short stories

Histoire 30 : l'amour de ma vie

Assise dans ce café où tout avait commencé, Lara observait les allées et venues, un sourire doux-amer aux lèvres. Ses mains caressaient une tasse tiède, souvenir d'une habitude prise lors de ces innombrables après-midis passés à discuter avec Noah. Il lui semblait que tout avait changé en elle depuis qu'elle l'avait quitté...

Un mois était devenu une éternité.

Elle soupira en se remémorant la dernière conversation qu'ils avaient eue. Elle lui avait dit ces mots qu'elle regrettait maintenant : "Tu étais l'amour de ma vie."

C'était un mensonge.

Un mensonge qu'elle avait senti monter, comme un mécanisme de défense face à ses questions, ses accusations voilées et sa douleur manifeste. Mais elle avait pensé que ces mots allaient l'apaiser, peut-être même la libérer elle-même d'un poids.

Noah n'avait rien dit sur le moment. Il l'avait seulement regardée, le visage figé, comme un bloc de marbre, avant de tourner les talons et de partir sans un mot. Elle avait ressenti un pincement au cœur, mais ce sentiment s'était vite dissipé, remplacé par une étrange libération.

C'était comme ça que leur histoire s'était terminée.

Sur une douloureuse libération.

Ce jour-là, Lara avait compris que l'amour n'était pas censé ressembler à une guerre de sentiments, une lutte silencieuse où elle se trouvait constamment en équilibre sur un fil tendu au-dessus d'un précipice émotionnel.

Elle s'était souvent sentie coupable d'être épuisée par les hauts et les bas de leur relation. Pourtant, elle n'était pas responsable du fait qu'il la faisait toujours marcher sur des œufs, comme si elle pouvait être la cause de chaque blessure ou de chaque doute qu'il portait en lui.

—

Un jour, alors qu'elle feuilletait un livre dans une petite librairie qu'elle adorait, elle sentit un regard se poser sur elle. C'était Alice, la sœur de Noah, qu'elle appréciait énormément. Alice semblait hésitante mais finit par l'approcher, la bouche crispée comme si elle cachait un secret brûlant.

— Tu sais que Noah est déjà en couple, non ? murmura-t-elle, les yeux remplis de tristesse.

Lara resta un instant interdite.

Une vague d'émotions contradictoires l'envahit.

Surprise.

Soulagement.

Une pointe d'amertume aussi.

Elle répondit, presque par automatisme, qu'elle était heureuse pour lui, qu'elle lui souhaitait tout le bonheur possible. Mais une part d'elle se sentait trahie. Il lui avait juré qu'elle était irremplaçable, qu'il ne pourrait jamais aimer quelqu'un d'autre comme il l'avait aimée.

Et maintenant...

Il avançait dans une nouvelle histoire comme si tout ce qu'ils avaient vécu n'était qu'un brouillon, un amour capable de changer.

D'être oublié.

Elle revint au café ce soir-là, seule, s'interrogeant sur la nature même de l'amour. Était-ce normal d'aimer ainsi, de tout mélanger entre affection et douleur, entre passion et ressentiment ? Elle s'était souvent demandé si l'amour était censé lui donner la sensation de perdre pied, d'être bloquée dans une spirale qui la consumait autant qu'elle l'enflammait. Pourtant, aujourd'hui, elle réalisait combien il était libérateur d'être débarrassée de cette tension constante.

—

Quelques semaines plus tard, Lara reçut un message de Noah. Il lui demandait de le retrouver une dernière fois, sans précision sur ses intentions. Curieuse, elle accepta, bien que l'idée de le revoir lui fasse naître un léger malaise. Elle ne savait pas si elle se sentait prête à l'écouter.

Lorsqu'elle arriva, Noah était déjà là, à l'attendre dans leur coin habituel du café. Il la regarda approcher, un sourire aux lèvres. Elle s'assit face à lui, essayant de contenir ses propres émotions.

— Lara, commença-t-il, tu sais que je n'ai jamais cessé de t'aimer. C'est toi qui as décidé de partir, toi qui as mis fin à ce qu'on avait.

Ce n'était pas totalement vrai. En effet, elle avait décidé de partir, mais Noah l'avait poussé vers cette sortie, avec ses constants va et vient dans sa vie, ses sauts d'humeur et ses émotions complexes. Lara avait besoin de stabilité et d'être aimée. Elle prit une profonde inspiration avant de lui répondre.

— J'ai souvent eu l'impression d'être celle qui devait porter nos deux cœurs. C'était épuisant. J'avais l'impression de marcher sur des œufs, de toujours faire des efforts pour ne pas te blesser.

Il ouvrit la bouche, mais elle l'interrompit.

— Je pensais que c'était ça, aimer, d'être prête à tout pour préserver notre histoire. Mais l'amour ne devrait pas être une cage, ni une chaîne. Je m'en suis rendu compte après notre rupture. Et pour être honnête... non, tu n'étais pas l'amour de ma vie.

Les mots résonnèrent, lourds de sens, suspendu au-dessus d'eux alors qu'elle le vit encaisser le coup, son visage se figeant dans une expression d'incompréhension et de peine.

— Je... Je croyais qu'on s'était dit la vérité, qu'on avait partagé quelque chose de réel, balbutia-t-il, visiblement secoué.

— On l'a fait, c'était une forme d'amour, de respect, dit-elle avec douceur. Ce n'était pas de l'amour comme je l'imaginais, comme je le souhaite désormais. J'étais heureuse par moments, mais la plupart du temps, je vivais dans l'inquiétude, la peur de te perdre ou de te décevoir.

Ils restèrent silencieux, chacun dans ses pensées. Finalement, il hocha la tête, les yeux baissés, comme s'il venait de comprendre une vérité qu'il avait toujours refusé de voir.

— Alors, je suppose que tu ne regrettes pas que ce soit terminé, murmura-t-il avec un sourire triste.

Lara haussa les épaules.

— Non, je ne regrette pas, et je ne regrette pas non plus ce que nous avons vécu. J'ai enfin retrouvé la paix en moi. Mais je te souhaite le meilleur, Noah. Pour le reste de ta vie.

Elle se leva, posant sa main sur son épaule une dernière fois, avant de quitter le café sans se retourner. Tandis qu'elle franchissait la porte, elle ressentit un apaisement profond, une liberté retrouvée. Elle n'avait plus besoin de regarder en arrière.

Enfin, elle avançait vers une vie où elle était prête à accueillir un amour qui la ferait s'épanouir.

Plutôt que de lui faire perdre pied.