❀ Une lueur d'espoir

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   Osamu cligna des yeux avec incrédulité. Ses yeux devaient lui jouer un tour, il ne pouvait pas vraiment voir ça. Ou alors c'était une erreur. Peut-être un bug ?
   Il releva son visage et regarda instinctivement son frère. Il était aussi stupéfait que lui.
   — Tu vois la même chose que moi Sam, demanda son jumeau.
   — Je crois que oui, dit Osamu d'un ton dubitatif.
   — Il doit y avoir un problème, dit Suna en posant ses mains sur ses hanches.
   — Oui, dit Naomi. Descends, on va en utiliser une autre.
   Suna descendit de la balance et l'infirmière en déposa une nouvelle devant lui. Elle l'alluma avec soin, et Suna monta dessus. Les chiffres défilèrent quelques secondes, puis le nombre 47,4 s'afficha de nouveau.
   — 47,4 kilos, lut Naomi.
   — Mais ce n'est pas possible, dit Atsumu. Il y a deux semaine il faisait 44 kilos.
   — Oui, comment a-t-il pu remonter, demanda Osamu d'un air perdu.
   — Et bien...
   — Vous avez fait quoi tout les deux, tu l'as mis enceinte ou quoi, s'exclama Atsumu.
   — Très drôle.
   — Suna c'est une très bonne nouvelle, dit Naomi avec un grand sourire. Bien sûr ton poids est encore bien insuffisant, mais nous sommes sur la bonne voie !
   — C'est vrai, dit Suna d'une voix abasourdie.
   — Oui, c'est la première fois que tu gagnes des kilos depuis des mois, c'est une très bonne chose, tu te rends compte ?!
   — Non...
   — C'est vraiment bien. Je suis fière de toi, tu ne vomis plus autant qu'avant et tu arrives de nouveau à manger, tu fais d'énormes efforts et voilà le résultat, félicita Naomi. 
   — C'est génial Suna, s'écria Osamu en secouant le bras de son ami.
   — Tu vas mieux, c'est super ça, se réjouit Atsumu.
   — J'ai juste pris trois kilos, je suis toujours malade, répliqua leur ami en descendant de la balance.
   — C'est quand même une bonne chose, affirma Naomi. Il va falloir surveiller ça de très près. Je vais aller montrer ça aux docteurs. En attendant, prends tes médicaments et filez au lit, il est tard. Atsumu viens, je te raccompagne.
   — À demain, dit le concerné à l'adresse de son ami.
   — Salut.
   Atsumu et Naomi quittèrent la chambre et s'éloignèrent dans le couloir alors que Osamu et Suna s'asseyaient dans le lit.
   Osamu était vraiment heureux de cette minuscule prise de poids. Ce n'était peut-être rien, il ne fallait pas se réjouir trop vite, mais il n'arrivait pas à rester indifférent. Suna allait peut-être mieux, c'était une très très bonne nouvelle ça.
   Son ami garda son masque d'impassibilité cependant. Il saisit les pots de pilules qui étaient posés sur sa table de chevet et les ouvrit. Il les avala rapidement, et but de l'eau pour les faire passer plus facilement. Contrairement à Osamu, il n'avait pas l'air heureux mais plutôt triste...
   — Qu'est-ce qu'il y a ?
   — ... Si je vais mieux tu vas partir, dit Suna en ouvrant un nouveau pot de pilule.
   Il en posa deux vertes sur sa langues et les avala. 
   — Mais non, ce n'est pas parce que tu iras mieux qu'on ne sera plus amis enfin.
   — Non, je voulais dire... on ne vivra plus ensemble...
Osamu avait presque oublié que cette situation était temporaire. Mais si Suna allait mieux et qu'il n'avait plus besoin d'être surveillé... il n'avait pas de raison de continuer de vivre avec lui. Pourtant, à présent sa maison était ici...
— On en est pas encore là, pour l'instant il faut toujours te surveiller, dit alors le jeune homme.
— Oui mais ça va me manquer de ne plus être en permanence avec toi... c'est égoïste mais j'aime te garder pour moi tout seul, avoua Suna en baissant les yeux.
— J'aime aussi t'avoir pour moi tout seul, répondit-il.
Lui aussi ça allait lui manquer de ne plus passer toutes ses journées avec Suna. De ne plus, chaque nuit, s'endormir dans ses bras et se réveiller contre lui, de ne plus se préparer avec lui, étudier à même le sol de la chambre alors que son ami restait de son côté, l'accompagner à chacun de ses rendez-vous, lui tenir la main lorsqu'il se faisait ausculter. La vie qu'ils menaient tous les deux lui manquerait, mais Osamu pourrait toujours aller voir Suna autant qu'il le voulait.
— Je crois que tu m'auras toujours pour toi tout seul, dit Suna au bout d'un moment. Tu n'as pas à t'en faire pour ça.
— Je crois que c'est pareil pour moi, dit Osamu en se laissant tomber sur le lit.
Il croisa ses mains sur son ventre et fixa le plafond.
— Je ne pourrais pas me détacher de quelqu'un comme toi.
— Pourtant je suis comme la flamme d'une bougie, le moindre coup de vent pourrait me faire disparaître, répliqua son ami en venant près de lui.
C'était vrai. Suna était comme ça. Il était comme les fleurs qu'il appréciait tant, un souffle trop grand le ferait s'envoler sans qu'Osamu ne puisse le rattraper. Mais il s'était fait à cette idée, elle ne lui plaisait pas, mais son ami était comme ça, il devait l'accepter.
Le jeune homme éteignit la lumière de la chambre et se tourna vers Suna. Dans le noir il parvenait à distinguer deux yeux brillants le regarder. Il serait toujours émerveillé devant le magnifique regard de son ami. Ses yeux étirés, ses longs cils noirs qui ombrageaient ses iris aussi claires que la pierre précieuse dont elles portaient la couleur. Ses yeux lui faisaient un peu penser à ceux d'un renard. Et aussi dans sa façon de regarder. Un regard perçant, analytique, froid.
Osamu caressa doucement le visage de son ami.
— J'adore tes yeux, dit-il doucement.
Suna lui sourit. Il vint se blottir contre lui et ferma les yeux pour s'endormir. Osamu le serra légèrement contre lui, ses yeux se fermèrent d'eux mêmes, il tomba dans les bras de Morphée sans s'en rendre compte.

C'est un étrange bruit qui le réveilla. Lorsque Osamu ouvrit de nouveau les yeux, la chambre d'hôpital baignait dans la pénombre. Un bruit résonnait dans la pièce. Un bip assourdissant brisait le silence de la nuit, il était régulier, strident. Osamu se réveilla en sursautant et il se redressa d'un coup.
— Qu'est-ce que c'est que ce bruit, demanda le jeune homme en regardant autour de lui.
Son regard trouva l'origine du bruit et se posèrent sur le cardiogramme. Un ligne verte défilait là où aurait dû se trouver les battements de cœur de Suna. Lentement, il baissa les yeux sur le corps de son ami. Il ne bougeait pas, il était parfaitement immobile, et horriblement pâle. Avant qu'Osamu n'eut le temps de comprendre pourquoi son ami ne se réveillait pas, la porte de la chambre s'ouvrît en grand et des personnes en blouse blanche pénétrèrent brusquement dans la chambre.
Quelqu'un attrapa le bras d'Osamu, il le tira vivement hors du lit, menaçant de le faire tomber à terre, et tenta de le faire sortir de la chambre. Le jeune homme eut le réflexe de repousser la personne qui le tenait pour rester dans la chambre, son esprit commençait à s'éveiller et à comprendre ce qu'il se passait.
— Faite le sortir, ordonna un médecin alors qu'un femme plantait une aiguille dans le bras de Suna.
Osamu ne se laissa pas faire. Il était hors de question qu'il sorte de cette chambre avant que Suna ne se réveille. Il lutta avec les infirmières qui essayaient vainement de le mettre dehors, et regarda Naomi enlever précipitamment le t-shirt de son ami. Quelqu'un attrapa un défibrillateur, il déposa un produit sur les plaques en métal et les pressa au dessus de la poitrine et sur les côtes de Suna.
Osamu vit avec horreur le torse de son ami se soulever d'un coup, parcourut d'une violente décharge électrique, et il eut l'impression que son propre cœur était en train de lâcher. Le torse de Suna fut secoué une nouvelle fois, et encore une. Les yeux d'Osamu s'embuèrent d'eau, la scène qui s'offrait à lui devint flou, son cerveau cessa de fonctionner et il ne fut plus capable que de regarder le corps de son ami se soulever sous les décharges qu'on lui infligeait. Les mains de Naomi martelaient son cœur, elle appuyait plus fort que jamais dessus.
   Mais la ligne du cardiogramme ne changeait pas, et au bout d'un moment qui sembla interminable à Osamu, les médecins se figèrent. Une minutes passa sans qu'il ne se passe rien, toutes les personnes présentes s'étaient immobilisés, et Suna ne se relevait pas. Osamu se dégagea d'un coup des personnes qui le tenait près de la porte de la chambre. Il s'avança vers son ami et poussa le médecin qui lui bloquait le passage.
   — Suna ?
   Seul le silence lui répondit. Un reniflement se fit entendre alors qu'il se laissait tomber sur le lit.
   — Suna, répéta le jeune homme d'une voix serrée.
   Incapable de croire à la scène qui s'offrait à lui, il secoua ses épaules pour le réveiller.
   — Hé... hé Suna réveilles toi...
   Osamu déposa sa tête sur le cœur de son ami, là où un bleu était apparu, Naomi avait dû lui briser des côtes. Il colla son oreille sur sa peau froide, il se força à calmer sa respiration sifflante et écouta avec attention. Plus aucun battement ne vinrent jouer la mélodie qu'aimait tant le jeune homme. Il n'entendait rien, et ne sentait aucun coup sous son oreille.
   Le cœur de Suna ne battait plus.

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