Romulée Potter : AutreMonde

Chapitre 38

          C'était très étrange. Romulée avait l'impression de flotter. Elle sentait à peine le lit sous son corps et y enfonçait ses doigts comme s'il s'agissait d'un nuage tout duveteux. L'image la fit glousser. Elle aimerait pouvoir voler et toucher de vrais nuages. Ah, mais elle n'aimait pas l'eau. En plus, là-haut, c'était froid.

          Il lui fallait une barbe à papa. Nuage sucré.

          Miam.

- Damoiselle Potter ? Damoiselle, pouvez-vous m'entendre ?

          Sa joue tomba sur l'oreiller alors qu'elle tournait la tête pour voir la personne s'adressant à elle. Elle avait le plus grand mal à discerner ses traits.

- Bien. Je ne vais pas vous déranger longtemps, je voulais juste m'assurer que vous alliez bien.

- Au top, coassa-t-elle.

          Et même mieux que ça. C'était amusant comme le brouillard entourait son esprit. Elle n'arrivait plus vraiment à réfléchir, s'en rendait compte sans s'en rendre compte, mais ça lui plaisait. Enfin du calme. Plus de bruit. Plus de distraction.

- Barbe à papa ?

- Désolé Damoiselle, nous n'en avons pas ici. Mais je suis certain que vous pourrez en acheter une dès votre sortie.

          Déçue, Romulée se détourna de lui, ne l'estimant plus digne de son attention. A la place, elle ferma les yeux en s'enfonçant dans son matelas-nuage, glissant presque instantanément dans un demi-sommeil avec un léger sourire aux lèvres. Elle voudrait rester ainsi pour toujours. Assurément, c'était ça le bonheur, le contentement.

          Romulée se réveilla en grognant, tirant son drap jusqu'à son menton. Leur odeur, différente de d'habitude, lui fit ouvrir les yeux. Ce n'était pas sa chambre... ah, oui. On l'avait amenée à l'hôpital. Tous ses souvenirs se mélangeaient dans sa tête, mais de cela elle était certaine. Elle se rappelait une douleur insoutenable et des cris, les siens, mais pourquoi ? Elle l'ignorait. Encore groggy, elle ne désirait rien de plus que se rendormir, incapable de former une pensée cohérente et logique, mais les voix qui l'avaient réveillée étaient toujours là. Agacée, elle roula sur son lit pour faire face à la porte, fusillant celle-ci du regard comme si elle pouvait faire taire les gens dehors. Sans succès, évidemment.

- C'était une très mauvaise idée !

          Cette voix, masculine, paraissait vaguement familière à la brunette, sans qu'elle puisse mettre le doigt dessus. En tout cas, il avait l'air de très mauvais poil. Il ne criait pas, mais son interlocuteur lui cracha de baisser d'un ton, et cette deuxième voix, en revanche, elle la connaissait bien. Le brume entourant les pensées de Romulée s'estompa un peu plus tandis que tout son corps se raidissait, se recroquevillait sous le drap. Elle avait froid, tout d'un coup. Elle tendit l'oreille, cherchant à entendre ce que son Maître disait, et à qui, cependant, ils parlaient maintenant trop doucement pour lui permettre d'entendre plus que quelques murmures étouffés, d'attraper ci et là des mots qui, sortis de leur contexte, n'avaient aucun sens.

- ... de l'inconscience... comme la dernière...

- Elle était... du soucis, tu...

- ... le seul là-dedans ! Nous sommes...

          Ils parlaient d'elle ? Des yeux, elle fouilla sa chambre, malheureusement, elle trouva les murs nus, le griffon absent. Le Château n'avait aucune présence ici. Elle jeta un coup d'œil à ses mains, se demandant si elle pouvait augmenter son ouïe par la magie, mais, d'une part, elle ignorait comment faire, d'autre part, sa magie ne semblait pas lui répondre. Elle espérait que ce n'était dû qu'aux médicaments que les médecins avaient dû lui donner.