Chapitre 16 : La valse pourpre

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ROYAUME D'INDEYA, PALAIS DES LUMIÈRES


— Comment vous dites à une femme que sa mère lui ramène un cadavre pour son anniversaire, vous ?

— Oh, vous connaissez la date d'anniversaire de la reine Jade ? Je suis impressionnée, Mademoiselle Gina.

L'interpelée s'arrêta net, faisant gémir le tapis du couloir sous ses sandales rêches, et se tourna vers la propriétaire de cette voix mielleuse, le dos raide, les poings serrés. Comme elle s'en doutait, Ren la fixait de cet air noir, suffisant.

— Non, je ne connais pas sa date d'anniversaire. Et ça m'est égal ! C'était une... façon de parler.

— C'est étrange que le premier ministre vous ait chargée, vous particulièrement, d'apporter cette nouvelle délicate à notre souveraine. Vous n'êtes pas connue pour votre... empathie envers la reine Jade.

— Vous savez ce qui est encore plus étrange, Madame Ren ? Qu'il vous ait chargée, vous, de m'accompagner.

Avec son habituel grognement, Gina se tourna vers les larges portes de la bibliothèque royale. Alors qu'elle tendait une main pour saisir la poignée d'argent, les battants d'acajou s'ouvrirent dans un grincement inquiétant. Dans un réflexe qu'elle ne saurait expliquer, la peintre du palais baissa les yeux, à temps pour apercevoir une épaisse brume noire qui flottait au sol comme un serpent sous l'eau, avant de se volatiliser. L'Ange des Sourires glissa un regard accusateur vers Ren. La jeune femme râla entre ses dents lorsqu'elle comprit que la ministre demeurait insensible à ses reproches, ses yeux clos dans une démonstration de pure sérénité.

Des voix enjouées provenant de l'intérieur captivèrent l'attention des deux femmes. Ces dernières pénétrèrent dans la salle scintillante de soleil et recherchèrent la provenance des voix entre les immenses étagères de livres.

— Jade, Jade ! s'écria une petite voix aiguë, secouée par l'excitation. J'ai trouvé ce que vous m'aviez demandé ! Venez, venez !

Des pas rapides, fermes et élégants firent craquer le parquet d'ébène.

— C'est exactement ce que je recherchais, répondit la reine, ravie. "Les origines de la Magie : une multitude de racines pour une multitude de branches" par Quionn Senti. Je suis subjuguée que vous ayez l'une de ses oeuvres ici. J'ai toujours rêvé de rencontrer cette femme. La connaissez-vous, Penseur Perrault ?

— Oh non, non, bien sûr que non ! Juste de nom. Mais son oeuvre est étudiée de très, très près au Cloître des Penseurs. Mais vous, comment la connaissez-vous ?

Jade eut un rire chaud et mélodieux qui réussit à attirer Gina vers la bonne rangée. Elle put enfin apercevoir les deux passionnés de livres, plongés dans leur discussion avec dévouement.

— J'ai réussi à me procurer l'un de ses ouvrages par une... connaissance, lorsque je vivais encore au palais des Ospales.

— Ah, intéressant ! Lequel ?

— "L'art de soigner sans magie... ou sans être vue".

— Ah, oui, oui ! L'un de ses meilleurs, sans aucun doute ! Elle a beaucoup d'humour et de courage, Quionn. Souvent les deux ensemble. Bon, dites-moi, que recherchez-vous précisément sur les origines de la magie ?

Le bruit des pages qui virevoltent, accompagnée d'une odeur de poussière et d'ancien atteignirent Gina alors qu'elle était dissimulée derrière l'étagère la plus proche.

— Je connais quelqu'un qui est doté de magie. Une magie discrète mais non moins puissante, ce me semble. Je voudrais en apprendre plus sur elle... sur sa magie. Je souhaiterais savoir d'où son pouvoir peut provenir.

La Table des SeptOù les histoires vivent. Découvrez maintenant