Chapitre 13 - La promesse de l'entum

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Debout face à Shéya, Ayk lui tendait de sa main gauche quelque chose d'unique. Dans le creux de la main fraternelle, la gamine avait l'occasion d'admirer une petite sphère aux reflets fluorescents qui rappelaient l'ensemble des couleurs du spectre visible. Également, sur la surface de l'exceptionnel objet, apparaissaient des lignes sinueuses qui ondulaient dans un sens aléatoire. Par conséquent, grâce à ses multiples ondulations, même immobile sur la paume de l'Hano (Génie en mécanique), le mini-globe donnait l'illusion d'être en perpétuel mouvement lorsque petite Co le fixait du regard.

Et pendant que le génie féminin contemplait les prouesses de cette technologie millénaire, Aphte l'interrompit et lui suggéra gentiment :

— Prononce le mot « Ma-ké-na ».

À peine l'enfant murmura les trois syllabes en guise d'essai, que les ondoiements s'arrêtèrent.

— Que signifie ce mot ? Et pourquoi l'entum y réagit-il ? interrogea la scientifique, intriguée.

Séance tenante, son naali lui dit :

— Makéna est le nom que grand-père Eltou donna à cette intelligence artificielle. Et ce n'est pas, juste, à son nom qu'elle a été attentive. C'est surtout à ta voix qu'elle a obéi, car je l'ai paramétrée ainsi.

— Et pourquoi t'as fait ça ?

La petite-sœur était surprise. Quant à l'autre, il répondit naturellement :

— C'est parce que c'est toi qui vas continuer à la réparer.

— Comment ça ? C'est à toi que naali Dash a confié l'entum, non ?

L'étonnement se lisait clairement sur le visage de Shéya. D'autre part, elle éprouvait une grande incompréhension, à l'égard d'une mission qu'elle trouvait simultanément inattendue et inappropriée. Une nouvelle fois, Aphte s'expliqua :

— Je sais ! Mais, ces derniers jours, je n'ai ni le temps de la réparer et encore moins la concentration nécessaire, pour analyser les renseignements qui y sont accumulés.

Agacée, la mounia se pinça le nez et rouspéta :

— Pourquoi tu ne dis pas, simplement, à naali Dash que tu ne veux pas lui rendre ce service ?

— Parce qu'il ne s'agit pas de seulement la réparer ! avoua Ayk, ennuyé.

— Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?

Aphte, entre deux expirations bruyantes pour exprimer sa lassitude, lui apporta ce qui sembla être une énième explication :

— Dash sait que le jour où je lui réparerais cet appareil, je lui donnerai, par là, mon approbation pour qu'il aille lui aussi à Ngatnom. C'était notre accord.

L'adolescent énonça ces paroles, les yeux imbibés d'un liquide translucide et brillant. Toutefois, il s'interdit de céder à cette émotion. L'Énia Hano voulait surtout se montrer courageux devant l'unique famille qui risquerait maintenant de lui rester.

À la vue d'un pareil gyuma (esprit combatif), la môme empoigna de sa paume droite, l'entum que lui tendait encore son aîné. Aussitôt, elle lui promit, fièrement, sans pour autant cacher une légère réticence :

— Je ferai de mon mieux pour la réparer, grand Co, tu peux compter sur moi !

Néanmoins, l'Hobre (Botaniste) Shéya ne pouvait s'empêcher de gratter sa rotule du genou gauche. Ce tic contredisait ces précédentes déclarations puisqu'elle ne se sentait vraiment pas à la hauteur. Après avoir déposé l'entum sur son bureau, elle finit donc par dévoiler son appréhension :

— Mais... grand Co... n'oublie pas que je ne suis pas Énia, comme toi. Pour y arriver, je risque d'avoir besoin de beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps.

— T'inquiète pas, t'as beau être une Hobre, toi aussi, t'es une descendante d'Arake ! Je sais que tu y arriveras, comme tu l'as fait en créant Nips !

De pair avec son discours, Ayk afficha spontanément à sa mounia, une expression heureuse et confiante. En outre, des rides firent leur apparition autour des yeux pétillants bleutés du mécanicien tandis que ses joues s'élevaient. Spectatrice du sourire authentique de son fraternel adoré, la débutante se ragaillardit.

De son côté, l'uzal Nips, à la seconde où il entendit les paroles encourageantes du jeune maître, voulut participer à la conversation.

D'emblée, le petit compagnon sauta. Et depuis la dextre du fils Cowe, il rejoignit l'épaule de sa créatrice bien-aimée. À son oreille droite, il lui prononça, plein de conviction, ces mots en langue vernaculaire toraïte :

— Kima Shéya ! Kima Shéya (ou Brave Shéya) !

De telles exhortations renforcèrent l'assurance de petite Co. De ce fait, l'apprentie Hano demanda à son frère, au moment où elle consentit à poser son regard curieux sur la machine :

— Puis-je avoir le mot de passe pour accéder aux données cryptées de l'entum ?

— Il s'agit de l'année de naissance de Dash, informa le naali, qui se rapprocha pour se positionner sur le côté droit de la technicienne.

À travers l'attention que l'instructeur porta aux premiers gestes de son disciple sur le mini-globe, la fierté se lisait indubitablement. La voix calme et posé du Maître Hano, durant les manœuvres, les chaleureux contacts visuels ainsi que les hochements de têtes approbatrices, étaient des minutes privilégiés dont Shéya ne se lassaient guère.

À présent que la période d'initiation s'était écoulée, Aphte décida de prendre congé. Il tourna alors ses talons et poursuivit, dos tourné :

— Lorsque tu auras les données, concentre-toi, principalement, sur celles relatives à Ngatnom. Malheureusement, on a très peu de temps.

Sur ce, l'Hano sortit du jardin familial, à toute vitesse. Malgré tout, avant qu'il ait franchi les baies vitrées, dorénavant ouvertes, Shéya lui posa une question in extremis :

— Où vas-tu, habillé comme ça ? s'écria-t-elle.

— À l'Instéo !

Instantanément, Ayk se retourna et leva ses deux pouces en signe d'encouragements à son élève, avant de disparaître derrière les haies.

Les habitants de ToraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant