Romulée Potter : AutreMonde

Chapitre 3

          Le petit déjeuner de piètre qualité se passait dans le calme lorsque la patronne de l'hôtel les approcha.

- 'Mande pardon, est-ce qu'il y aurait un M. Potter parmi vous ? Parce que j'en ai une centaine comme ça à la réception.

          Et elle tenait à la main l'une de ces enveloppes à l'encre verte.

- Je m'en occupe, dit l'oncle Vernon en se levant et en suivant l'hôtelière hors de la salle à manger.

- Et si nous rentrions à la maison ? Suggéra doucement tante Pétunia quelques heures plus tard.

          Mais l'oncle Vernon ne semblait pas l'avoir entendue. Personne ne savait ce qu'il cherchait et Romulée doutait de plus en plus qu'il ait réellement un plan, c'était impossible. Il les conduisit au milieu d'une forêt, sortit de la voiture, inspecta les alentours, hocha la tête, puis remonta dans la voiture et ils repartirent. Il recommença ce manège au beau milieu d'un champ, entre un pont suspendu et un parking à étage.

          Le soleil descendait derrière l'horizon quand il arrêta la voiture en bord de mer, enferma tout le monde dans la voiture et s'en alla.

- Papa est devenu fou ? Demanda Dudley, effaré, à sa mère.

          Il commençait à pleuvoir. D'abord des petites gouttes, puis un véritable déluge qui empêchait de voir dehors. Il faisait gris, sombre. Romulée soupira en cherchant une meilleure position, son corps raide et inconfortable.

- C'est lundi, pleurnicha Dudley, le jour de mon émission préférée. Je veux qu'on aille quelque part où il y aura une télévision.

          Lundi ! Les jumeaux échangèrent un regard. Demain, mardi, serait leur onzième anniversaire. Oh, bien sûr, leurs anniversaires n'avaient rien de bien réjouissant et les cadeaux rares et douteux, comme le cintre et les vieilles chaussettes d'oncle Vernon l'année dernière, mais au moins, ils étaient ensemble. Ils n'avaient jamais passé un anniversaire séparé et ils étaient heureux simplement en se souhaitant un joyeux anniversaire et s'échangeant des cadeaux faits à la main. Alors que la pensée traversait son esprit, elle su que c'était également le cas de son frère lorsque ses épaules s'affaissèrent.

          Ils avaient tous les deux laissé leurs cadeaux chez les Dursley.

          L'oncle Vernon rouvrit soudain la porte, les faisant sursauter. Il portait sous le bras un paquet long et fin. Souriant, sans répondre aux questions de tante Pétunia, il les fit sortir en déclarant avoir trouvé l'endroit parfait.

          Il faisait froid, très froid, et le crachin infiltrait les vêtements et pénétraient dans la peau pour les glacer jusqu'aux os. De son gros doigt, il montra un rocher à bonne distance de la côte, à peine visible derrière ce temps de chien. Même en plissant les yeux et en essuyant ses lunettes, Romulée devinait tout juste sa forme et, dessus, un objet cubique.

- On prévoit une tempête pour cette nuit, dit l'oncle Vernon d'un ton joyeux et Monsieur a été assez aimable pour nous prêter son bateau !

          Un vieil homme édenté s'approcha d'eux d'un pas raide. Avec un sourire à faire froid dans le dos, il montra d'un geste de la main une vieille barque qui se balançait à la surface de la mer d'un gris métallique.

- J'ai déjà acheté des provisions, il ne reste plus qu'à embarquer.

          À bord de la barque, le froid était encore pire, mordant et polaire. Même en se recroquevillant, bras entourant son corps, Romulée tremblait comme une feuille et claquait des dents. Ses vêtements n'étaient pas faits pour un tel temps et son jumeau était dans le même état. Il sembla s'écouler des heures avant qu'ils n'atteignent le rocher, sombre et menaçant contre le ciel d'encre. Leurs pieds glissaient sur chaque pierre humide et, enfin, ils arrivèrent à la masure dont Vernon poussa la porte.