Chapitre 19 - Départ pour NGATNOM !

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Dashmad Ice attendait son compagnon de voyage, aux portes d'Ordest. Il discutait avec les veilleurs, postés là, tandis que Makéna virevoltait, au-dessus de lui. Quand il aperçut Aphte, au loin, il s'excusa auprès de ses nouveaux amis et se dirigea vers lui, à longues enjambées. Arrivé devant lui, il l'interrogea inquiet :

— Alors, comment Shéya a-t-elle réagi à la nouvelle de ton départ, pour Ngatnom ?

D'emblée, Ayk baissa sa tête, pour cacher deux fines gouttes d'un liquide aqueux qui commençait à humidifier ses yeux. Ainsi, sans lui dire un mot, le naali imagina la déchirure émotionnelle du garçon. Doucement, Dédé releva le visage du mounia. Le grand-frère compatissant, tint instantanément avec ses mains, les deux épaules de l'attristé. Il promit, avec hardiesse :

— Tu sais, de toute façon, Shéya n'a pas à s'en faire ! Je prendrai soin de son 'Grand Co' durant, toute cette expédition, comme je l'ai toujours fait, jusqu'à présent !

Subitement, Aphte Cowe gloussa, puis éclata de rire.

— Attends, qu'est-ce qui te fait rire, toi ? questionna Dashmad, embarrassé.

— J'ai juste l'impression que, jusqu'à maintenant, c'est plutôt moi qui prends soin de toi, naali ! déclara Ayk, qui essayait d'étouffer son rire, d'une main.

— Eh !

— J'exagère pas ! grimaça le mounia, qui faisait la moue. Je me souviens, très bien, de tous les plats gratuits que tu engloutis chaque jour, chez moi !

— Tu sais, tout travail mérite salaire ! Et le métier de garde du corps, aussi ! se défendit, vaillamment, le géologue, les bras croisés au niveau de la poitrine.

— OK, je te l'accorde ! Mais, sinon, où... est-ce que tu vas... habiller de la sorte ?

— T'as remarqué ?

Séance tenante, Dédé haussa successivement ses sourcils, avec gaieté. Le mannequin fit une simulation de défilé style « Toraïte Fashion ». De pair, avec quelques pas soignés et un balancement de ses bras, il argumenta :

— C'est du sur mesure fait en Ksam et flexible ! Donc, liberté de mouvements assurée !

Dashmad fit un demi-tour et veilla à garder son regard vers l'horizontal, pour poursuivre avec une démarche élégante :

— Le tout est un tissu léger, solide et autorégulateur de température !

— J'ai rien contre la matière, souligna Ayk, un tantinet impressionné. Je parle plutôt de ton style fringuant ! Tu vas draguer des mifus ?

— Oh ça ?

Dédé fit une pose, digne d'un modèle, et rentra les mains dans les poches de son pantalon taille basse, moyennement large. Ensuite, accompagné par une mise en place de ses protections oculaires, dernières générations, l'amoureux du style objecta :

— C'est juste qu'on va s'aventurer sur des terres réputées meurtrières. Donc, s'il faut mourir, autant être classe pour l'instant fatidique !

Lorsque Dash réalisa la maladresse de ses derniers mots, Cowe junior affichait, à nouveau, son masque funéraire. Dès lors, le naali voulut se rattraper :

— Euh... attends ! C'est parce que j'ai parlé de mort que tu nous refais le coup du macabre ?

— Non, c'est pas ça ! En plus, je ne déprime pas ! Je suis, juste, désespéré !

— Et c'est différent ? s'étonna le grand-frère, les arcades sourcilières relevées, simultanément. Et puis, zut ! Qu'est-ce qui te tracasse encore ?

— C'est que..., depuis notre excursion à Calmée, ça va faire bientôt, un an, que je m'efforce de garder un teint luisant ! bredouilla l'enfant, qui fixait le sol et jouait avec ses pieds.

— Et ?

— Et..., je suis sûr que ces quelques jours sur les terres enneigées de Ngatnom suffiront, à tout gaspiller !

Par la suite, Aphte prolongea ses aveux, la tête penchée, vers l'arrière. Le crâne du pleurnichard pendait sur son cou, quand il se lamenta :

— Je sens que je finirai ma vie, complètement, leucoderme !

— Excuse-moi ?

Soudainement, Dédé s'arrêta dans ses mots, victime d'une certaine incompréhension. Il secoua son cerveau médusé. Après coup, il ajouta, choqué :

— T'exagères pas, un peu là ? En fait... tu sais... ce que tu viens de dire est très, très, improbable !

À dire vrai, le peuple toraïte était reconnaissable à sa forme humanoïde, au teint étincelant d'un noir le plus profond — en comparaison, la peau ébène était un euphémisme.

Cet éclat était d'autant mieux accentué, par l'absence de villosité sur l'épiderme. En outre, sur leur enveloppe corporelle se dessinait plusieurs symboles colorés ou « scaras », dont les figures variaient au gré du hasard génétique. Ces tatouages naturels avaient des colorations qui s'associaient, généralement, à celles des cheveux et lèvres de chaque individu.

Par exemple, au sujet d'Ayk, quelques-uns des scaras qu'arborait son corps avaient une forme qui rappelait le symbolisme de l'eau. Cette interprétation était renforcée par le coloris bleu cyan de ces signes. Ces marques héréditaires d'Aphte Cowe étaient agréablement assorties à sa coiffure et ses lèvres. Quant à Shéya, sa sœur, bien que pourvue des mêmes traits physiologiques, elle présentait néanmoins une petite fantaisie orange autour des paupières. Cette couleur corail se présentait, également, sous la forme d'une bande qui traversait verticalement les lèvres – via la crête philtrale – de petite Co.

Par conséquent, il serait difficile de penser qu'un des protégés d'Adrastée (bouclier protecteur de Tora) pût souffrir d'albinisme. En effet, une exposition, même intense et prolongée, à un climat glacial ne parviendrait à enlever toute trace de pigment à une telle race. En résumé, les paroles de l'Hano (Génie en mécanique) étaient :

— Une pure bêtise ! Apparemment, tu ne changeras jamais, gamin ! s'exclama une voix, derrière Ayk.

Sur-le-champ, l'enfant Cowe se retourna. Dorénavant, Dash et lui bloquèrent leur regard sur une silhouette. L'ombre se rapprochait progressivement de la zone éclairée, où ils se trouvaient.

— Javân ! Que fais-tu, là ? s'écria Aphte, surpris par les heureuses retrouvailles.

Le mécanicien tendit ses deux bras, vers l'avant, pour embrasser l'ancien camarade et, ainsi, lui souhaiter la bienvenue. Le guide, qui était plus grand que son ami, se courba légèrement pour accepter cet accueil cordial.

— Je me demandais bien, quel guide allaient-ils nous envoyer ? compléta Dédé, qui affichait un demi-sourire, en guise de satisfaction tandis qu'il observait la scène.

— Hein ?

Aussitôt, l'Hano abandonna son étreinte chaleureuse. Sa tête fit un quart de tour. Les avant-bras encore tendus, il regarda son voisin d'à côté, l'esprit confus.

— Naali, tu savais qu'il devait y avoir une troisième personne ?

— En fait, il n'y a pas de mission à Ngatnom sans guide, expliqua l'aventurier expérimenté.

Enfin, l'Éolis (Génie en géologie) tapa, un coup, dans ses mains et annonça avec autorité :

— Puisqu'on est maintenant au complet, il est temps de partir ! Vous finirez vos joyeuses embrassades, plus tard ! 

Les habitants de ToraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant