna, t'as pas le droit de le garder que pour toi.
   — Ah non vous n'allez pas encore vous disputer, intervint Suna.
   — On se dispute pour toi, tu devrais être content que deux garçons se battent pour tes jolies yeux, répliqua Atsumu.
   — C'est ça, dit leur ami en riant. Vous m'écrasez les gars.
   — On t'entoure d'amour, dit Atsumu en le serrant un peu plus.
   — On te réchauffe surtout, t'es gelé, dit Osamu.
   — Ça c'est vrai, tu trembles de froid, constata son frère.
   — En même temps je suis trempé.
   Osamu le lâcha alors et enleva son sweat. Il lui fit enfiler sans lui demander son avis et rabattit sa capuche sur sa tête, faisant tomber le tissu sur ses yeux.
   — Merci, dit Suna en relevant la tête pour voir les jumeaux.
   — Allez, rhabilles toi et on te ramène chez toi, dit Atsumu en retrouvant son énergie. Il est plus que temps de rentrer !

Just come homeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant