Chapitre 36 - « Bande de sournois ! »

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L'an 7 007, Ngatnom, grotte Naclov, 12.47 Éo

— Bande de sournois ! Bande de sournois ! pesta Dédé.

Le géant Dashmad Ice tournait, en rond, dans la Salle des Commandes. Le courroucé avait les poings fermés et les muscles du corps contractés, à l'extrême. Ses pas lourds causaient un vacarme, au contact du sol métallique. Même un troupeau de brèzes ne créerait pas une sonorité aussi assourdissante. Par moment, l'imposant personnage s'arrêtait, brusquement. Droit, tel un « I », il déviait son cou de 90 degrés. Dash, les jointures de ses doigts blanchis sous l'effet de contraction, lançait un regard assassin aux accusés. Puis, dix secondes plus tard, il reprenait sa marche thérapeutique.

Aphte, Azora, Makéna et l'androïde, observaient l'excédé. Par mesure de prudence, le quatuor s'était positionné, à un mètre du Chef d'expédition. Les prévenus observaient attentivement la rumination du « juge » Ice. Ils attendaient, patiemment, que l'Expert recoupât les informations – qui lui avaient été transmises par son coéquipier, auparavant.

Devenu méfiant, l'Éolis (Génie en géologie) désirait tirer, personnellement, ses conclusions. Pour cela, il se servit également des indices qu'il avait récoltés, antérieurement. En outre, grâce aux données du mécanicien et à son habile intuition, Dédé était certain qu'il découvrirait le fin mot de cette duperie.

Subitement, le géologue s'arrêta de tournailler. Et pour une énième reprise, il exigea de l'Hano (Génie en mécanique) une confirmation :

— Alors, Ayk, si je comprends bien... Pff ! soupira le naali, de déception. Depuis le début, si tu voulais m'accompagner sur cette mission, c'était pour trouver cette automate, c'est ça ?

— Oui, naali ! répondit le fils Cowe, timidement, les yeux abaissés.

— Et pourquoi ne m'as-tu rien dit ? Tu m'as fait perdre du temps avec des prélèvements inutiles ! hurla l'aîné, dont les narines dilatées ronflaient d'énervement.

— Naali, ces prélèvements ne sont pas « inutiles ». À ton retour sur Ordest, quand tu les étudieras, tu comprendras mieux, argumenta Aphte, qui cachait ses phalanges agitées, derrière son dos.

— Qu'est-ce que j'ignore encore, hein ? vociféra le Chef, qui postillonnait de rage.

— Excusez-moi, puis-je intervenir pour vous éclairer davantage ? sollicita le robot Azora.

— Oh, toi ! Je ne veux surtout pas t'entendre !

Simultanément, Dédé menaça l'entum, du doigt, le bras raide comme une barre. Avec sévérité, il ajouta :

— Je préfère prendre le risque de ne rien comprendre, que d'écouter les mensonges d'une « boîte parlante » !

À nouveau, l'Énia Dashmad reprit son manège méditatif. Néanmoins, après deux tours de piste, il ralentit son martèlement du plancher en dagus. Monsieur l'enquêteur Toraïte se préparait à formuler, une interrogation supplémentaire. Les yeux, mi-clos et chargés de reproches, Dédé fixa Aphte. Sur-le-champ, le grand-frère somma son mounia, d'une voix grave :

— Et depuis quand sais-tu que « Madame le Cerveau » existe ?

— Depuis la veille du Conseil de l'Instéo, marmonna Cowe junior, qui courba son front, plus bas.

— Hein ? Seulement ? C'est pas logique !

Instantanément, l'aîné fronça ses sourcils. Des rides verticales apparurent, immédiatement, entres les deux arcades. L'explorateur réfléchissait, rapidement.

— Si cette boule que t'appelles « ton ami » le sait, depuis fort longtemps, pourquoi a-t-il attendu des années pour te le dire ? Attends... ne me dis pas que...

Aussitôt, un trait fin se dessina entre les lèvres de l'Éolis. Un sourire narquois qui, finalement, explosa :

— Ah ah ah ! C'est paradoxal ! Je ne savais pas qu'il te faisait des cachotteries, à toi aussi !

— Sur ce point tu te trompes, naali ! corrigea, courageusement, Aphte.

— Ah, oui ? Dans ce cas, éclaire-moi !

— Je sais qu'Azora a un drôle de façon de s'exprimer. Mais, comme tu le dis souvent, « il est de l'ancienne époque » ! déclara le cadet, qui sourit à ces mots.

Subséquemment, l'inculpé gratta ses cheveux d'un bleu pâle, pour cacher son indiscrétion. Il fallait, absolument, éviter une réaction punitive.

— Euh..., pour ce qui est de partager les informations, Azora a... comment dire ? Un problème de mémoire, annonça le Génie en mécanique, d'un regard fuyant.

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire, encore ? s'exclama l'aventurier.

Lassé par cette série de révélations surprenantes, Dashmad, machinalement, laissa retomber ses bras. Avec le poids du geste, l'attèle de sa main droite, déjà fragilisée, céda. Indifférent, le Chef d'expédition continua, d'un ton autoritaire.

— Je suppose que t'as de bons arguments, pour étayer ta déclaration ?

— Azora, est capable d'emmagasiner, en moyenne, cinq données, par nanoseconde. Ce qui lui donne une capacité de stockage équivalent à 25 années de métadonnées. Or, il est dans notre famille depuis quatre générations ! Ce qui représente, au moins, un espace de mémorisation égal à un millénaire de métadonnées !

— Tss ! exprima le sceptique.

— En bref, ce que je veux dire, c'est qu'Azora est contrait de supprimer, journellement, des données, pour éviter la saturation.

— Ayk, qu'est-ce que tu racontes-là ? Si ton ami, « la sphère volante », est sensée n'avoir que deux décennies de mémoire, pourquoi se souvient-il encore de l'androïde ?

Systématiquement, le naali désigna, de sa main gauche, le robot humanoïde. D'emblée, le mécanicien incompris redressa son regard. Il était prêt à défendre, énergiquement, son compagnon mécanique :

— Bien sûr qu'il a des données encodées et compressés que même, accidentellement, il ne peut effacer ! C'est juste que le décodage de ces informations requière, un tel, niveau d'habilité que même mon statut d'Énia a dû mal à atteindre.

— C'est pas ta faute, Ayk ! rassura Dashmad, attendri. C'est juste que « Monsieur arrogant » que voilà, c'est beaucoup trop appliqué à sécuriser ses données !

Le descendant Ice n'arrivait jamais à garder du ressentiment, envers son ami. Depuis plusieurs saisons, Shéya et son frère Ayk étaient sa seule famille. Par conséquent, quand Dédé lu la peine de son mounia à travers sa voix stridente, à la nanoseconde, il se rapprocha du mécanicien.

— Heureusement que ton savoir-faire a su décrypter, à temps, les renseignements au sujet de l'automate ! félicita-t-il, une tapette à l'appui. Mais... t'aurais quand même dû m'en parler !

— Excuse-moi naali de n'avoir rien dit, plus tôt ! C'est juste que si je le faisais, tu ne m'aurais pas laissé, aller jusqu'au bout.

— Ayk, que se passe-t-il, exactement ?

— Pour faire court, naali, pourrais-tu, s'il te plaît, réactiver ton miggimi, sur notre hôte ? Directement, en zoom maximum, suggéra-t-il.

— Bonne idée !

D'ailleurs, c'est ce que j'aurais dû faire, depuis le début ! Ah Dédé, tu perds tes réflexes !

En revanche, dès l'instant où l'aventurier appela, une seconde fois, sa dextérité visuelle, il découvrit une épouvantable vérité. L'Isorok ne baignait, simplement pas, à l'intérieur du fluide de l'être biomécanique. Le fléau imbibait ses organes et circulait, dans chaque fibre nerveuse. Le scientifique comprit, ainsi, que son ennemi juré avait modifié l'A.D.N. du « Cerveau de Tora ». Dans, environ deux heures, l'androïde serait littéralement vaincu.

— Ayk, prononça Dash, troublé, qu'est-on est censé, faire contre ça ? J'admets être perdu ! En plus, je ne comprends toujours pas, comment un uzal peut-il être infectée, par l'Isorok ?

Les habitants de ToraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant