La brise soufflait doucement, les feuilles des arbres se soulevaient délicatement, le pollen virevoltait autour des fleurs. Les bourgeons avaient éclos depuis longtemps, mais aujourd'hui de magnifiques pétales d'un rose laiteux s'ouvraient un peu plus sous les doux rayons du soleil, certains se détachaient et s'élançaient dans l'air, se laissant porter gracieusement par le souffle du vent. Le printemps était bien là, et le hanami commençait.
Les cerisiers étaient en fleurs, ils devenaient le centre d'interêt de la ville, les familles se rassemblaient dans les parcs pour s'installer sur une couverture dans l'herbe et contempler la beauté du paysage, les voitures sur les routes ralentissaient pour épier ces arbres majestueux, la pollution se dissipait, laissant place à l'air pure que nécessitait cette tradition. C'était la plus belle période de l'année, elle était belle, joyeuse, portait des messages d'amour et de renouveau, et surtout, c'était la période préférée de Suna.
Osamu aurait tout donné pour partager ce moment avec son ami, pour le voir s'extasier au milieu des pétales de cerisier qui flottaient dans les airs, respirer avec joie l'odeur des fleurs, il aurait voulu voir ses yeux briller de joie et d'excitation devant ce spectacle.
Depuis qu'il le connaissait, le jeune homme connaissait la passion de Suna pour le hanami. Et il avait vraiment prié pour qu'il aille mieux, afin de participer à cette tradition et de profiter de cette merveilleuse période. Mais c'était tout le contraire qui s'était produit.
Suna ne sortait plus du tout, tous ses espoirs d'assister au hanami s'étaient envolés après l'épisode des médicaments. Depuis, plusieurs jours avaient passés, mais pas grand chose ne s'était produits. Comme il l'avait décidé, Osamu s'était installé dans la chambre de son ami, désormais tout son temps lui était entièrement dédié. Sa mère s'était chargée de prévenir son père, et Suna n'avait pas eu la force de le repousser. Il savait qu'il tenait trop à lui pour prendre le risque de le revoir dans cet état.
Le jeune homme avait ramené plus d'affaires dans sa chambre, tous ses cahiers et classeurs de cours, il avait également prit des vêtements en plus. Son père avait un peu essayé de le retenir et de le raisonner, mais il ne l'avait pas écouter. De toute façon il était majeur et vacciné, il était libre de vivre là où il le voulait, et en ce moment il ne voulait être qu'avec Suna.
Passer ses journées dans un hôpital ne le dérangeait plus. L'odeur d'antiseptique, les allées et venues de médecins, le goût de plastique des repas servis, les vieux patients qui déambulaient dans le bâtiment. Tout cela le dérangeait avant, mais à présent le jeune homme s'y était habitué. Il associait cela à un nouveau chez soi, un endroit où il se sentait bien, un endroit où il vivait avec Suna. Oui, ils se sentaient chez eux dans la petite chambre 110 de cette hôpital.
Et puis, cette situation ne dérangeait pas Osamu, il savait que c'était temporaire. En revanche, le personnel de l'hôpital n'était pas du même avis. Mais il avait tenu bon, et après deux semaines à avoir résisté face aux tentatives de virement de l'hôpital, il pouvait enfin être tranquille avec Suna.
— Je suis dégoûté.
La voix de son ami brisa le silence qui régnait dans la chambre. Osamu était assis par terre, il avait disposé ses manuels de cours devant lui et était occupé à réviser les différentes notions écrites dedans. Suna, lui, était agenouillé sur une chaise, accoudé sur le rebord de la fenêtre qui était grand ouvert.
— Quoi ?
— Il y a même pas de cerisier ici, expliqua son ami avec désespoir. La seule période de l'année que j'attends le plus au monde est arrivée, et on me confine dans ma chambre.
— Fais en planter un.
— Le pire, c'est que quand je l'ai dit à Naomi, elle m'a dit que je n'avais qu'à pas avaler toutes ces pilules, ajouta Suna d'un air frustré.
— Elle a raison. Tu nous as fait super peur, on pensait que t'avais essayé de te suicider.
— Je ne supportais juste plus la douleur, je pensais pas que j'avais pris autant de pilules...
Osamu n'ajouta rien, mais il releva les yeux sur le dos de son ami et le regarda longuement. Ça faisait un peu plus deux semaines qu'ils vivaient collés l'un à l'autre, deux semaines qu'avait eu lieu l'accident. Suna n'avait pas essayer de se suicider, il avait juste prit trop de pilules différentes d'un coup, alors qu'une intense douleur le frappait à la tête.
Aujourd'hui il allait un peu mieux, il avait toujours du mal à bouger, ses jambes tremblaient beaucoup mais ça n'avait pas l'air de l'affecter plus que ça. Atsumu disait même que c'était le contraire. Puisque qu'il ne pouvait plus bouger comme avant, Suna prenait un malin plaisir à se faire porter par Osamu. C'était sûrement plus par flemmardise que par douleur, mais ça ne le dérangeait pas de le porter alors...
Osamu se leva et rejoignit son ami près de la fenêtre.
— Je dois passer à la fac, annonça le jeune homme.
— Ok, dit simplement Suna.
— Tu seras tout seul du coup...
— C'est pas grave.
— Tu veux que j'appelle Atsumu ou ta sœur ?
— Je peux rester tout seul tu sais, dit son ami avec amusement.
— Oui mais...
— Je ne prendrais rien, si c'est ce qui t'inquiètes.
— Mais...
— Tu pars combien de temps ?
— Deux heures en comptant le trajet.
— Ok cool.
— Tu es sûr que ça va aller, insista Osamu d'un air embêté.
Il avait peur de le laisser seul, ça pouvait paraître idiot mais ils ne s'étaient pas une seule fois séparés depuis plus de deux semaines alors Osamu paniquait un peu à l'idée de s'éloigner de son ami.
Suna, qui avait son regard planté sur le décor éloigné de la ville, se tourna vers lui.
— Non tu as raison, je ne vais pas survivre à ton départ, dit-il sincèrement. Deux heures sans toi c'est bien trop dur, comment vais-je faire ? Après presque trois semaines de vie commune, et plusieurs mois de relation, tu m'abandonnes lâchement pour la fac ? Trois semaines c'étaient rien pour toi ? Tous ces jours qu'on a passé ensemble c'étaient de l'eau ? Pendant ces vingt-et-un jours je t'ai été fidèle et dévoué, et toi tu m'abandonnes ?!
Osamu regarda son ami d'un air blasé. Suna s'accouda au rebord de la fenêtre se secoua la tête.
— Si j'avais une alliance au doigt je te la rendrais en t'insultant de mari infidèle, ajouta-t-il.
— Pourquoi infidèle ?
— Parce que il faut bien que tu sois un mauvais mari jusqu'au bout.
— Je crois vraiment que Atsumu déteint sur toi, tu deviens ravagé, dit Osamu tout en souriant.
— Mais oui, dit Suna d'un ton désinvolte.
Il se redressa et tapota l'épaule de son ami.
— T'en fais pas pour moi.
— Mais tu es sûr que ça va aller ?
— Mais oui, je patienterai jusqu'à ton retour, je t'attendrai comme Pénélope attendait Ulysse, je ne regarderai aucun autre homme et te serais fidèle jusqu'à la fin, en fermant les yeux sur les fautes que tu commettras et mon amour pour toi résistera à ces deux longues heures sans toi.
— C'est qui Pénélope ?
— Quelle honte Osamu, quelle honte... tu prendras un livre sur la mythologie grecque à la bibliothèque de ta fac, ça ne te fera pas de mal. Allez dehors.
Suna le regarda avec désespoir. Il se détourna de lui puis, lentement, rejoignit son lit et s'allongea dedans. Ses mouvements étaient vraiment lent, mais il n'y prêtait pas attention et faisait comme si c'était normal. Alors Osamu aussi.
— Tu vas dormir ?
— Je sais pas, je vais voir, mais t'occupes pas de moi, vas-y tu vas être en retard.
— Ok...
Mais Osamu ne bougea pas. Il ne savait pas pourquoi mais l'idée de laisser son ami seul l'angoisssait. À chaque fois qu'il partait, il le retrouvait toujours dans un horrible état, alors qu'allait il se passer cette fois ? Ses nerfs étaient devenus trop fragiles, il n'allait pas supporter de voir son ami à moitié mort une fois de plus. Et il n'arrivait pas à s'imaginer partir.
Il trouvait ça étrange de s'en aller comme ça, après tout ça faisait plusieurs jours qu'il ne quittait pas Suna, c'était bizarre de partir d'un coup comme ça. Il s'avança maladroitement vers la porte, alors que son ami le suivait du regard.
— Alors... j'y vais...
— Oui j'avais compris.
— Je reviens dans deux heures...
— J'avais aussi compris.
— Ça ne sera pas long.
— Oui je sais.
— Je vais revenir t'inquiètes pas.
— Tu as l'air plus inquiet que moi, remarqua Suna en haussant les sourcils.
— Pas du tout. Bon j'y vais.
— Hmm. La porte est juste là vas-y ouvre-la.
— C'est ce que je suis en trains de faire.
— Tu as juste la main sur la poignet.
— Oui c'est pour-
— Bon Osamu vas-y, s'écria Suna en riant.
Osamu ne perdit pas une seconde de plus et sortir de la chambre sous le regard perçant de son ami.
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Just come home
FanfictionNous sommes parfois notre propre ennemi, mais Osamu aurait préféré ne jamais le savoir.