11 Juin 1857 - Paris
Cela fait deux ans que je tente de l'oublier, deux ans passer pour laisser mes sentiments pour lui se diluer. Lorsque nous étions encore ensemble, je pensais que lui courir après était la meilleure solution pour le garder dans ma vie, mais nous n'arrivions plus à nous aimer ; surtout que notre amour était secret car totalement interdit. Nous nous aimions, c'est vrai, mais sa classe sociale était beaucoup trop différente de la mienne et ma famille ne l'aurait jamais accepté ; je ne voulais pas le perdre, mais nous n'avions plus le choix, la séparation fut douloureuse, bien que nécessaire. Pourtant, Owen était l'amour de ma vie, celui que les jeunes filles ont le droit de lire dans les romans, mais que peu d'entre nous vivent, dû au mariage que nous impose notre rang social et notre famille. Il est si dommage de voir que de si belles histoires d'amour peuvent avoir lieu, et ne pourtant jamais avoir l'occasion d'en vivre. Depuis qu'Owen et moi avons décidé de nous séparer, je n'ai jamais pu lire d'histoire d'amour, cela me faisait trop de mal, car chaque mot que je lisais renforçait l'intense besoin de le voir et je devais me convaincre que ce n'était pas réel, que ce n'était pas et ne serais jamais nous. Même si je le voulais. Je suis devenu très bonne en géographie ainsi qu'en anglais, mon grand frère m'a aidé à travailler cela. C'était le seul dans la confidence de cet amour interdit, Anthony nous avait surpris lors d'une dispute et avait tenté de garder son calme pour comprendre ce qu'il se passait, je ne sais pas pourquoi il a décidé de nous couvrir, mais il l'a fait. C'est pour cela que depuis deux ans, il me protège énormément, essaie d'occuper mon temps et me surveille constamment. Il est aussi le premier à tenir tête à maman qui veut absolument que je rencontre des prétendants ; je me doute qu'elle ne doit pas être rassurée, voir son deuxième enfant approcher les vingt-ans et être célibataire doit lui faire peur. Je la comprends, je ne veux pas devenir une vieille fille mais je ne veux pas non plus me marier avec un homme que je n'aime pas. Entre autres, je ne veux pas me marier avec quelqu'un d'autre qu'Owen.
Il m'a brisé le cœur en deux, mais pourtant, dès que celui-ci se cicatrise et respire enfin de nouveau, il bat encore pour lui. C'est à la fois beau mais aussi déstabilisant et perturbant. Comment puis-je avancer si mon cœur revient toujours vers Owen ? Il obsède chacune de mes pensées, je ne peux évidemment pas l'enlever de ma tête et je pense que si je pouvais tout recommencer, je retournerais vers lui. Encore et encore. Même si je ne suis pas censée le faire, je ne pourrais pas m'en empêcher.
Je sors de mes pensées et baisse la tête vers la lettre que je tiens entre mes mains. Le papier est léger et jaunit par le temps. Mais je ne pourrais jamais me résoudre à le jeter, parce que cette lettre était la sienne. Deux ans après l'avoir lu pour la première fois, je la relis enfin. A vrai dire, je l'ai déjà relue des centaines de fois, lors de mes insomnies, après un bal trop brouillant, un matin d'hiver ou même dans mes rêves. J'ai rêvé de cette lettre sous tous ses angles, je le voyais l'écrire, d'autres fois me la lire à haute voix, ou encore la mettre au feu, cette lettre à beaucoup de place dans ma vie, et ce soir, j'ai plus que besoin de la lire.
"12 Juin 1855
Ma tendre et douce Catherine,
Vous seule savez la souffrance que j'éprouve en écrivant ces mots, si tristes mais pourtant si réels. Je m'en vais dès que cette lettre vous sera transmise, je pars pour Londres rejoindre mon frère. Notre séparation me fait trop de peine, vous voir chaque jour en faisant semblant que nous sommes amis pour ne pas faire parler la société, me peine et m'est impensable. Notre dispute du soir dernier m'a chamboulée et j'aimerais me battre pour vous, pour nous, mais je ne veux pas vous causer de tort ; c'est pour cela que je me retire. Je vous dépose, ma dame, une lettre d'au revoir, qui je l'espère ne se transformera pas en adieu. Je vous souhaite un sincère bonheur et je vous assure qu'il ne passera pas un jour sans que je ne pense à vous. Si Dieu le veut, nous nous retrouverons bien après l'au-delà, mais en attendant, mariez vous, vivez la vie que je ne peux vous offrir.
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