Chapitre 6 - Ardout s'essouffle

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En à peine une décennie, l'Éolis (Génie en géologie) Dashmad était à son trente-deuxième voyage sur Ardout – sans compter les excursions effectuées inconsciemment, à l'intérieur du ventre maternel.

Pour les Toraïtes, le territoire ardoutois était synonyme de végétation surabondante. Les forêts y étaient denses et parsemées de plaines verdoyantes. Et bien que des rivières et cascades y fussent répertoriées, le sol d'Ardout était extraordinairement fertile, grâce à des eaux souterraines enrichies en minéraux naturels. Ainsi, le paysage était également gorgé d'une population florale qui rayonnait sous un climat sans excès thermique.

Quoique, ce n'était pas le plaisir d'aspirer un air revigorant, encore moins, de s'extasier devant un décor paradisiaque qui attirait régulièrement Dédé dans cette province. L'Expert géologue y venait pour ses recherches fréquentes relatives au mal de Tora. Après quatre heures ininterrompues d'agréables échanges avec des éléments chimiques, identifiés sur plusieurs échantillons de couches terreuses, D. Ice s'accorda une parenthèse.

Là, sur son site d'observation, assis sur un tabouret pliable au sommet rembourré, Dédé saisit une petite boîte ronde en métal. De ce coffret, incrusté des emblèmes Ice, il en sortit un dispositif à aimants d'Éo.

Éwaléo devait son pseudonyme d'« aimants d'Éo » à cause de trois petites touches, en forme d'aiguilles aimantées. Disposées au centre du dispositif, après ouverture, les pièces servaient à accéder aux diverses fonctionnalités. Le bleu paramétrait les heures, le rouge les variables liées aux communications et le vert commandait la géolocalisation.

Dashmad, lui, se servit de son appareil, pour lancer un appel à distance. La seconde qui suivit, un mini-hologramme apparut.

— Olani, naali ! décrocha Aphte, joyeusement.

— Olani, Ayk !

— Alors, comment se passe ta troisième journée à Ardout ?

— Oh, juste quelques analyses de plus qu'hier, sinon rien ! Et de ton côté, comment se passe l'exposition ? Tu y es toujours, n'est-ce pas ?

— Euh... Eh ben...

— Attends, ne me dis pas que t'as encore annulé ton jour de congé ?

— Euh... pas vraiment !

— Ah, je vois ! Les turbines ont encore fait des caprices ?

— Ouais ! Et pas qu'un peu ! Mais, cette fois, j'ai eu droit à vingt minutes de répit. Donc, j'ai pu profiter un peu de l'expo !

— Tant mieux !

— Et sinon... depuis que t'es arrivé, pourquoi tu ne me fais pas voir le panorama ? Tu sais bien que j'aime admirer la nature !

— C'est juste que j'ai établi mon campement dans un secteur... comment dire ? Un peu... désertique ?

— Comment ça ? Y a des coins de ce genre à Ardout ?

— En fait, les terres d'Ardout ont actuellement du mal à lutter contre le fléau.

— Et les géants iztans ?

— Malheureusement, ils s'épuisent.

— ...

Le silence du passionné des merveilles naturelles laissait entrevoir son chagrin. Aphte gardait la tête baissée et les épaules cambrées. L'ainé Ice, attristé, lisait une pointe de désillusion, dans chaque expiration profonde du cadet.

De ce fait, le scientifique n'osa dire à son mounia que l'Isorok recouvrait, dorénavant, les un tiers du territoire. Présentement, les plantes s'étouffaient, progressivement, sous une huile pâteuse. La substance caoutchouteuse liquéfiait la flore d'Ardout et laissait, derrière elle, une végétation en décomposition. Suite à cette catastrophe biologique, le visage ardoutois devenait méconnaissable. La putréfaction des espèces végétales libérait, également, des gaz tels l'ammoniac et le dioxyde de soufre. Heureusement, pour l'Expert Ice, son abri évitait toute contamination polluante.

Malgré tout, l'Éolis Dashmad restait confiant.

— T'inquiète, Ayk ! Mes récentes observations m'ont orienté vers une nouvelle hypothèse que je pense bientôt prouver !

— Ah oui ?

— Bien sûr ! Je t'en dirais plus, plus tard ! Mais, si elle est vérifiée, ma découverte sera d'un grand secours dans notre combat !

— Apparemment, ces temps-ci, Shéya n'est pas la seule à avoir une bonne intuition.

— Comment ça ?

— Eh bien, ça fait deux jours qu'elle s'est enfermée dans son atelier en prétextant avoir trouvé le moyen de créer sa « plante chérie » !

— Aaaayk ?

— Oh, t'inquiète ! Chaque jour, je vérifie que petite Co mange correctement ! Et s'il y a un souci, et que j'suis pas là, Nips me préviendra !

— OK ! Comme quoi, personne ne veut abandonner ! C'est bien !

— Bien sûr, qu'on n'abandonnera pas, naali ! Si To se bat, nous on se battra, encore plus !

Inopinément, à l'opposé de l'interface du descendant Ice, l'alerte d'une nouvelle messagerie retentit :

— Désolé, je dois y aller !

— Oh, ça va ! De toute façon, on se recontacte toujours dans quatre heures ?

— Ouais ! Mais cette fois, je veux tout voir !

— OK ! Si tu y tiens. À bientôt, Ayk !

— Olani !

Désormais, Dashmad observait l'Hano (Génie en mécanique) qui s'élançait précipitamment. Au bruit des percussions émises, par le choc des pieds d'Aphte sur le sol, il devina amusé que le mounia s'était encore réfugié au-dessus du toit métallique d'Ilweg, pour converser. Aussitôt, le géologue coupa la communication et pivota de 90 degrés sur son support. Il reprit, des mains, sa tablette mémorielle et y dicta :

« L'an7 005, quatrième saison des pluies d'astéroïdes, jour 30, province Ardout, 6.03 Éo du matin, Éolis Dashmad Ice, soixante-dixième essai ».

Les habitants de ToraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant