Chapitre 9 - Sur les terres brûlantes de Calmée

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Calmée était la troisième région de Tora la plus connue, après la Capitale Ordest et les terres fertiles d'Ardout. Ses contrées désertiques étaient célèbres pour leurs hautes dunes de 7 000 mètres, aux teintes d'un blanc spectaculaire. Cette coloration du sol résultait d'une mécanique de désintégration des roches basaltiques, suite aux bombardements météoritiques et autres corps célestes qui appartenaient au système Oxyr.

En outre, Calmée était la province la plus chaude, avec une température moyenne qui égalait les 200 degrés Celsius. Cependant, son air pouvait monter jusqu'à 427 degrés lorsque Ox se trouvait au Zénith. Et tandis que To recevait de son étoile la chaleur la plus intense, simultanément, le deuxième bouclier protecteur était le plus apparent.

Dans l'optique d'observer au mieux cette couche protectrice, Dashmad Ice, Aphte Cowe, conduis par leur guide Javân, s'engagèrent sur les routes sinueuses calméennes pour atteindre Xellis. Car, la province Calmée était également réputée pour ses deux oasis : Exion et Xellis. Ces villes offraient verdure ainsi que fraîcheur aux touristes venus s'aventurer sur ces terres brûlantes.

Pour ce périple, effectué la cent-treizième journée, au cours d'une deuxième saison des pluies d'astéroïdes, en 7 006, les trois voyageurs optèrent en faveur d'une traversée à dos de brèzes. Ces chevaux aux rayures vermeilles et blanches, possédaient comme pattes des serres noires et un pelage aux capacités isothermes. De plus, ils étaient idéals pour les trajets longues distances. En effet, à chaque mouvement de jambe, l'animal absorbait l'énergie émise par ses muscles jambiers pour se propulser vers l'avant à une vitesse qui environnait les 150 kilomètres par heure.

Par conséquent, les Toraïtes se déplaçaient à toute vitesse ! Vue du ciel, leur parcours dessinait un rai lumineux rouge à travers un labyrinthe formé de dunes aux poussières météoritiques blanches. Malgré cela, le trio discutait aisément, intelligemment installé et assis confortablement sur leur monture.

— Javân, interrogea Ayk, pourquoi a-t-on donné à ce territoire le nom de Calmée ?

— Chut ! Ne dis rien ! interrompit, brutalement, le guide, l'index posé sur ses lèvres. Dis-moi petit, entends-tu quelque chose ?

Seulement, le sérieux de cette interrogation s'opposait au silence ambiant qu'exhibaient les montagnes sablonneuses dénudées. Alors, Cowe junior protesta, déçu :

— Mais, j'entends rien du tout !

— Donc, tu as la réponse à ta question, affirma l'accompagnateur de manière sarcastique.

— OK ! Mais, pourquoi ce silence ?

L'Hano (Génie en mécanique) était maintenant âgé de treize ans. Son apparence physique esquissait dorénavant quelques muscles pectoraux et biceps ; les heures supplémentaires n'avaient pas été en vains !

Quant au guide qui comptait à son actif une dizaine d'années au service du terroir, il se laissa finalement convaincre par la curiosité scientifique d'Aphte. Cette fois-ci, il lui expliqua tout bonnement :

— Ici à Calmée, le silence est tant l'ami du prédateur que de la proie. L'un s'en sert pour maximiser l'effet de surprise durant son attaque, pendant que l'autre se garde d'émettre un son pour éviter de signaler sa position à l'ennemi.

— Merci, c'est bon à savoir ! déclara le garçon, passablement inquiet.

— Mais tu sais, intervint Dash, dans cette zone, c'est surtout des plantes qu'il faut le plus se méfier !

— Ah oui ?

Cette information rendit Ayk un tantinet soucieux. À ses yeux, ces impressionnantes élévations de sable étaient désormais des menaces sournoises auxquelles ils devaient prêter une attention plus qu'ordinaire.

Immédiatement après, Javân relança d'une voix macabre :

— N'approche surtout pas un jabok kazar ! Aussi beau soit-il, cet arbuste aux fleurs titanesques et pendouillant dégage un parfum envoûtant mais, fatale, pour les curieux qui osent s'en approcher ! Plus d'une fois, il m'est déjà arrivé d'assister à une prouesse gymnastique de ce prédateur.

— N'en rajoute pas trop, Javân ! recommanda l'explorateur Ice, imperturbable.

— Je dis juste ce que j'ai vu ! se défendit, le guide. Et même qu'un jour, poursuivit-il avec suspense, alors qu'un observateur se trouvait à une distance de trois mètres du jabok...

Inopinément, le conteur, qui cherchait à imager ses prochaines paroles, projeta brutalement son buste et ses bras tendus vers l'avant.

Puis de manière synchronisée, il continua :

— J'ai vu la plante propulser ses branches vers l'intéressé afin qu'au moins l'une de ses fleurs puissent l'engloutir, pour s'en délecter.

L'accompagnateur Javân détaillait les spécificités du jabok kazar dans le but de créer l'épouvante chez ses interlocuteurs. Durant son effroyable exposé, celui-ci focalisait spécialement son regard sur Aphte, en attente de sa future expression faciale. Et voici la réaction qu'il décrocha :

— Et si on faisait un petit détour pour aller voir un « j.k. » de près ?

— Attends, t'as pas entendu les explications de Javân, ou quoi ? réagit Dashmad, interloqué. Et puis, c'est quoi ce surnom « j.k. » ?

— Si justement ! répliqua le passionné des plantes. Comment veux-tu que je confirme à Shéya et aux collègues que j'étais bien à Calmée, si je ne ramène même pas le souvenir d'un « j.k. » ?

Suite à cela, le fils Cowe baissa timidement la tête.

Et « j.k. » ça fait moins effrayant.

— Tu prendras plein de souvenirs à Xellis et ton étude du deuxième bouclier en sera la preuve ! répliqua D. Ice, avec sévérité.

Ensuite, le naali, moyennement agacé par la chaleur suffocante, rajouta plaintif :

— Je n'ai pas du tout envie de rallonger mon séjour, ici ! Donc, pas de détour !

— Mais grand-frèèèère, tu sais très bien qu'à dos de brèzes, une légère déviation ne change rien à la durée du séjour !

Présentement, les enfants de To portaient, individuellement, un long manteau avec capuche et col haut qui les recouvrait entièrement. D'une part, l'habillage de ce par-dessus, sans couture visible, était rendu aisé par l'élasticité du tissu. Ainsi, il s'adaptait tant à la morphologie qu'au mouvement du porteur. D'autre part, le col – qui servait actuellement de cache-cou – ainsi que la capuche étaient modulables. En guise de protection contre le vent, le sable et éventuellement les pluies d'astéroïdes, ce revêtement facial cachait habilement leur visage, à l'exclusion des yeux et le haut du nez.

Pourtant, même en l'absence d'un contact visuel direct avec son mounia, Dédé devina aisément le visage grognon de celui-ci. Dès lors, il promit, avec réserve :

— Bon... à la fin de tes analyses, on y repensera, peut-être !

— Merci, naali !

Le mouvement ascendant des coins de la bouche d'Aphte se déchiffrait, sans peine, sous les mètres du tissage argenté qui l'enroulaient la face. Ajouté à cela, le plissement de ses yeux, au scintillement cristallin, confirmait l'air radieux du garçon.

D'où le rabâchage de l'aîné :

— J'ai dit, peut-être ! répéta-t-il, fermement, à voix haute. Et si... on en a les moyens !

— Ne vous inquiétez pas pour le prix ! Je vous ferai le tarif familial ! rassura Javân, d'un sourire commercial.

Au préalable, les explorateurs avaient enduré, sous la chaleur torride et étouffante, deux jours de traversée. Il en restait encore deux supplémentaires, avant d'apercevoir enfin la silhouette accueillante de l'oasis Xellis. Heureusement, pour les trois compagnons, leur équipement était pourvu d'un revêtement en Ksam, un textile capable de maintenir la température corporelle. Dans le cas présent, la matière leur rafraîchissait le corps, sans pour autant y associer un système de refroidissement artificiel. De ce fait, bien qu'affectés psychologiquement par un paysage chiche en verdure et richement poussiéreux, les touristes Dashmad et Aphte étaient néanmoins agréablement ventilés.

Les habitants de ToraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant