❥ Chapitre 28 ~ La dépersonnalisation

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- - - - - PDV Emilie - - - - -

Emilie : - Je me rappelle comme si c'était hier le moment où on m'a annoncé mon cancer. C'était un jour de beau temps, pas du tout en phase avec mes émotions et je me suis dit que j'aurais préféré pleurer avec un orage ou à défaut un peu de pluie. Pourtant, l'horizon était aussi bleu qu'un ciel d'été. Mon mariage volait en éclats en partie de ma faute, j'ai demandé le divorce et le cauchemar a commencé. Comme le deuil, le cancer et la maladie en général revêtent divers costumes. Il y a d'abord le moment où on vous l'annonce en personne pour de vrai. C'est violent, frontal et bousculant. Vous êtes là, assis sur cette chaise d'un spécialiste que vous avez vu deux fois dans votre vie et qui est assis derrière ce si long bureau avec toutes formes d'organes en plastique autour de lui. Tel un tueur en série intégré socialement dans la société et votre souffle se coupe. Comme un bon coup de poing, moi j'ai eu des sortes d'acouphènes, je n'entendais quasiment plus rien ou alors avec la même qualité audio qu'un film enregistré directement dans une salle de cinéma. Le second choc vient du fait que tout au long de votre vie, on vous assure que vous avez le temps. Le temps de choisir votre métier, le temps d'aimer, le temps de travailler, le temps de vivre. Du temps. Et là, brusquement, vous n'en avez plus. Ce médecin vous l'enlève, vous le retire aussi rapidement et douloureusement qu'un pansement. Cette première phase est si je puis dire la plus simple car elle n'inclut que vous. Vous pouvez vous auto persuader que même avec 1 an d'espérance de vie, vous la vivrez comme il se doit. Mais il y a la seconde phase, l'annonce à la famille. C'est de loin la chose la plus difficile que j'ai eu à affronter, parce que vous êtes là face à eux, ils rient, vivent et se repaient d'innocence et vous, vous avez ce fardeau à leur balancer sur les épaules en sachant que, ce que vous avez vécu chez votre psychopathe spécialiste, ils vont le recevoir de plein fouet, peut-être même multiplier. Parce qu'eux ont des sentiments que l'on n'a pas, nous les malades, c'est la culpabilité du survivant si je puis dire. Ils entrent dans une phase entre le déni, la culpabilité et le marchandage qui consiste à prier qui que ce soit d'échanger, de les prendre à leur place, de penser que ce n'est pas juste, que ça ne devrait pas leur arriver et pourtant il n'y a personne pour exaucer leurs prières, il n'y a qu'eux et leur tristesse d'avoir à entendre que leur proche à une date de fin, une obsolescence programmée. Je crois que le plus facile a été pour mes enfants. Seule une de mes filles était au courant, la plus grande m'a soutenue tout le long sans jamais défaillir, parce qu'il y a chez les enfants cet espoir innocent que nous perdons en grandissant. La 3ème phase et non des moindres, le début des traitements et les premières opérations. Moi dès le début, j'ai eu une mastectomie complète. Je n'ai jamais eu beaucoup de poitrine,mais là qu'on vous l'enlève comme ça sans réserve, vous êtes devant le miroir et ils ne sont plus là, ils n'existent plus alors que vous les avez vu pousser, devenir le désir des hommes, nourrir vos enfants, vous les avez désirés, aimés, détestés mais ils faisaient parti de vous, de votre genre, de ce qui vous définit entant qu'être humain. Je me catégorisais dans la partie être humain, de sexe féminin en accord total avec son corps et son genre, mais là je n'avais soudain plus les critères pour cette catégorie. Alors je suis quoi ? Un monstre ? Et comme si ça ne suffisait pas, la 4ème phase arrive. L'agression. Le traitement agresse votre corps, il vous ronge de l'intérieur comme un rat dans une maison. Le miroir est difficile à regarder parce que vous n'êtes à ce moment-là même plus un être humain, les poils ont disparus de la surface de votre corps, la graisse s'en va pour ne laisser qu'une peau recouvrant chaque os qui devient si apparent que vous avez l'apparence d'un squelette. Pas de seins, pas de cheveux, pas de formes. Vous n'êtes plus rien. Même votre regard dans le miroir n'exprime qu'une fatigue extrême, celle d'un combat qui ne finit jamais et que vous avez la sensation de perdre. J'ai toujours été sportive avec une âme de prudente. Chaque combat de boxe que je faisais, je rentrais sur le ring et je me disais que là comme ça, j'allais perdre, mais qu'il fallait que je donne tout pour gagner et que ce n'est que mes mouvements qui décideraient de l'issu du combat. Aucune fierté mal placée, aucun égo, juste du savoir-faire toujours remis en question. Alors vous êtes là, devant ce squelette, vous entendez encore les gens vous dire de vous battre, que vous allez le vaincre mais le fait est là, vous avez un pied dans la tombe et aucun contrôle là-dessus. Ce jour là, j'ai regardé la vérité en face, je mourrais. Je ne ferais pas parti des miraculés, des sauvés, des vivants. J'ai réglé chaque souci qui se poserait après ma mort et quand j'ai eu fini, la psychopathe en chef de ma moisissure interne m'a passé un coup de fil. Je devais aller la voir, c'était urgent. Autant vous dire que je n'ai jamais été aussi sereine face à une situation urgente. C'est vrai, tous les jours vous entendez quelqu'un vous dire que c'est urgent, mais qu'y-a-t-il de plus urgent que la vie ? En tout cas moi, je venais de passer des mois à me battre avec un nouveau compagnon qui m'a aidée à voir la vie d'une autre manière, mon testament était rédigé, mon enterrement réglé d'avance, le père de mes enfants enfin autonome, et ma sœur et mon beau frère attendait leur première petite fille. Tout était en ordre et j'allais à ce rendez-vous sans aucune notion d'urgence, mais plutôt la nécessité de voir enfin un point final. Je pense que ce qui m'a touchée aussi, c'est que j'allais directement à l'hôpital pour mes traitements, je voulais rester avec des gens comme moi, pour qu'il me rassure, je n'en sais trop rien, mais je me suis accrochée à eux alors que je les ais vus partir un à un, emporté par la fatalité, en me disant qu'en plus d'être mort dans d'horrible souffrances, ils auront passé la fin de leur vie sans réaliser leurs rêves probablement. En tout cas surement avec des regrets, parce que moi j'en avais et je ne voulais pas ça pour moi, donc j'ai décidé que j'allais arrêter les traitements. Je voulais juste la paix, avec mes cheveux, mes poils et le contrôle sur les prochains mois.

❥ Daryl et Matt (Is It Love ?) - TOME 3 : Destins Entremêlés {Autumn}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant