Osamu, Suna et Atsumu étaient arrivés à l'hôpital avec plus d'une demi-heure de retard. Ils avaient vraiment traînés, et Suna leur avait fait faire tous les détours possibles pour ne pas retourner à l'hôpital. Il avait des capacités de manipulation et de persuasion incroyables. Il avait réussi à convaincre les jumeaux de lui montrer leur ancien lycée, leur gymnase et même les endroits où ils allaient courir.
Lorsqu'ils étaient enfin arrivés à l'hôpital, le médecin de Suna n'avait pas manqué de leur passé le savon de leur vie pour leur « inconscience ». C'était pire que lorsque que les jumeaux s'étaient fait disputer par leurs parents pour s'être blesser. Osamu avait eu l'impression qu'il avait ramené le cadavre de Suna à l'hôpital tellement on lui faisait de reproches, alors que Suna allait bien. Enfin très bien pour un anorexique qui venait de remplir son estomac pour la première fois depuis plusieurs semaines.
Le médecin était furieux de leur retard, mais ça avait empiré lorsque Suna était précipitamment partis dans sa chambre pour vomir. Il avait crié sur Osamu pour son manque de prudence, il était censé être le plus responsable des trois, c'était lui qui passait le plus de temps avec Suna, il devrait très bien savoir que son ami n'était pas comme tout le monde et qu'il fallait faire attention à lui. Il s'était aussi mis à crier sur Atsumu qui, selon lui, prenait tout à la légère et laissait Suna faire ce qu'il voulait. Et il avait même eu le temps de crier sur Suna, en lui disant qu'il se jetait tout seul dans le ravin, qu'il se mettait en danger sans arrêt et qu'on ne pouvait pas lui faire confiance.
Ses mots étaient durs, tranchants comme la lame d'un sabre, glaciale comme les flocons qui s'étaient mis à tomber dehors, mais surtout, ils étaient vrais. Quelques minutes de retard, ce n'étaient pas la mort, mais pour une personne anorexique et sans défenses immunitaires, rester sous la neige, après avoir manger un vrai repas alors que son estomac avait considérablement rétréci, et sans avoir pris ses médicaments, c'était presque suicidaire. Osamu et Atsumu étaient peut-être trop jeunes pour comprendre, pour eux Suna ne pouvait pas vraiment mourir. Il était comme eux après tout, juste un peu plus faible. Non, ils ne comprenaient pas vraiment que leurs actes n'étaient pas responsables.
Mais personne ne pouvait les en blâmer. C'étaient de jeunes adultes, ni l'un ni l'autre n'avaient fait médecine, ils ne connaissaient rien aux fonctionnements du corps. C'était tout simplement un problème qui les dépassait.
Pourtant, Osamu n'eut aucun mal à se sentir coupable et à s'en vouloir vraiment. Il ne comprenait peut-être pas ce qu'on lui reprochait réellement, mais entendre un médecin lui criait dessus, entendre cette pointe de peur briser sa voix autoritaire, voir dans ses yeux une lueur d'inquiétude, l'acharnement qu'il avait à expliquer point par point ce qui n'allait pas dans leur attitude lui avait suffit à se sentir terriblement mal.
Au fond, ce médecin, et les infirmières qui s'occupaient actuellement de Suna, ils étaient tous du même côté que les deux jumeaux. Ils voulaient que Suna aille bien. Il n'y avait pas de conflit d'intérêt ni rien d'autre, juste une divergence de point de vue quant à sa protection. Et Osamu savait qu'il était en tord.
Pourtant, lorsque le médecin lui avait interdis, à lui et à Atsumu de voir Suna, ça n'était pas passé. Si sur le moment il n'avait rien dit, sachant pertinemment que ce n'était pas le moment de protester, à présent il était bien décidé à retourner voir Suna. Il s'était fait la promesse d'aller le voir tous les jours, alors il allait la tenir. Et il avait besoin de voir de ses propres yeux comment Suna allait.— Miya ! Allô allô ?! Osamu Miya on se réveille et on recopie le cours !
Osamu revint sur terre et fusilla du regard le professeur qui se tenait devant le tableau. Il n'aimait déjà pas ce professeur, si en plus il osait l'interrompre dans ses pensées, ça n'allait pas le faire. Il sortit lentement un stylo de sa trousse et commença à recopier ce qui était écrit au tableau.
Le jeune homme détestait les lundis après-midi, il détestait ce professeur trop dynamique pour les débuts de semaine, et il détestait ce cours inutile. Quelle perte de temps de faire des cours de communication... Osamu voulait devenir cuisinier, et tous les cours qu'il devait suivre portant sur la communication, les statuts juridiques ou encore la gestion des stocks l'agaçait au plus au point.
Il n'aimait pas ces cours, il ne comprenait pas à quoi ça lui servait et en plus de ça les profs de ces matières était tous insupportables. Osamu avait bien mieux à faire que d'aller à l'université en ce moment. Il accordait beaucoup d'importance à ses études, mais en ce moment, son envie de sécher était croissante. Dès qu'il devait aller dans un cours qu'il n'aimait pas, ou alors dès qu'il s'ennuyait, il se disait qu'il serait bien mieux auprès de Suna. Suna, Suna, Suna. Il l'obnubilait depuis leur rencontre, mais aujourd'hui c'était pire que tout. Osamu se souvenait très bien du dîner de la veille, et de comment avait terminé son ami.
Il avait besoin de le voir, même s'il n'avait pas le droit. Il voulait le voir, le prendre dans ses bras et s'assurer qu'il allait bien. Osamu n'arrêtait pas de penser à lui, ça l'épuisait presque de tant penser à Suna. Il avait l'impression de faire une overdose de Suna, mais en même temps d'être en manque de lui. Ça ne lui était jamais arrivé d'être en manque d'une personne, encore moins quand il avait vu cette personne la veille. Mais Suna n'était pas comme les autres. Ce qui était vrai pour les autres ne l'était pas pour lui.
— Osamu, murmura la fille près de lui.
Le jeune homme leva les yeux dans sa direction pour lui montrer qu'il l'écoutait.
— Tu as l'air très fatigué, est-ce que ça va ?
— J'ai pas beaucoup dormi.
— Tu devrais rentrer chez toi, je t'enverrais le cours si tu veux, proposa la fille.
— Merci, dit simplement Osamu.
De toute façon, qu'il soit là ou non ne changeait rien, puisqu'il n'écoutait pas le cours et ne prenait rien en note. Alors autant partir et aller avec celui qui occupait ses pensées. Et puis, personne ne pourrait lui reprocher de sécher les cours, il était majeur donc il signait lui-même ses mots d'absence, et son université n'était pas payante donc pas d'argent perdu. Il pouvait rentrer chez lui. Ou plutôt à l'hôpital.
À la fin du cours, Osamu rangea rapidement ses affaires, ne voulant pas rester une minute de plus dans cette salle. Il quitta son université sans un regard en arrière et se dirigea vers le métro. Son université était dans une ville différente de celle où il habitait, alors il devait prendre le train pour y aller. C'était ça d'habiter dans une petite ville.
Osamu fit patiemment le trajet en train. Il n'y avait presque personne dans les transports en commun à cette heure là, c'était plutôt agréable. D'habitude, quand il prenait le train, les wagons étaient bondés et c'était très agaçant de devoir s'entasser les uns sur les autres pour avoir de la place. Mais là tout était calme.
Osamu regarda le paysage défiler par la fenêtre et essaya de ne pas trop penser. Il avait envie de laisser son esprit se reposer. Il avait la sensation que son esprit surchauffait, qu'il pensait trop, ça lui donnait mal à la tête. Laisser son regard se perdre dans le paysage que formait les arbres devant lesquels le train filait était un bon moyen de détente.
Osamu séchait rarement les cours, et quand il le faisait, c'était pour rattraper son travail en retard. Ce n'était pas logique, oui, mais ça l'aidait à se mettre à jour dans ses devoirs. Alors pendant cette après-midi d'école buissonnière, il décida qu'il travaillerai sur les devoirs qu'il devait rendre. Il savait que ça ne dérangerait pas Suna, il avait l'habitude de travailler lorsqu'il allait le voir. Suna lui-même continuait parfois ce qu'il était en train de faire sans faire attention à lui. Ce n'était pas grave s'ils ne se parlaient pas toujours, l'essentiel c'était qu'ils soient ensemble.
Osamu n'était pas une personne particulièrement bavarde, contrairement à ses amis, et souvent lorsqu'il se retrouvait seul avec l'un d'eux, les silences étaient gênant. Mais encore une fois, avec Suna c'était différent. Il appréciait leur silence, ils étaient simples, agréables, naturels. Ces silences ne lui faisaient pas ressentir le besoin de parler.
Osamu sortit du train lorsque son arrêt arriva et prit le bus jusqu'à l'hôpital. Le trajet n'était pas long heureusement. Il arriva bien vite à l'hôpital, trop vite même. Il n'avait pas eu le temps de réfléchir à un plan pour aller voir Suna. S'il croisait son médecin, il était sûr de se faire virer de l'hôpital.
Osamu entra discrètement dans le bâtiment et se dirigea vers les escaliers. Il monta silencieusement jusqu'au deuxième étage et passa la tête au travers des doubles portes. L'allée était déserte, c'était le moment. Osamu franchit les portes en essayant de faire le moins de bruit possible et avança vers la chambre de Suna.
— Tiens tiens, je m'étonnais de ne pas t'avoir encore vu, lança une voix derrière lui.
Osamu s'arrêta et ferma les yeux un instant. Il était repéré. Il se retourna et vit Naomi, l'infirmière qui « plaisait » à Atsumu, derrière lui. Elle avait un sourire moqueur sur les lèvres, et ses bras étaient croisés sur sa poitrine.
— Je suis interdis de visite, expliqua Osamu.
— Je sais, répondit l'infirmière en s'avançant vers lui.
— S'il vous plaît lai-
— Tu peux me tutoyer, on est amené à se croiser souvent alors parle-moi simplement.
— ... S'il te plaît laisse moi voir Suna, supplia Osamu. Je jure que je ferais rien, je veux juste le voir...
— Écoute, on ne vous sépare pas par plaisir tu sais, remarqua Naomi.
— Je sais mais s'il te plaît, répéta le jeune homme en croisant ses mains devant lui. Promis je serais sage et je ne ferais pas de bêtise. Et je laisserais plus jamais Suna sortir.
— Ne promets pas des choses comme ça, dit Naomi en soufflant. Bon... Tu as de la chance aujourd'hui il a une grosse opération, ajouta-t-elle en parlant du docteur. Je suppose que ça n'empira pas son état si Suna te vois.
Elle dodelina de la tête, comme pour montrer qu'elle désapprouvait l'attitude de Osamu, mais le conduisit tout de même jusqu'à la chambre de Suna. À travers la vitre, le jeune homme vit qu'il était allongé dans son lit dans une étrange position. Il était à moitié recroquevillé sur lui-même, mais en même temps à moitié sur le ventre. Sa tête reposait sur ses bras repliés, ses cheveux tombaient en désordre sur son visage, ses yeux étaient fermés.
Naomi frappa trois coups à sa porte puis entra doucement.
— Suna, tu as de la visite, prévint-elle.
Suna n'eut aucune réaction. Osamu échangea un regard perplexe avec l'infirmière mais celle-ci hocha la tête. Elle le poussa légèrement dans la chambre et referma la porte derrière lui. Il s'avança vers son ami et s'accroupît devant lui. Il dégagea légèrement les mèches de cheveux qui tombaient devant ses yeux et murmura :
— Suna ?
Il ouvrit lentement ses yeux. Son regard était absent, éteint. Le vert de ses yeux paraissait terne, la lumière qui brillait habituellement dedans n'était plus là. De grandes cernes noires formaient des poches sous ses yeux, sa peau était plus pâle que d'habitude. Il avait l'air à bout de force.
— Tu te sens bien, demanda Osamu avec inquiétude.
— C'est pas une très bonne journée, murmura Suna d'une voix à peine audible.
— C'est à cause d'hier soir ?
Suna cligna des yeux comme s'il mettait du temps à comprendre ce que disait Osamu. Il finit par hausser faiblement les épaules, puis ajouta tout de même :
— J'ai vomis toute la soirée... toute la soirée...
Osamu sentit son coeur se briser. C'était de sa faute si Suna était dans cet état. Il avait l'air tellement mal...
— Euh... les... les... mé... euh...
— Les médecins ?
— Oui... ils... ils... m'ont donnés plein de... de...
— De médicaments ?
— Oui... alors je suis un peu... euh... à côté de...
— De la plaque ?
— Oui...
— Je vois ça... tu veux que je te laisse ?
— Non... on est quel jour ?
— Lundi.
— Ah..., dit Suna avant de réfléchir un instant. T'es pas en cours ?
Sa voix était faible, ce n'était qu'un murmure à peine audible, elle donnait l'impression que sa bouche était toute pâteuse. Osamu regarda Suna avec peine puis secoua la tête.
— Je voulais te voir.
Suna le regarda un instant. Ses yeux se fermaient à moitié, Osamu se disait qu'il devait peut-être partir et le laisser se reposer. Il n'avait pas envisagé le fait qu'il puisse être dans cet état, ce qui était stupide.
Suna se redressa légèrement et se décala dans son lit.
— Viens...
— Je veux pas salir ton lit en allant dedans.
— M'en fiche...
Osamu enleva alors son sac de cours de ses épaules pour le poser soigneusement près du lit. Il enleva ensuite son manteau, ainsi que ses chaussures et entra sous la couette de Suna. Il s'adossa contre les oreillers qui n'étaient pas utiliser, et son ami vint immédiatement se blottir dans ses bras. Il passa sous son bras gauche, entoura sa taille de ses bras et posa sa tête sur sa poitrine. Osamu serra Suna contre lui et caressa ses cheveux.
— Désolé... d'être dans cet état, murmura Suna.
— C'est pas grave, dit Osamu.
Il déposa un baiser sur son front puis lui sourit. Suna le regarda avec reconnaissance, les coins de la bouche légèrement affaissés. Osamu l'embrassa de nouveau.
— Allez c'est pas grave si t'es shooté, je vais quand même rester avec toi, assura-t-il en caressant ses cheveux.
— Je... je vais sûrement être... comme ça main... tenant...
Osamu serra les dents. Il le savait, la santé de Suna était en chute libre pour l'instant. Il savait que ce n'était que le début, mais il était prêt à endurer ça, et il n'allait pas abandonner son ami.
— Alors je resterais encore plus avec toi, dit-il fermement.
— ... C'est pas une vie ça, murmura Suna d'une voix tremblante.
Osamu et Suna se regardèrent longuement. Si Suna essayait de dire à Osamu qu'il ferait mieux d'arrêter de venir le voir, il n'était pas prêt de le convaincre. Il avait choisit qu'il resterait avec lui en ayant conscience de ce qu'il l'attendait, il ne reviendrait pas sur son choix et n'y avait pas pensé une seule fois.
— Pourtant c'est à tes côtés que je me sens le plus vivant, répondit Osamu à voix basse.
Suna le regarda avec des yeux larmoyants.
— Mes... mes... médicaments me rendent hypersensible... faut pas me dire des trucs comme ça...
Il détourna le regard et baissa légèrement sa tête sur la poitrine d'Osamu. Le jeune homme continua de caresser ses cheveux en souriant. Il posa son bras droit sur celui de Suna et lui caressa l'épaule. Il continua de le câliner pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'il soit sûr qu'il s'endorme complètement. Une fois que la respiration de son ami fut devenu régulière, il sortit silencieusement son ordinateur de son sac de cours et l'ouvrît sur son bassin. Il pouvait très bien travailler en laissant Suna dormir sur lui, surtout que son ami ne prenait que très peu de place.
Osamu se plongea alors dans son travail. Étrangement, il arrivait bien mieux à se concentrer dans une chambre d'hôpital plutôt qu'à la bibliothèque de son école. Le fait de garder Suna contre lui ne le déconcentrait pas du tout, au contraire. Ça le détendait même. Il rédigea sans problème la dissertation qu'il devait rendre pour la semaine prochaine en silence. Ce n'était pas bien compliqué, et quand il avait des doutes, il plongeait de nouveau sa main dans les cheveux de Suna et ça l'aidait à réfléchir.
Osamu termina sa dissertation au bout de deux heures. Entre temps, Naomi était revenue vérifier que tout se passait bien. En voyant que Suna dormait comme un bébé contre Osamu, elle avait accepté qu'il reste encore un peu avec lui, car partir le réveillerait et qu'il n'avait apparemment pas dormis de la nuit. Osamu la remercia tout de même de le laisser rester.
Il rangea son ordinateur dans son sac et se baissa dans le lit pour être à la hauteur de son ami. Suna, qui n'avait pas bougé d'un pouce depuis deux heures, gémit légèrement et entrouvrit les yeux en sentant Osamu changer de position.
Osamu s'allongea près de lui et reprit Suna dans ses bras. Il passa sa main dans ses cheveux pour le rassurer et lui montrer qu'il n'était pas en train de partir. Ça le détendit aussitôt.
— Je vais dormir avec toi, expliqua-t-il.
Suna acquiesça légèrement. Il se rendormit presque instantanément. Le jeune homme envoya rapidement un message à ses parents pour les prévenir qu'il ne rentrerait pas ce soir et entoura son ami de ses bras. Il l'étreignit doucement et laissa son esprit se reposer avec celui de Suna.
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Just come home
FanfictionNous sommes parfois notre propre ennemi, mais Osamu aurait préféré ne jamais le savoir.