La peur et l'incompréhension mènent à la haine. Sammaël subit depuis des années la méfiance des habitants de Graveyard. Lorsque un meurtre survient dans la petite bourgade, une vieille légende, murmurée aux enfants, refait surface.
La Bête des cont...
Grâce à Gorgi, je parvins à trouver la chambre d'Astrel derrière laquelle s'élevait un boucan monstrueux. La colère qui engluait l'atmosphère semblait si profonde que je restai figé devant le battant. Une magie millénaire glissa sur ma peau et je suffoquai lorsqu'elle vint enserrer ma gorge.
Les voix se mirent à murmurer à mon oreille alors que je m'appuyais contre le mur. Je ne comprenais rien de ces marmonnements. Les mots s'emmêlaient entre eux, formant une bouillie sans saveur. Mais une seule se distinguait parmi elle, une voix sombre, empreinte de ténèbres.
« Tu as répondu à notre appel ».
— Qui êtes-vous ? hurlai-je sans me soucier de la conséquence de ce cri.
La voix se mit à rire, mais ne dit rien d'autre, continuant de se moquer de moi et de la détresse qui broyait ma poitrine. Le décor se mit à tanguer et à se brouiller alors que je tournais sur moi-même, essayant de distinguer la voix qui me tourmentait.
La porte s'ouvrit dans un grincement sourd, soufflant les murmures. Astrel resta dans l'ombre du chambranle, je ne vis que ses prunelles vertes briller. Je clignai rapidement des paupières, dissipant le cauchemar qui m'avait maintenu éveillé.
— Tu ne dors pas encore ? demanda-t-il.
— Oh... euh... je t'ai entendu crié et je voulais m'assurer que tu allais bien.
Astrel ne dit rien, il semblait figé, complètement abasourdi. Le scintillement de ses prunelles se voila et il me sembla apercevoir une canine étrangement pointue alors qu'un rire lui échappait.
— Je vais bien. Tu peux retourner te coucher,
Sa voix me parut étrangement froide et je me sentis blessé par son indifférence. Comme lorsqu'un couteau entaillait la peau et laissait le sang s'échapper, le détachement d'Astrel enfonçait une aiguille dans mon coeur. Aiguille que je ne voulais pas retirer sous peine de saigner abondamment. J'avais beau connaitre cet homme depuis à peine une journée, je me sentais reconnaissant envers lui. J'avais besoin de lui prouver que son geste comptait beaucoup pour moi. J'avais espéré, à tort visiblement, qu'une amitié s'était créée entre nous.
— Sammaël ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
Je fermai les yeux et secouai la tête avant d'esquisser un sourire. Mon comportement était ridicule. Je ne connaissais pas encore suffisamment Astrel pour décréter que nous étions amis. Il était mon hôte, rien de plus pour l'instant.
— Pardon, je vais aller me coucher. Bonne nuit, Astrel, ajoutai-je après une seconde.
— Bonne... nuit.
Il referma la porte avant même que je réponde. Secoué, je retournai dans ma chambre, accompagné de Gorgi. Le petit monstre tira les rideaux avec difficulté et sortit sans histoire. Je me retrouvai seul dans le noir. N'ayant plus la force de penser et de cogiter, je m'allongeai dans le lit à baldaquin. Morphée ne tarda pas avant de m'emporter.
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Les ténèbres cédèrent place à la lumière. Les rayons modelèrent un décor nouveau. Une pièce ronde se dessina devant moi, les pierres qui la formaient devinrent plus rugueuses. Des voix s'élevèrent et vinrent murmurer à mon oreille.
Je me retournai brusquement, le coeur battant. Il n'y avait personne autour de moi. J'étais seul dans une pièce inconnue. De mystérieux symboles illuminèrent alors le centre de la chambre. Rougeâtres, ils tracèrent une étrange marque : un pentacle, la marque des maudits.
Les symboles brillèrent davantage, si bien que je dus fermer les paupières. Le pentacle émettait de la chaleur, une chaleur différente de celle que produisait une flamme. Elle s'introduisait sous la peau, brûlait le sang et figeait les tissus cellulaires. Je me sentis paralysé jusqu'à ce que la température se retire. Je rouvris les yeux et reculai brutalement.
Une clepsydre gigantesque était apparue au centre de la pièce. Le métal qui le tenait debout était finement ciselé. L'or et l'argent se mêlaient élégamment. À l'intérieur du verre, le sang gouttait. Il avait remplacé le sable d'origine. Le liquide biologique avait coulé de moitié dans la partie basse. Le temps s'écoulait.
« La fin approche ».
Une voix plus forte que les autres murmura derrière moi. Mon coeur se fendit et une vive douleur vint se loger dans ma tête.
Je me réveillai en sursaut, retenant un cri de frayeur. Mon coeur battait à tout rompre et la douleur de ma tête semblait imaginaire. Mes paupières clignaient rapidement, essayant de dissiper les ténèbres qui voilaient mes pupilles. Mes poumons paraissaient encombrés et, sachant que je n'étais pas enfermé dans ce manoir, je décidai de sortir.
L'atmosphère me parut étrangement froide et je sentis à nouveau cette magie millénaire flotter dans l'air. Elle s'insinuait sous ma peau et se diluait dans le sang, ravivant ces murmures qui me hantaient. Exaspéré, je les regroupai dans un coin de mon esprit et les ignorai ostensiblement. Elles se réduisirent à un faible bourdonnement.
Le froid piquait l'épiderme alors que j'approchais de l'escalier central. La voix d'Astrel s'éleva, glaciale comme le givre, accompagnée de celle d'un inconnu. Mon coeur s'arrêta de battre lorsque je reconnus les intonations de cette voix, celle qui murmurait plus fort que les autres dans mon esprit. Celle qui m'appelait à rejoindre les ténèbres.
Je restai tétanisé près du mur. Les mots qu'échangeaient Astrel et cet esprit ne me parvenaient pas. Une brume opaque m'avait englouti, si bien que l'extérieur me paraissait irréel. Sans que je ne m'en rende compte, je reculai de plusieurs pas, essayant de mettre de la distance entre la voix qui me hantait et moi.
Des questions dérangeantes prenaient place dans ma tête. Astrel entendait-il lui aussi des voix ? Pouvait-il communiquer avec elles sans perdre l'esprit ? Et pourquoi celle qui m'avait appelé auprès des ténèbres parlait-elle avec mon hôte ? Je portais presque mes mains à mes tempes pour faire cesser le bourdonnement de mes questions. La porte claqua derrière moi alors que je fermais violemment le loquet. Inutile face à Astrel qui n'ouvrait pas les portes manuellement.
Je restai figé au centre de la chambre, perdu par mes récentes découvertes. Astrel me cachait des choses et même si je restais un inconnu pour lui, il n'avait pas hésité à me sauver, à m'héberger et à me confier son passé.
Les questions continuaient de tourner dans mon esprit. Les voix se joignirent à mon tourment. Mon rêve, révélant cette clepsydre accompagnée de cette intonation plus forte que les autres murmures, vint me hanter. Tous ces éléments se mélangèrent jusqu'à ce qu'un mal de tête enserre mes tempes. Je m'assis sur le lit et repoussai ces pensées destructrices. Dès que l'astre du jour se serait levé, je trouverais les réponses à mes interrogations auprès d'Astrel.