Chapitre 21 : Ils étaient quatorze

215 28 16
                                    

Ils étaient quatorze.
Quatorze silhouettes droites, réparties autour d'un bloc de marbre, pour lire le passé et écrire l'avenir. Les yeux, de toute forme et de toute couleur, se cherchaient et se fuyaient dans un jeu de domination silencieux. Les différences s'opposaient, et pourtant se mariaient à la perfection, rappelant qu'elles étaient toutes en train de changer l'éternité.
Les reines Jade d'Indeya et Garance des Andes se faisaient face, la cadette et l'aînée toujours placées aux extrémités de la Table. Un calme étouffant régnait dans la salle dorée, jusqu'à ce qu'une voix glaciale déchire le silence.
— Avec tout votre respect, Votre Majesté, commença Diane d'un ton aussi sec que condescendant, vous ne pouvez pas nommer une sorcière comme Attendante.
— Il ne me semble pas qu'il existe une règle sur les catégories de personnes éligibles au poste d'Attendant, rétorqua Juliette de sa voix enjouée.
Mais le froncement contrarié de ses sourcils contredisait sa douceur apparente.
— Peut-être alors qu'il s'agit de pur bon sens.
La reine des Ospales avait parlé avec un air d'évidence méprisant. Le Dévoué Valmec lui offrit un sourire victorieux, qu'elle ignora sans scrupule, ne semblant guère enchantée à l'idée d'être en accord avec le prêtre. Celui-ci détourna les yeux dans une moue enragée.
— Parfois, le bon sens nous dicte justement de prendre une sorcière à nos côtés.
Tous les regards se tournèrent vers Amalric, qui avait parlé pour la première fois. Il balaya l'assemblée d'un regard égal, comme s'il venait d'annoncer une banalité affligeante. La Sorcière Bleue eut un rictus indéchiffrable, tandis que ses yeux scintillaient comme la glace sous les rayons du soleil.
— La Magicienne Sans Cœur n'est pas une sorcière, affirma une voix effacée.
Valmec pivota la tête si vite vers Eléanor que ses longs cheveux blancs fouettèrent ses épaules.
— Votre Majesté, enfin, voyons...
Eléanor ne broncha pas et se contenta de fixer ses mains jointes dans une poigne nerveuse.
— Elle est une magicienne, acheva-t-elle dans un murmure qui résonna pourtant dans toute la pièce.
Diane émit un petit rire sans joie, tout en lissant une des tresses argentées qui habillaient le côté de sa tête.
— Et pourriez-vous, je vous prie, nous éclairer sur la différence entre une sorcière et une magicienne, Votre Majesté ?
— Ce n'est pas bien compliqué, intervint Marina d'un ton ferme qui laissait volontairement transpirer une pointe d'impatience. Une magicienne pratique la magie sans influence ni intention aucune. Elle est libre.
Son regard d'or se posa un instant sur la Magicienne Sans Cœur qui demeurait sinistre et silencieuse aux côtés de Juliette. Les yeux chaleureux de la reine d'Elesther brillaient avec respect. Puis, elle tourna la tête vers Kiryana.
— Une sorcière, en revanche, use de la magie avec un parti
Le roi Amalric baissa la tête, se réfugiant sous sa mèche blonde rebelle, comme pour éviter d'affronter le regard moralisateur de ses pairs. Kiryana haussa un sourcil.
— Vous avez un parti pris, Kiryana ? l'interrogea Diane.
Ses yeux de diamant étaient légèrement écarquillés, et sa voix plate bien moins assurée que d'ordinaire.
— Il m'arrive de prendre parti, oui, répondit nonchalamment la Sorcière Bleue en haussant les épaules.
Amalric plaqua une main sur son front dans un gémissement excédé. Et Diane détourna définitivement le regard. Elle serra ses lèvres fines l'une contre l'autre, vaincue.
— Enfin, dans tous les cas, je peux choisir mon Attendante comme je le souhaite, reprit Juliette et son sourire lumineux. Et je choisis la Magicienne Sans Cœur. Y a-t-il un problème ? demanda-t-elle innocemment à l'adresse de Daryn.
Ce dernier secoua la tête, impassible.
— Aucun, Votre Majesté.
À nouveau, le Dévoué Daryn épousseta son pupitre, avec un léger rictus flottant aux lèvres. Le soulagement, sans nul doute. Puis il prit la parole de sa voix mélodieuse, qui contenait cette fois-ci une inflexion sympathique.
— La Vacance n'est plus. Je déclare à présent la Table des Sept ouverte. Je vais sans tarder énoncer les règles qui régiront son déroulement pendant les sept jours à venir.
Le Penseur Perrault lui tendit une énorme liasse de parchemins froissés, que Daryn posa devant lui dans un grand fracas. Avec précaution, il déposa son doigt au sommet de la première page, et lut solennellement le contenu des Écritures pour le bénéfice de tous les participants.
— Les Sept sièges sont occupés par les souverains Parlants, les sept autres par les Attendants. En cas de Vacance, la Table est suspendue.
Daryn leva un œil sardonique vers l'assemblée, vérifiant sans doute que cette fois-ci, tous les souverains avaient bien daigné se présenter. Satisfait, il continua.
— Le souverain légitime est présumé Parlant. Il peut désigner son Attendant comme Parlant, sauf si celui-ci n'est pas souverain par alliance.
Jade balaya la Table du regard et constata que pour l'instant, seuls les souverains légitimes se tenaient devant les hautes chaises au dos large et joliment sculpté. Les Sept sièges des Parlants. Son père Léon se tenait devant l'une d'elle, l'air fébrile. Mais bientôt, chacun désignerait son Parlant, et tout l'agencement changerait. La surprise s'annonçait délicieuse, et elle retint un sourire.
— Le Parlant, quel qu'il soit, poursuivit Daryn, imperturbable, vote pendant la Table selon l'esprit et la volonté du souverain légitime.
À peine eut-il énoncé la règle, Perrault commença à gesticuler derrière le pupitre, et Daryn lui lança un regard ennuyé.
— Chaque Parlant se voit confier deux pièces : l'une de bronze portant le vote négatif, l'autre d'or portant le vote positif.
Alors, Perrault s'avança vers la Table des Sept, avec une boîte de bois sombre entre les mains. Arrivé devant Garance, il ouvrit la boîte pour en sortir des pièces rondes, une de bronze et une d'or, qu'il déposa devant la reine des Andes. Il fit le tour de l'assemblée, distribuant ainsi les pièces machinalement.
— Chaque vote est conclu par une majorité minimum de quatre voix sur sept.
Jade remarqua que la reine Diane fixait les pièces avec une fascination inquiétante. Daryn se racla la gorge pour attirer l'attention de nouveau sur lui, et sur la sixième règle.
— La première délibération porte sur la nomination du Président de la Table, chargé de la police et la tempérance des échanges.
La reine d'Indeya ne put ignorer le sourire froid qui anima les lèvres pâles de sa mère à cet instant.
Et la septième règle tomba.
— La parole est donnée aux Parlants volontaires successifs, qui se manifestent par main levée. Le Président prend la parole en dernier. Il clôt le débat et se porte garant des modifications apportées à la Loi Sacrée.
Le rictus de Diane s'élargit lorsqu'elle croisa le regard de glace de Kiryana, qui semblait la mettre en garde contre une menace connue d'elles seulement. Jade serra les poings.
Daryn détourna les yeux des Écritures et contourna le pupitre pour se placer face à la Table, mains jointes devant sa longue tunique bleu marine.
— Souverains à la couronne, je vous demande à présent de nommer votre Parlant et votre Attendant. Reine Garance des Andes, vous commencerez.
Garance hocha la tête et posa une main assurée sur le dossier du Siège.
— Je serai, moi, reine Garance des Andes, Parlante durant cette Table des Sept. Le roi Boris des Andes, mon époux ici présent, sera mon Attendant.
Tous les regards se posèrent sur le roi des Andes, qui s'était montré assez discret jusqu'à présent. Mais son apparence claire et atypique n'avait pas échappé à l'attention de Jade. Ses cheveux blond platine retenus dans une longue natte, sa peau blafarde et ses lèvres blanches, tirant sur l'orangé, promettaient une origine lointaine et inconnue. Un hoquet de terreur manqua de s'écouler de la bouche de Jade lorsqu'elle croisa les yeux jaunes de Boris. Le reflet parfait des yeux d'Ignar, à la différence que ceux-ci scintillaient de curiosité et de bienveillance. Et non pas d'envie, de...
Une main chaude se posa sur son bras glacé, et elle jeta un coup d'œil reconnaissant à son époux qui la regardait avec une sollicitude qu'elle ne sut interpréter. Elle ne remarqua son mal-être que lorsque le tremblement qui l'agitait de la tête aux pieds cessa brutalement.
Ses pensées furent interrompues par le ton assuré de Marina. Cette dernière croisait les bras sur sa robe de soie rouge écarlate, et ses yeux mordorés semblaient ancrés sur Diane des Ospales.
— Je serai, moi, reine Marina d'Elesther, Parlante durant cette Table des Sept. Damian de Rochevelle, mon Chancelier ici présent, sera mon Attendant.
Daryn acquiesça du menton et porta son regard sur Léon des Ospales. Ce dernier détourna la tête, pour ne plus voir le regard perçant de son épouse, et parla d'une voix tremblotante.
— Je suis le roi Léon des Ospales, et je...
Les yeux étaient tous braqués sur lui alors qu'il cherchait misérablement ses mots. Une grimace menaçante déchira le visage de Diane.
— Et je nomme mon épouse ici présente, la reine Diane des Ospales comme Parlante lors de cette Table des Sept. Je serai son Attendant.
Nul ne parut surpris, mais Jade ressentit néanmoins cette flamme de colère familière qui lui dévora le ventre. Elle savait que son père était esclave du despotisme de Diane, elle avait assisté à sa soumission persistante depuis sa plus tendre enfance. Pourtant, à chaque fois qu'il courbait l'échine, elle ne pouvait empêcher la rage de bouillir à l'intérieur d'elle, de plus en plus fort.
— Bonjour, intervint la voix joviale de Juliette, qui faisait comme toujours fi du protocole. Alors, je suis Juliette de Crystallide, même si je réside en Percée, et... Bon, comme S... La Magicienne, pardon, ne peut pas être Parlante, eh bien... Je serai donc Parlante lors de cette Table des Sept !
Un petit rire délicieux s'éclipsa de sa bouche.
— Et la Magicienne Sans Cœur sera mon Attendante.
Elle acheva son petit discours avec un sourire chaleureux qui illumina toute l'assemblée. Même la Magicienne Sans Cœur céda à cet enthousiasme contagieux, car ses lèvres sombres se courbèrent imperceptiblement sous sa capuche noire.
Le Dévoué Valmec, en revanche, semblait imperméable à la gaieté ambiante. Ses yeux violets brillaient de haine tandis qu'il se penchait pour chuchoter quelques mots à l'oreille d'Eléanor, les dents serrées. Celle-ci haussa les épaules faiblement, et Valmec fronça ses sourcils blancs. Son regard dur se posait alternativement sur la reine de Percée, et sur la Magicienne Sans Cœur. D'amusé, le rictus de cette dernière devint malveillant.
Une toux nerveuse secoua Amalric de Galvin, avant qu'il ne prenne la parole d'un ton un peu décousu, pour se nommer Parlant, et désigner la sorcière Kiryana comme son Attendante. L'annonce, bien qu'attendue, attira sur la sorcière le regard illisible, pensif, de la reine des Ospales.
D'une voix faible, et tête baissée, Eléanor de Percée annonça son statut de Parlante et nomma le Dévoué Valmec comme son Attendant. Ce dernier semblait à la fois satisfait de faire partie de l'assemblée, et pourtant, ses lèvres crispées indiquaient qu'il aurait voulu bien plus que ce qui lui était offert.
Puis, Christian prit la parole, fier et sûr.
— Je suis le roi Christian d'Indeya, souverain légitime du Royaume d'Indeya. Mon épouse ici présente, la reine Jade, sera Parlante lors de cette Table des Sept. Je serai son Attendant.
Un silence hébété s'installa dans la salle, comme une vapeur toxique. Certaines bouches s'étaient ouvertes de surprise, tandis que d'autres se tordaient dans des rictus d'incompréhension. Sans qu'elle ne sache trop pourquoi, Jade chercha le regard de Diane. Lorsqu'elle le trouva, le choc la gagna à son tour.
Le regard blanc n'était pas glacial, ni moqueur. Il brillait d'un éclat qu'elle n'avait jamais vu – ou peut-être l'avait-elle entraperçu un jour, il y a fort longtemps. Une lueur précieuse, lumineuse, inoubliable. Non, Diane des Ospales n'était pas énervée, ni agacée, contrairement à ce que Jade avait prédit. Cette fois-ci, ces yeux avaient la véritable couleur du diamant brut, et ce scintillement qui les habitait ne pouvait être vu pour autre chose que ce qu'il était.
Pour la première fois, Diane était fière de sa fille.
Jade sentit ses joues la brûler, et l'oxygène apparut soudain réticent à pénétrer dans ses poumons. Fort heureusement, la voix mesquine de Valmec brisa le silence.
— C'est impossible, ricana-t-il avec arrogance. La reine d'Indeya est beaucoup trop jeune, elle ne peut pas totalement saisir les enjeux diplomatiques et politiques d'un évènement aussi capital que la Table des Sept. Roi Christian, je suis navré de devoir vous le dire, mais vous devez reconsidérer votre décision.
— À mon tour de vous présenter mes excuses, Dévoué Valmec, rétorqua Christian, sa voix se faisant plus dure. Mais je ne vois pas en quoi cela vous concerne-t-il.
— Eh bien, je crois que cela nous concerne tous, roi Christian. Les échanges risquent d'être ralentis par la présence d'une jeune fille qui n'a pas les connaissances et la maturité nécessaires à un sommet diplomatique de cette ampleur. Je ne mets pas en cause les compétences de Sa Majesté la reine Jade, ajouta-t-il, adressant un regard faussement contrit à la concernée. Cependant, elle reste ce qu'elle est : une adolescente.
— Il arrive parfois qu'une adolescente se montre plus maligne et plus mature que tous les adultes qui l'entourent, répondit Marina d'Elesther d'un ton détaché.
— La maturité n'est pas toujours proportionnelle à l'âge, renchérit Kiryana de sa voix mécanique.
Son regard s'attarda sur Diane, et cette dernière eut un mouvement de recul presque invisible, comme si elle venait d'être frappée par la foudre. Jade dissimula un sourire derrière sa petite main, et elle fut touchée de voir ce même sourire se refléter sur le visage de son époux.
— Certes, je l'entends, argumenta Valmec. Néanmoins, un âge aussi jeune implique forcément une expérience et un savoir moindres, ce qui peut être un frein pour prendre des décisions aussi importantes que celles qui seront prises lors de cette Table.
La voix qui retentit en réponse ne fut pas celle que Jade attendait, mais les mots qu'elle portait furent aussi lourds que le ton était doux et chantant.
— Vous savez, Valmec, certaines expériences vécues par des adolescentes font d'elles des personnes aussi sages que des adultes qui n'ont pas encore vécu. Par exemple, un mariage forcé peut avoir cet effet-là. Enfin, j'ai bien conscience que c'est une chose qui ne doit pas beaucoup vous parler.
Le sourire éclatant qu'adressa Juliette à Valmec apparut aussi tranchant que la pire des insultes. Une moue hargneuse se peignit sur ses traits ridés, mais il demeura coi. Jade remarqua que le bras recouvert d'une large manche de velours avait glissé sur le marbre de la Table, et la main osseuse de la Magicienne Sans Cœur recouvrait désormais celle de Juliette.
Alors, Daryn conclut.
— Dévoué Valmec, commença-t-il, sévère. La décision de nommer un Parlant est un choix parfaitement discrétionnaire du souverain légitime. Vous n'avez aucun pouvoir là-dessus.
Valmec couva Daryn d'un regard assassin, avant de grommeler des mots inintelligibles. Si Eléanor les entendit, elle n'en fit rien. La mâchoire serrée, le Dévoué recula d'un pas et se tut.
— Parlants et Attendants, prenez la place qui vous revient, annonça Daryn. À présent, nous allons procéder à l'élection du Président.
Dans un concert de raclements de parquet et de grincements de bois, tous s'assirent à leur place attribuée. Les Parlants sur les hauts et larges Sièges, les Attendants sur les fauteuils au dossier plus discret.
— Candidats à la Présidence, appela Daryn d'une voix claironnante, par main levée, manifestez-vous.
Un court silence s'abattit à nouveau. Puis, une main blanche se leva.
La main de Diane des Ospales.
Jade frissonna malgré elle.
— Reine Diane des Ospales, vous êtes candidate à la Présidence de la Table des Sept. Qui d'autre ?
Silence. Jade posa son regard émeraude sur tous les participants un à un. Les yeux d'Amalric étaient dénués de toute conviction. Eléanor n'osa pas soutenir son regard. Garance la fixa longuement, comme pour l'encourager dans sa prise de décision, mais Jade secoua légèrement la tête en réponse.
Elle tourna la tête, et tomba sur le regard polaire de Kiryana. À sa plus grande surprise, celle-ci fit un petit geste du menton, aussi furtif qu'un fantôme, désignant l'autre bout de la Table. Curieuse, Jade suivit son mouvement, et... se plongea dans le regard d'or de Marina.
Bien sûr.
Elle se laissa engloutir par ce regard ardent. Les désirs et les promesses nageaient avec élégance dans ces yeux. Et Jade comprit. Fermement, elle dit "oui" de la tête. Et sous son regard émerveillé, Marina d'Elesther leva lentement une main fine.
Cette même main qui s'était enflammée la nuit précédente. Cette même main qui l'avait brûlée, puis soignée.
— Reine Marina d'Elesther, vous êtes candidate à la Présidence de la Table des Sept. Qui d'autre ?
Tandis que les regards fusaient en tout sens, Jade parvint à capturer les yeux ternes d'Eléanor. Elle la couva d'un regard appuyé, avant de laisser couler ce regard vers Marina. Eléanor baissa les yeux, fronçant les sourcils. Mais dans son hésitation figée, Jade sembla discerner un assentiment bien qu'hésitant.
— Candidat... s'interrompit-il subitement, avant de reprendre d'une voix plus forte. Candidates, qu'avez-vous à déclarer ?
Diane s'appuya contre son imposant dossier et fixa ses pairs d'un air suffisant.
— Je n'ai rien à déclarer. Le choix est évident.
Du coin de l'œil, Jade aperçut Juliette, dont le visage halé était coupé en deux par un large sourire. Elle écoutait avec passion la Magicienne Sans Cœur qui murmurait à son oreille, une main plaquée sur sa joue, comme pour empêcher toute fuite d'information. La reine d'Indeya s'interrogea intérieurement sur les ongles longs et peints en noir de cette dernière, qui ne faisaient qu'accentuer l'apparence lugubre de la femme.
— Tout comme ma... collègue, annonça à son tour Marina après un regard furtif vers sa rivale, je n'ai rien à déclarer. Le choix n'est jamais évident, sauf quand il est vôtre.
Diane posa les yeux sur la reine d'Elesther, et malgré leur pâleur, ils semblaient se consumer dans une fureur sans nom.
— Le vote va débuter, déclara Daryn, mettant fin aux échanges frénétiques de regards. Les pièces d'or porteront le vote en faveur de Diane des Ospales, celles de bronze le vote en faveur de Marina d'Elesther. Parlants, prenez vos pièces. Vous avez la Parole.
Chaque Parlant saisit les deux pièces entre ses mains, les dissimulant au regard d'autrui. Puis Perrault fit le tour de la Table d'un pas enjoué, dansant presque entre les Sièges. Les pièces tombèrent une à une dans la boîte dans un bruit assourdissant. Jade dut lutter pour ne pas regarder chaque Parlant lorsqu'il ou elle laissait tomber leur vote, implacable. Elle ne voulait pas voir le sourire de triomphe sur le visage d'albâtre de Diane.
En réaction au geste affirmatif de Daryn, Perrault ouvrit la boîte d'ébène et compta en silence. Jade détourna les yeux.
— Quatre contre trois, dit Perrault.
Daryn se pencha sur la boîte et inclina la tête.
— Trois pièces d'or et quatre pièces de bronze. La Parole est claire : la Présidente de la Table des Sept est Marina d'Elesther.
Jade ignora avec superbe la mine sombre de Diane et le regard hagard d'Eléanor. Son sourire éblouissant parvint même à faire de l'ombre à celui de Juliette.
Ils étaient quatorze.
Et la Présidente était une femme extraordinaire.

La Table des SeptOù les histoires vivent. Découvrez maintenant