Chapitre 20

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          Le mouchoir était tout doux, absorbant ses larmes sans irriter sa peau ou ses yeux. Sieur Kaizzar, c'est ainsi qu'il s'est présenté, l'avait amenée s'asseoir sur un banc et attendait patiemment qu'elle soit calmée. Romulée reniflait encore, ses épaules tressautant parfois, mais le plus gros était passé. Elle prit une grande inspiration tremblante et en relâcha le souffle vers le ciel clair où flânaient quelques nuages ronds et blancs.

- Ça va mieux ?

          Elle acquiesça en essuyant ses yeux une dernière fois et se tourna vers lui.

- Merci.

- Inutile de me remercier. Quel genre de personne serais-je si je laissais une damoiselle pleurer de la sorte ?

          Gênée, elle baissa à nouveau la tête, mais arborait cette fois un petit sourire timide. Elle avait l'impression qu'à chaque fois qu'il parlait, sa voix devenait de plus en plus douce, impossiblement chaleureuse et charmante. Pliant et retournant le mouchoir turquoise et humide entre ses doigts, la brunette cherchait désespérément quelque chose à dire, ou un moyen de le remercier.

- Si ce n'est pas trop indiscret, pourriez-vous me dire pour quelle raison vous êtes-vous retrouvée dans cet état ?

          Romulée sentit ses joues chauffer. A cet instant, elle aimerait pouvoir se cacher, ou même lui faire oublier ce qu'il avait vu. Et combien d'autres personnes avaient assisté à son humiliation ? Un visage couvert de larmes et de morve était rarement quelque chose d'élégant. Cependant, en repensant aux événements, la chaleur la quitta et elle se ratatina sur elle-même, la tête rentrée dans les épaules.

- J'ai fait mal à une amie, marmonna-t-elle.

- Physiquement ou émotionnellement ?

- Les deux...

          Est-ce qu'elle pouvait même encore l'appeler "amie" ? Kenya ne voulait probablement plus entendre parler d'elle maintenant, et certainement pas la voir. Et pourquoi ? Pour un peu d'eau ? La blague n'était pas spécialement amusante au moment où elle l'avait subie, et elle détestait l'eau, mais cela ne l'avait pas blessée. Alors qu'elle...

- J'étais... j'étais pas bien, tenta-t-elle d'expliquer, j'étais triste et... et en colère...

- Et vous vous êtes oubliée sur elle.

          Le vocabulaire choisi fit froncer le nez à Romulée mais, comprenant le sens de sa phrase, elle acquiesça en soupirant.

- Elle doit me détester...

          Elle et Ruby et Attaris.

- Si elle vous déteste pour cela, ce n'est peut-être pas une si bonne amie.

          Le brunette releva brusquement la tête vers son interlocuteur, yeux ronds.

- A moins que ses blessures ne soient graves, ajouta Sieur Kaizzar, auquel cas la situation est tout à fait différente.

          Elle n'en savait rien. Elle ne savait même pas si Kenya était plus que sonnée. La vampyr ne se vidait pas de son sang, du moins pas de l'extérieur. Mais qu'en était-ils de l'intérieur ? Et si elle avait quelque chose de cassé ou de froissé ? Maintenant, elle avait envie de savoir et de s'assurer qu'elle ne lui avait pas fait de terribles dégâts... Elle avait sûrement été emmenée à l'infirmerie, les chamans s'occuperont bien d'elle.

- Vous savez, Damoiselle Potter, il y aura toujours des disputes. Entre collègues, entre amis, entre membres d'une même famille. Nous n'avons pas les mêmes façons de penser, de réagir, et il suffit d'un instant pour devenir bougon et passer une mauvaise journée. Et, si nous ne nous contrôlons pas, notre entourage en paye les frais.

Romulée Potter : AutreMondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant