❀ Le premier trouble

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Osamu ferma les yeux et réfléchit calmement. En fait il n'avait pas vraiment besoin de réfléchir, mais il ne comprenait pas comment Suna faisait. Est-ce que c'était lui qui était nul, ou est-ce que c'était Suna qui était vraiment fort.
Le doigt du jeune homme se posa sur son avant-bras et effleura doucement sa peau. Il glissa lentement, en avançant vers le pli de son coude, et Osamu se concentra.
   Le doigt de Suna glissait sur la peau d'Osamu. Son doigt était froid, son passage sur son avant-bras lui provoquait des frissons. Mais ça n'avait peut-être pas de lien.
— Stop, dit-il soudain.
Le doigt s'immobilisa et le jeune homme ouvrit les yeux. Le doigt de Suna n'était qu'à quelques centimètres du pli du coude.
Le principe du jeu était simple. On devait fermer les yeux tandis que l'autre joueur passait son doigt sur notre bras, et dire stop lorsque le doigt arrivait au pli du coude. Mais Osamu n'avait pas réussi une seule fois, alors que Suna n'arrêtait pas de gagner, ce qui le frustrait vraiment.
Ils étaient rentrés à l'hôpital, et comme promit, Osamu était resté avec Suna. Ils étaient assis en tailleur l'un en face de l'autre sur le lit de sa chambre, et s'occupaient comme ils le pouvaient.
— Tu y étais presque, consola Suna en tapotant l'épaule d'Osamu.
— Un jour j'y arriverai, se jura le jeune homme.
— C'est beau de rêver, se moqua gentiment Suna.
— Tu viens de dire que j'y étais presque !
— J'ai mentis. Tu es nul Osamu.
Méritait-il tant de violence ? Sûrement pas.
— Et toi tu es méchant, répliqua Osamu en croisant les bras.
— Je n'ai jamais dit que j'étais gentil ! Mais tu as dit que tu allais resté avec moi donc même si je suis méchant, tu dois rester avec moi jusqu'à ce que je te vire.
— J'aurais dû réfléchir avant de parler, répliqua Osamu.
Suna ricana légèrement. Il se leva de son lit et partit ouvrir une armoire qui avait été installée dans sa chambre. Il en sortit un grand carnet, ainsi qu'une trousse, et revint sur le lit.
   — En général, je suis quelqu'un qui ne fait pas grand chose, je passe énormément de temps sur mon téléphone, raconta Suna en déposant soigneusement le carnet entre lui et Osamu. Mais quand je viens ici, on m'interdit de passer autant de temps que d'habitude sur mon téléphone, parce que ça me donne mal à la tête et que après ça m'empêche de dormir.
   Suna ouvrit délicatement son carnet et le tourna vers Osamu. La première page du carnet était à l'origine une page blanche. Mais Suna avait dessiné dessus, il avait dessiné des branches d'arbres qui partaient de tous les bords de la feuille. Sur les branches, Osamu remarqua en souriant que Suna avait ajouté de belles fleurs de cerisier. Il les avait colorié avec un rouge intense, en dépassant volontairement des contours noirs à certains endroits.
   — C'est ce que je fais pour m'occuper, expliqua simplement Suna.
   Osamu contempla le dessin. Il était vraiment beau. Tout était en noir et blanc, excepté les fleurs qui ressortaient magnifiquement. Osamu n'était pas étonné que Suna dessine cela. Il avait beau ne le connaître que depuis une semaine, il avait vu à quel point les cerisiers l'émerveillaient.
   — Tu dessines très bien, complimenta Osamu.
   — Merci.
   Osamu tourna la page du carnet et découvrit d'autres dessins. Un ciel parsemé de nuages, la ville dans la nuit, un visage féminin qui ressemblait à celui de Suna, peut-être sa sœur, un ruisseau... Les dessins n'étaient pas très travailler, et tous n'avaient qu'une seule couleur. C'était beau à voir. Mais plus Osamu tournait les pages du carnet, plus il se rendait compte que les couleurs devenait ternes, et que les dessins représentaient toujours quelque chose en lien avec l'hôpital.
   Si au début Suna avait dessiné des fleurs de cerisiers rouges intense, un ciel bleu azur, des lumières étincelantes aux fenêtres d'une ville endormies, de beaux yeux verts de jade... vers la fin du carnet il ne choisissait plus que des couleurs sans intensité. Un gris terne, un bleu effacé, un marron délavé. Et il dessinait une canule, un masque à oxygène, des seringues, des personnes en blouse. Tout ce qui représentait désormais son quotidien.
   Osamu ne fit pas de remarque.
   — Tu veux qu'on fasse un dessin ensemble, demanda Suna.
   — Ensemble ?
   — Oui, on prend une feuille blanche et on dessine ce qu'on veut dessus. Tout ce qui nous passe par la tête, expliqua Suna. Et si tu veux on pourra le continuer, si tu reviens me voir.
   — D'accord.
   Suna ouvrit sa trousse et tendit un crayon à Osamu. Il s'allongea sur le ventre, en pliant les jambes pour se reculer un maximum au bout de son lit, pour laisser de la place au jeune homme. Osamu déplia sa jambe pour la laisser pendre dans le vide et se pencha sur la feuille.
   Il ne savait pas vraiment quoi dessiner, d'ailleurs, il n'était pas vraiment doué en dessin. Mais Suna avait l'air vraiment heureux de dessiner avec lui, et Osamu appréciait le sourire qui était apparu sur son visage lorsqu'il lui avait dit d'accord. S'il pouvait lui faire plaisir en dessinant avec lui, il ne pouvait qu'accepter.
   Il dessina alors la première chose qu'il lui vint à l'esprit. Il déposa la mine de son crayon sur le papier, et traça des traits fins. Il priait pour que son dessin ressemble, ne serait-ce qu'un peu, à son modèle.
   Au bout d'un moment, Osamu entendit Suna rire légèrement.
   — Toi tu aimes bien les onigris, constata Suna en regardant le dessin de Osamu.
   — J'adore ça, répondit le jeune homme, lui-même amusé de son dessin. Mon dessin ne ressemble à rien.
   — Tu te débrouilles bien, assura Suna.
   — Tu peux les colorier, si tu veux, dit alors Osamu. 
   Suna saisit alors des feutres à l'aquarelle et commença à colorier les dessins avec précision.  Osamu le laissa faire et regarda ce qu'il avait dessiner, de l'autre côté de la feuille. Des mains étaient dessinés. Elles étaient plutôt réaliste, et reflétaient beaucoup de douceur.
   — Ce sont tes mains, dit Suna en remarquant qu'Osamu regardait son dessin.
   — Vraiment ?
   — Oui, je ne savais pas quoi dessiner, alors je t'ai regardé faire, et ça m'a donné envie de te dessiner.
   — Je ne pensais pas que mes mains paraissaient si belles.
   Il n'y avait jamais prêté attention en même temps. Osamu leva sa main droite et la regarda un instant. Il trouvait qu'elle ressemblait bien au dessin de Suna, mais qu'en même temps elle était totalement différente. Peut-être que Suna les avaient dessinés comme lui les voit, en les déformant volontairement. Mais est-ce que tout ceux qui dessinent ne retracerait pas justement leur point de vue ? Probablement que si.
   Osamu reposa sa main et regarda un instant le visage de Suna. Il paraissait détendu, sans ses cernes et ses joues légèrement creusées, on pourrait presque croire qu'il était en parfaite santé. Même si ce n'était pas le cas.
   Parfois, Suna souriait, et Osamu se disait qu'il était vraiment beau en souriant. Il se demandait si les personnes malades n'étaient pas plus belles lorsqu'elles souriaient, qu'une personne en pleine santé. Peut-être que lorsque un contexte était triste, un sourire était d'autant plus beau à voir que dans un contexte normal. Le sourire de Suna était vraiment beau.
   Osamu préféra ne pas lui dire, pour ne pas le déranger, mais aussi pour ne pas rendre embarrassante l'ambiance. Il décida donc de se pencher sur le dessin de Suna et de dessiner un crayon entre ses doigts.
   Les minutes passaient en silence, on entendait juste le bruit des mines qui glissaient sur le papier. Plus le temps passait, plus Osamu appréciait être ici. C'était vraiment agréable, et reposant. Il aimait être en compagnie de Suna, et regrettait de ne pas lui avoir parlé plus tôt.
   Après un moment de silence, Suna se décala sur le côté et posa sa tête sur le matelas. Osamu le regarda faire en hésitant à se pousser. Peut-être que Suna voulait dormir, il devait sûrement rentrer. Après tout, la nuit était en train de tomber.
— Tu veux que je te laisse, demanda alors Osamu.
— Non pourquoi, questionna Suna en toussant légèrement.
— Tu veux peut-être dormir.
— Non, je me sens juste un peu faible, dit Suna en posant son bras sur ses yeux. Je ne suis plus habitué à autant marcher en une journée.
— Tu as envie de vomir ?
— Je ne sais pas. Ce que tu m'as donné passe plutôt bien. C'est la première fois que je ne recrache pas ce que je mange depuis un mois, avoua Suna avec fierté.
Osamu sourit en voyant Suna si fier de son exploit. Ça devait être vraiment dur pour lui tout ça. Il comprenait que le simple fait de réussir à manger pouvait le réjouir. Et il aimait voir Suna comme ça.
— Tu as un régime particulier à suivre, questionna Osamu en fronçant les sourcils.
— Je sais pas, j'y fais pas attention pourquoi ?
— Parce que je peux te ramener d'autre chose à manger, pour voir si tu arrives à tout manger, proposa Osamu. Il faudrait demander aux médecins.
Les joues de Suna se teintèrent de rose et il se redressa.
— Je ne peux pas accepter ça, dit-il avec gêne.
— Pourquoi, ça ne me dérange pas, surtout si je peux t'aider à aller... mieux.
— Non je ne peux pas accepter, tu ne peux pas me proposer ça en plus, c'est... c'est... Je ne vais pas profiter de ta gentillesse, surtout que tu es blessé donc il faut que tu te reposes, dit Suna en secouant la tête.
— Mais je ne suis pas en sucre.
— Moi non plus, s'exclame Suna d'une voix légèrement tremblante.
— Un peu quand même.
— Qu— Suna toussa de nouveau — Pardon ?!
— Allez, je vais pas t'empoisonner, et puis moi ça m'occupera, assura Osamu.
— Osamu je ne peux vraiment pas...
Suna s'arrêta dans sa phrase et se mit à tousser. Osamu fronça les sourcils sans savoir quoi faire. Il avait remarqué que la respiration de Suna devenait saccadé, et que sa poitrine se soulevait de plus en plus vite, mais il n'y avait pas prêté attention.
— Suna ça va ?
— Je... j'ai...
Suna tenta de parler mais sa toux devient de plus en plus violente et il devint horriblement pâle.
— Il faut que j'appelle quelqu'un ? Tu veux que j'aille chercher un médecin, s'exclama Osamu en soutenant Suna.
— J'... j'arrive pas... respirer...
— Calme toi, calme toi, je vais chercher un médecin ça va aller.
Osamu se leva précipitamment et se dirigea vers la porte de la chambre. Mais Suna se leva à son tour et tomba à moitié du lit.
— Non Suna ne bouge pas, s'affola le jeune homme.
Mais Suna ne l'écouta pas et se dirigea vers la porte qui menait à la salle de bain et les toilettes de sa chambre. Osamu retourna au près de lui et le soutint du mieux qu'il put jusqu'à la salle d'à côté. Suna se laissa tomber sur le sol et s'agrippa à la cuvette des toilettes. Il se mit à vomir tout ce qu'il avait avalé, en continuant de tousser douloureusement. Il crachait même du sang.
Osamu le soutenait du mieux qu'il pouvait, et passait sa main dans son dos. Il ne savait absolument pas quoi faire pour l'aider. Il ne pouvait pas le laisser pour aller chercher quelqu'un, mais il ne pouvait pas non plus le soigner.
Osamu resta donc au près de Suna et prit sa main droite dans la sienne. Suna ne se calmait pas, il crachait encore et encore, ses bras tremblaient violemment, des larmes de douleur tombaient de ses yeux, son corps était secoué de spasme. C'était horrible à voir, et vraiment effrayant.
Il fallait prévenir les médecins. C'était urgent, il fallait à tout prix quelque chose.
— Je te promets que je reviens, dit alors précipitamment Osamu.
Il se leva aussi vite que possible et sortit en courant de la chambre. Le couloir était désert et il ne savait pas où se trouvaient les bureaux des médecins. Il retourna alors dans la chambre et se précipita vers le lit. Il attrapa le bouton d'appel et le martela de toutes ses forces pour alerter quelqu'un.
Une fois après avoir été sûr que le bouton d'alerte avait rempli sa fonction, Osamu retourna immédiatement auprès de Suna.
— Je suis là, je suis là c'est bon, rassura-t-il en reprenant sa main.
— J'ai l'estomac en feu, dit Suna en s'accrochant désespérément à Osamu.
— Ça va aller, on va s'occuper de toi, ça va aller, calme toi, dit Osamu d'un air affolé.
Suna voulut répondre mais il se mit à vomir de nouveau. Son corps était couvert de sueurs froides, Osamu n'avait jamais vu quelqu'un dans cet état. Il avait tellement peur que sur le moment, il se dit que Suna allait mourir d'une minute à l'autre. Cette pensée entra dans son esprit et s'afficha en grand devant ses yeux. Il ne pouvait plus s'en débarrasser, mais il refusait d'y croire.
   — Ça va aller, dit-il pour se donner contenance. Ça va aller...
   — ... peux plus respirer..., dit Suna dans un souffle.
   — Je... je...
   Qu'est-ce qu'il fallait faire si Suna ne pouvait pas respirer ? Il avait peut-être une canule ? Il fallait qu'il en ait une, sinon Suna ne pourrait pas reprendre son souffle. Mais où pouvait-elle être ?
   Alors qu'il paniquait de plus en plus, Osamu vit soudain un groupe de médecin et d'infirmiers débarquer dans la chambre et se précipiter vers eux.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé, demanda rapidement le médecin en prenant sa place.
— Il s'est mis à tousser d'un coup, et ensuite il s'est mis à vomir et à cracher du sang mais on ne faisait rien de particulier, répondit Osamu d'un air brouillon.
— On s'occupe de lui, tu peux t'en aller, dit une infirmière en le forçant à se relever.
— Non je ne peux pas partir il faut que je reste, je vais pas l'abandonner il a besoin de-
— Ne t'inquiète pas tout va bien se passer, ce n'est qu'une crise, sa vie n'est pas en danger, assura l'infirmière en le faisant reculer jusqu'à la porte.
— Je ne vais pas partir maintenant !
— Rentre chez toi, tes parents doivent être inquiets, on s'occupe de tout ne t'en fais pas, allez, Suna n'a plus besoin de toi je t'assure !
L'infirmière s'assura que Osamu soit bien en dehors de la chambre, puis elle lui claqua la porte au nez. Le jeune homme resta figé devant la porte sans réussir à croire qu'il venait de se faire mettre dehors. Il y a une minute il était encore auprès de Suna, et à présent il se retrouvait seul dans le couloir !
Il était vraiment tenté de rentrer de nouveau dans la chambre, il entendait la toux de Suna derrière la porte, et les infirmières parler à toute vitesse avec le médecin. Il ne pouvait quand même pas partir comme ça !
Pendant une dizaine de minute, Osamu resta planté devant la porte, à écouter avec fureur la toux de Suna s'apaiser. Il se calmait mais Osamu n'était pas auprès de lui, et ça l'énervait plus que tout. Suna avait besoin de lui, comment avait-il pu se faire virer aussi facilement ?!
Au bout d'un moment, l'infirmière qui avait mis dehors Osamu sortit à son tour et tomba nez à nez avec lui. Voyant qu'il était toujours là, elle décida d'être plus radicale, et lui fit bien comprendre que rester dans l'hôpital était inutile. Le jeune homme se retrouva hors de l'hôpital si vite qu'il ne comprit même pas ce qu'il se passait.
— Je rêve ou cette naine m'a viré de l'hôpital, s'exclama Osamu en comprenant ce qu'il lui arrivait.
Il ne rêvait pas. Il s'était bel et bien fait mettre à la porte. Par une naine de deux têtes de moins que lui en plus !
   Osamu frappa dans une pierre avec fureur et partit sans perdre de temps. Comment un grand garçon comme lui pouvait s'être fait mettre à la porte par un... un... un échantillon d'humain ? Il ne comprenait pas, et il n'allait sûrement pas se laisser faire. Dès qu'il le pourrait, il retournerait voir Suna, même si on lui interdisait.
Osamu remarqua à peine que la nuit était complètement tombée, et qu'il avait laissé son manteau et son téléphone dans la chambre de Suna. Il était énervé. Il laissa ses pas le guider jusqu'à chez lui, ignorant la fraîcheur de la nuit, et rentra à toute allure.
Pendant le trajet, la colère d'Osamu s'envola peu à peu, et laissa place à une vague d'angoisse. Il se sentit soudain tellement angoissé qu'il en aurait presque pleurer. Osamu réalisait lentement ce qu'il venait de se passer. C'était si soudain, si violent, il ne s'y attendait absolument pas.
Suna et lui parlaient tranquillement, et sa crise s'était déclenchée d'un coup. C'était donc ça ses crises ? Mais ses crises ne duraient pas plusieurs mois normalement ? Il s'était un peu renseigné en cherchant sur internet, et avait vu que pour l'une de ses maladies — il ne savait plus laquelle — la crise durait plusieurs mois, elle était extrêmement douloureuse et il fallait également plusieurs mois pour s'en remettre. Oui mais il en était guéri apparemment... bon en fait il n'avait rien compris.
   Il fallut un bon moment au jeune homme avant qu'il ne comprenne qu'il n'avait pas ses clés, car elles étaient dans son manteau laissé à l'hôpital. Alors une fois arrivé devant chez lui, il sonna donc à la porte de sa maison et attendit avec impatience.
— Ah Osamu ! Tu t'es rappelé que tu avais une maison, ainsi qu'une famille, s'exclama sa mère en ouvrant la porte de la maison. Il était temps ! Est-ce que tu te rends compte ? Tu ne m'as même pas prévenu que tu rentrais tard, en fait, tu ne m'as même pas prévenu qu'on ne rentrait pas ensemble ! Je me suis fait un sang d'encre, tu es irresponsable, où est-ce que tu étais ? Et qui était ce garçon ?! Hé Osamu je te parle !
Osamu ignora totalement sa mère. Il entra dans la maison sans même la regarder, enleva ses chaussures sans prendre la peine de les ranger et partit directement vers les escaliers.
— Osamu revient, je n'ai pas terminé, ordonna sa mère avec colère. Osamu !
Le jeune homme ne l'écoutait toujours pas. Il se concentrait pour monter le plus rapidement possible les marches, car son attelle le ralentissait énormément, puis il disparu à l'étage. Les cris de sa mère se faisaient toujours entendre d'en bas, mais ils n'atteignaient pas ses oreilles.
Osamu avança sans réfléchir dans le couloir de l'étage, qui était plongé dans le noir. Il ouvrit la première porte devant laquelle il passa et entra dans la chambre de son frère.
Atsumu était allongé dans son lit, les yeux rivés sur son écran de téléphone. Il ne vit même pas Osamu entrer.
— Tsum, murmura Osamu d'une voix absente.
Aucune réponse. Depuis l'entrée de la chambre, Osamu pouvait voir que l'attention de son frère était portée sur un match de volley qui défilait sur son écran.
— Atsumu, appela Osamu d'une voix plus forte.
Comme son frère ne répondait toujours pas, Osamu s'avança lentement et enleva les écouteurs qui étaient dans ses oreilles.
— Oh mais quoi, je suis occupé là, tu veux quoi enco... qu'est-ce que t'as, demanda Atsumu en voyant l'expression de son frère.
   Osamu se laissa tomber sur le lit de son frère et fixa le bureau en face de lui sans le voir. Il n'arrivait pas à mettre de l'ordre dans ses pensées. Tout se bousculait.
— C'est Suna.
Atsumu se redressa vivement et se pencha vers son frère. Osamu ne le regardait pas, mais il pouvait parfaitement sentir l'aura d'inquiétude qui s'était soudainement emparée de lui, et imaginer les points d'interrogations qui devaient clignoter au fond de ses yeux.
— Suna a fait une crise, murmura Osamu d'une voix tremblante.
— Il est mort, s'écria Atsumu avec horreur.
— Non...
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? C'était quand ? T'étais avec lui toute la journée ? Il va bien là ? Je peux aller le voir, demanda précipitamment Atsumu avant de se lever pour récupérer ses béquilles et sortir de sa chambre.
   Osamu mit du temps à répondre. Son cerveau bloquait sur ce qu'avait dit Atsumu. « Il est mort ». Suna... mort ? C'était in-envisageable, Osamu refusait de l'imaginer... de cette façon. Il ne pouvait pas mourir. Il n'y avait même pas une heure, Suna souriait et était heureux avec lui. Comment pouvait-il mourir tout de suite ? Ou même un jour ? Non, Suna ne mourrait jamais, c'était impossible.
   — Sam réponds, ordonna Atsumu en secouant son frère pour le faire réagir.
   L'esprit d'Osamu réintégra son corps.
— Tu ne peux pas, je me suis fait virer de l'hôpital, informa-t-il.
— Quoi ? Mais pourquoi ? Tu lui as fait quoi ? C'est toi qui a déclenché sa crise ?
   — Je...
   Osamu n'y avait pas pensé. Est-ce que Suna s'était mis à vomir à cause de ce qu'il lui avait donné à manger ? Est-ce que tout ça était de sa faute ? Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Osamu avait-il pu faire du mal à Suna sans le vouloir ?
   Non, ce n'était pas possible. Suna avait mangé en début d'après-midi. Et sa crise venait d'avoir lieu, c'est-à-dire vers vingt heures. Si ses vomissements étaient dus aux onigris, Suna aurait fait sa crise avant.
   — Je sais pas, murmura Osamu. Tout allait bien mais il s'est sentit faible et...
   Osamu essaya de rassembler ses souvenirs et de les mettre dans l'ordre.
   — Il s'est mis à tousser, puis à vomir... mais je n'y suis pour rien, s'écria-t-il soudain. Je n'y suis pour rien n'est-ce pas ? Ce n'est pas de ma faute, je ne lui ferais pas de mal, hein Atsumu ?!
   Osamu s'accrochait à son frère en le regardant avec désespoir. Ses yeux le suppliaient de lui dire qu'il n'y était pour rien. Il avait besoin de l'entendre.
   — ... Je n'en sais rien, répondit Atsumu d'une voix perdue.
   Osamu sentit son cœur se décrocher. Il ne bougea plus pendant un instant, lui et Atsumu se regardaient avec un mélange d'inquiétude et de tristesse.
   Le jeune homme finit par se lever et partit en silence. Il entra dans sa chambre qui était juste en face de celle d'Atsumu. Il ne prit même pas la peine d'allumer la lumière, de fermer les volets, ou encore de se changer. Il n'en avait pas la force, et il n'y pensait même pas.
   Il se laissa tomber sur son lit, allongé sur le ventre, et serra son oreiller sous sa tête. Si tout à l'heure il aurait pu pleurer, à présent les larmes refusaient d'accéder à ses yeux.
   Mais après tout, pourquoi pleurait-il ? Il connaissait à peine Suna. Ce n'était personne pour lui, ce n'était même pas un ami. Alors pourquoi devrait-il pleurer pour lui ? S'il se sentait aussi mal, c'était parce que c'était dur de voir une personne dans état aussi mauvais.
   Non ce n'était pas que ça. Il avait découvert une personne qu'il appréciait. C'était pour ça qu'il se sentait mal. Osamu s'inquiétait pour Suna.

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