Chapitre 34

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          On lui avait amené des livres, et même des coloriages, et un télécristal se trouvait dans la chambre, mais Romulée n'avait même pas jeté un regard au second et avait à peine touché aux premiers, sa main gauche attirant à chaque fois son attention. Son auriculaire n'était plus là et il lui manquait les deux tiers de son annulaire. Il n'avait pas fallu longtemps aux médecins pour arrêter le saignement et refermer les plaies. La douleur avait vite reflué, provoquant à nouveau ses pleurs mais de soulagement cette fois alors qu'elle remerciait la magie permettant une telle prouesse. Mais la sensation était bizarre, dérangeante, elle avait parfois l'impression que ses doigts étaient encore là.

- Damoiselle Potter ? Appela quelqu'un à sa porte. Votre Maître est là. Voulez-vous qu'il entre ?

- Oui, s'il vous plaît.

          Avait-il attendu tout ce temps ? D'accord, son traitement n'avait pas été si long, le temps de l'installer dans sa chambre, moins de deux heures étaient passées, mais tout de même, elle savait le Haut-Mage très occupé et le pensait déjà reparti vaquer à ses occupations. Elle ne lui en aurait pas tenu rigueur. Quand celui-ci entra, il avait les cheveux un peu décoiffés et tenait dans ses mains une petite boîte qu'il posa sur sa table de chevet. Pâle et courbé, il osait à peine croiser son regard, ouvrant et refermant la bouche sans savoir quoi dire.

- Romulée, je... Je suis tellement désolé. Je suis retourné au terrain pour récupérer tes... tes doigts...

          On aurait dit qu'il s'étranglait en prononçant ces mots et la petite brune eut un haut le cœur en les imaginant par terre, absolument pas là où ils devraient être.

- Dans certains cas, il est possible de les remplacer. Magie, pas vrai ? Mais pour toi, ce n'est pas possible.

          La sensation fantôme dans sa main s'accenuta, la démangeant et lui donnant envie de gratter comme une folle. Sa main restera donc telle quelle... à vie. Qu'allait-elle dire à Harry quand il verra ça ? Un accident dans son école ? Chez les Dursley ? Est-ce qu'il allait au moins y croire ? Un simple coup d'œil vers sa main la fit frissonner et elle la cacha sous le drap, comme pour échapper à la réalité.

- Je ne pensais que tu serais blessée, souffla alors son Maître. Je croyais que tu serais capable d'esquiver, ou de me bloquer. J'aurai dû savoir que ce ne serait pas le cas, tu es trop jeune, trop inexpérimentée, tu ne connais pas grand chose encore.

- Je peux apprendre, murmura Romulée par réflexe.

          Ce qu'elle ne savait pas, elle pouvait l'apprendre, elle en était certaine, et vite. Il suffisait de lui expliquer les choses, de lui montrer comment. Elle n'était pas stupide comme Dudley.

- Je sais. Mais... Romulée... je ne t'en voudrai pas si... enfin, je comprendrai parfaitement que tu ne veuilles pas poursuivre ta formation avec moi après cela.

- Mais c'était un accident ! Ne put-elle s'empêcher de s'exclamer. J'ai trébuché comme une idiote !

          Il eut un mouvement de recul, yeux écarquillés, surpris par sa véhémence. Elle savait pourtant qu'il n'avait pas fait exprès et il y avait probablement énormément de personnes qui se blessaient lors d'entrainement. Même elle avait blessé Kenya par mégarde, et alors ?

- Donc tu... me pardonnes ?

          Il semblait à peine y croire.

- Bien sûr. C'était un accident et...

          Elle se tut lorsqu'il la prit soudainement dans ses bras, la serrant contre elle comme le ferait un parent avec son enfant, en murmurant avec ferveur :

- Merci, Romulée ! Merci, merci ! Je me sentais tellement mal, je pensais que tu ne voudrais plus rien avoir à faire avec moi, merci !

          Hésitante, elle referma à son tour ses bras sur lui. C'était différent de ses étreintes avec Harry. Maître Kaizzar était plus grand, plus fort, il l'entourait de sa chaleur comme un cocon et c'était plutôt agréable, mais elle ne savait pas trop comment réagir.

- Encore heureux que tu ne te sois blessée qu'à la fin de ta période d'essai, ajouta-t-il en s'écartant. J'espère que tu auras appris des choses avec moi.

- Vous ne voulez pas me garder ?

- Si ! Si, bien sûr, tu es une très bonne Première Sortcelière. Cependant, même si tu m'as pardonné, je ne pensais pas que tu voudrais continuer ton apprentissage auprès de moi.

- On va juste prendre des précautions pour que ça n'arrive plus... non ?

          Travailler avec lui était fatigant et parfois complexe, toutefois, elle avait effectivement énormément appris avec lui et elle voulait voir jusqu'où elle pourrait aller sous son aile. Un sourire étira lentement les lèvres du Haut-Mage.

- Donc tu acceptes de devenir officiellement ma Première Sortcelière ?

- Oui. J'aimerai beaucoup.

          Rapidement, Romulée put quitter sa chambre. Maître Kaizzar et elle ayant terminé de discuter des petits détails, ils se séparèrent, lui pour s'occuper des démarches, elle pour rejoindre son dortoir et, sur ses conseils, se reposer un peu. Elle ne dirait pas non à une bonne sieste, ça c'est clair, et c'est le pas léger qu'elle se rendit dans l'Aile Licorne. Son repos serait de courte durée puisque le déjeuner sera bientôt prêt, mais c'était toujours ça de pris, et elle pourra somnoler tout l'après-midi si elle en avait envie.


          A moitié endormie sur son lit, elle rouvrit un œil en entendant la porte de son dortoir et les voix de ses camarades, fortes et joyeuses. Quand elles la virent se redresser, cependant, elles se turent brutalement.

- Romulée !

          Kenya lui sauta dessus, la faisant retomber sur le matelas avec un grognement.

- Tu es déjà là ! C'est si rare de te voir de retour avant nous, tu manges avec nous à midi ?

- A midi et ce soir.

          Ruby souriait d'une oreille à l'autre, approchant les deux filles avec Attaris dont l'expression semblait plus ouverte que d'ordinaire.

- Ca fait un moment qu'on n'a pas passé de temps ensemble. Maître Kaizzar n'a pas de travail pour toi aujourd'hui ?

- Il m'a conseillé de me reposer. Il y a eu un petit... incident.

          Disant cela, elle montra sa main dont elle agita les doigts restants en prenant soin de ne pas la regarder elle-même.

- Mais non, qu'est-ce qui s'est passé ?

- J'ai trébuché pendant l'entraînement et... couic.

- Ils n'ont pas pu les rattacher ?

- Apparemment non. Mais c'est pas grave, c'est que deux doigts.

          Kenya la triturait et la faisait bouger dans tous les sens, presque fascinée.

- Quand les gens te demanderont, ne leur dit pas que tu as trébuché, dis-leur plutôt qu'un draco-tyrannosaure les a dévorés, ou quelque chose comme ça. Ce sera tellement plus cool !

- Non, non, il faut qu'elle dise qu'elle les a perdus pendant un combat pour sauver un bébé, seule contre dix.

- Personne va y croire.

- Parce que ta version est plus plausible ?

          La cloche interrompit leur débat. Ni une, ni deux, Kenya tira Romulée derrière elle en commençant un résumé de tout ce qui s'est passé lorsqu'elle n'était pas présente. Et c'était beaucoup, mais la brunette écouta avec grande attention, souriante et riante, oubliant sa l'accident et sa main.

Romulée Potter : AutreMondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant