Romulée Potter : AutreMonde

Chapitre 26

          Le surlendemain, Romulée croisait le fer avec son Maître, essoufflée et transpirante jusqu'à ce qu'il annonce la fin de la leçon. La sortcelière se laissa tomber par terre en lâchant un râle de soulagement, mais le mage la poussa du bout de sa botte, qu'elle remarqua particulièrement dure, contre ses côtes.

- Relève-toi, Romulée, ce n'est pas un comportement correct, réprimanda-t-il, que penseraient les gens s'ils te voyaient ?

          Cela la fit bondir sur ses pieds en regardant autour d'elle, bien qu'elle sache pertinemment que personne n'assistait à ses cours avec Maître Kaizzar. Chez les Dursley aussi elle devait toujours faire attention à ce que les voisins ne voient rien d'étrange ou d'indigne, de peur de ternir la bonne réputation de cette famille si parfaitement normale, sa tante et son oncle le lui rappelaient tous les jours, et sur tous les tons.

- N'oublie pas de boire.

          Acceptant la bouteille qu'elle avait bien l'intention de vider, la brunette constata que son Maître avait définitivement adopté le tutoiement.

- Je m'occuperai aussi de ta leçon de magie cet après-midi. Tu as tes affaires ? Tu peux te rafraîchir et te changer chez moi. Je ne te promets pas de la haute gastronomie, mais je suis plutôt bon cuisinier.

          Romulée rougit de honte en se rendant compte qu'il lui avait fallu une poignée de secondes pour comprendre ce qu'il voulait dire.

- Oh, merci Maître, mais je préfèrerai déjeuner avec mes amies. On se voit moins qu'avant, donc...

          Elle se passa une main dans la nuque sans oser croiser son regard. Était-elle ingrate de refuser son offre ? Elle l'avait peut-être mis en colère ! Non, elle devrait accepter, ce serait plus poli.

- Je comprends, dit-il avant qu'elle puisse revenir sur ses mots, tout se passe bien entre vous ?

- Très bien, oui, répondit-elle rapidement.

          Elle n'avait pas spécialement envie de se remémorer sa dispute avec Kenya. Toutes les deux faisaient comme si rien ne s'était passé, et c'était très bien ainsi.

- Elles doivent t'en vouloir de passer moins de temps avec elles.

          Alors qu'elle allait boire, Romulée se figea.

- Quoi ?

- "Comment" ou "pardon". Comme je te l'ai déjà dit, votre amitié est... fraîche. Instable. Elles doivent être jalouses de l'opportunité que que je t'ai offerte. C'est normal, surtout à cet âge. Je me souviens d'un garçon, un ami de qui j'étais très proche, que je connaissais depuis l'enfance, qui m'a laissé tomber pour quelque chose de semblable. Enfin, il était égoïste, je n'aurai pas dû être surpris. Mais je lui en ai beaucoup voulu.

          Les filles avaient toujours paru encourageantes aux yeux de Romulée, mais celle-ci savait à quel point il était simple de feindre un sourire et la bonne humeur. De faire croire que tout va bien.

- C'est bien de vouloir préserver ton amitié avec elles, j'espère juste que tu vas rester concentrée sur tes études.

- Oui, Maître...

          Il était facile de prétendre, en effet.

          Oh, bien sûr, Romulée était heureuse de passer du temps avec ses amies, mais les mots de Maître Kaizzar lui revenaient constamment en tête, en particulier lorsque Kenya ou Ruby lui posaient une question au sujet de son apprentissage. Était-ce une subtile façon de manifester leur envie ? Chaque fois qu'elles proposaient de faire quelque chose ensemble ou l'interrogeaient sur son emploi du temps, s'agissait-il de leur façon de dire qu'elle les délaissait ?