Romulée Potter : AutreMonde

Chapitre 40

          Romulée n'avait pas revu ses camarades depuis le jour où Ruby était partie en pleurant. Ses seules visites avaient été celles du Docteur Alxon, qui se permettaient dès lors remarques et commentaires, ne cherchant même plus à dissimuler son implication, et une de Maître Kaizzar qui était venu s'assurer qu'elle ne mette pas hors service son partenaire. Elle avait ensuite pu récupérer son cristal, mais n'y avait pas touché, n'osant pas appeler ses amies. Et aucune d'elles ne l'avaient contactée. Ce n'est pas comme si elle pouvait leur en vouloir, au contraire. Elle-même s'en voulait de s'être laissée berner et d'avoir fait pleurer Ruby. Peut-être était-elle tout simplement incapable de garder de bonnes relations avec qui que ce soit.

          Ses derniers jours à l'hôpital avaient été d'une lenteur assommante durant lesquels elle ne faisait rien, restant allongée dans son lit à regarder le plafond, ruminant toutes ses pensées et se demandant ce qu'elle aurait pu et aurait dû faire. Elle savait pourtant que cela ne servait à rien dorénavant. A moins d'un miracle, elle doutait de pouvoir échapper au Haut-Mage. Il n'y avait bien qu'en quittant AutreMonde qu'elle aurait peut-être une chance de s'en sortir, même si cela signifiait ne plus jamais y reposer le pied. Même si cela voulait dire ne plus jamais utiliser sa magie. Quoique des sortceliers vivent sur Terre, elle pourrait en discuter avec Dame Onore avant de partir si elle parvenait à la voir.

- Tu ne me demandes pas où nous allons ?

          La voix de Maître Kaizzar tira la jeune fille de ses pensées. Sans relever la tête, elle nia d'une voix basse en serrant un peu plus son sac contre elle. Au point où elle en était, leur destination lui était bien égal, qu'il s'agisse de retourner voir les balbounes ou tout autre chose. Elle allait passer une mauvaise journée de toute façon, elle le sentait, le Haut-Mage était de bien trop bonne humeur depuis qu'ils s'étaient retrouvés ce matin. Nullement dérangé par son désintérêt apparent, il continua :

- Il vaut mieux que tu le saches de toute façon. Nous allons sur l'île du royaume de Patrock. à Krol, pour être exact, la troisième plus grande cité du territoire, l'une des rares où les étrangers sont tolérés.

          Romulée se raidit. Elle n'avait pas encore commencé à étudier en détail les états autre que le Lancovit, trouvant seulement des informations globales et connues de tout un chacun au fil de ses lectures. Et bien que le royaume de Patrock ait été peu présent dans ses ouvrages, sa réputation était bien suffisante pour glacer le sang de n'importe qui. Les edrakins qui y vivaient n'étaient ni amicaux, ni appréciés. Leurs contacts avec le monde extérieur étaient minimes, leurs Chefs et Grands Prêtres n'autorisant que quelques relations commerciales très strictes. Ils ne quittaient jamais leur royaume, sauf pour tenter de conquérir le reste de la planète. Ils avaient déjà fait quatre tentatives, la dernière remontant à moins d'un siècle.

- Suivant ! Cria l'intendant.

          La guidant d'une main sur l'épaule, Maître Kaizzar la mena au centre de la Porte.

- Lorsque nous serons là-bas, n'utilise la magie sous aucun prétexte.

- Pourquoi ?

- C'est passible de mort.

          A leur arrivée, la première chose que Romulée vit fut un chat bipède qui montra les crocs en croisant son regard.

- Poussez-vous, grogna-t-il.

          Ce que fit la jeune fille sans attendre qu'on le lui demande une deuxième fois, tout en évitant de le fixer. Elle savait que les edrakins ressemblaient énormément à des chats, mais elle ne pensait pas que ce serait à ce point ! Il avait les mêmes yeux, le même museau, les mêmes oreilles, les vibrisses et, évidemment, les griffes qui allaient de paire avec les crocs. La seule chose différente, outre leur maintient, était les cheveux qui poussaient sur le dessus de leurs crânes. Autre chose qui séparait les chats des edrakins : si Romulée trouvait les premiers mignons, les seconds la terrifiaient.