Chapitre 16

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Sammaël

La brume blanche entourant Astrel devint noire avant de se dissiper. Elle emporta avec elle le rire de la créature. Gorgi nettoya précipitamment le désastre de son maitre et quitta la pièce, m'abandonnant au silence et à la merci de mon soi-disant hôte.

Mon corps tremblait d'appréhension, je redoutais ce qu'Astrel pouvait faire. S'il m'avait secouru, ce n'était pas parce qu'il haïssait l'injustice, mais uniquement pour me tuer et se repaitre de mon sang. Après tout, c'était un vampire. Mes artères s'étaient contractées, faisant courir une douleur insupportable dans mes membres. Ma bouche était étonnamment sèche, j'eus beau déglutir, rien n'y fit.

Les images du corps de Vanina continuaient de tourner dans mon esprit. Il ne m'en fallut pas plus pour comprendre que mon soi-disant sauveur était l'assassin de la jeune femme blonde. Un douloureux noeud se forma dans ma gorge, mes tremblements s'accentuèrent et je tentai de reculer. Il fallait que je parte d'ici, que je m'éloigne d'Astrel. Mais celui-ci ne l'entendait pas de cette oreille.

Levant la main, il referma la porte et la verrouilla. Ma peur se mua en panique et j'eus toutes les peines du monde à garder le contrôle de mon corps, particulièrement de ma vessie. Un sanglot mourut dans ma gorge alors qu'Astrel semblait s'avancer vers moi. Il s'arrêta cependant après avoir contourné la table, sûrement lorsqu'il remarqua que j'étais acculé contre le mur, tremblant de peur. Laissant échapper un soupire, Astrel fait par briser le pesant silence.

— Tu n'as pas à avoir peur, Sammaël.

— Vous êtes un vampire et un tueur ! Comment pourrais-je être tranquille en votre présence ?

Ma voix tremblait, se brisait presque alors que je soufflais la fin de ma question. Tandis que je déglutissais difficilement, Astrel secoua la tête.

— Je ne suis pas un monstre, affirma-t-il avec force.

— Ah oui ? Alors pourquoi avez-vous tué Vanina ?

Le vampire fronça si fort les sourcils que la cicatrice sur son oeil déforma son visage. Devant ce rictus, mon corps, surtout ma vessie, voulut m'abandonner. Mon hôte m'inspirait une peur innommable.

— Je n'ai tué personne.

— Vous mentez ! hurlai-je. Vous l'avez enlevée et vidée de son sang pour vous nourrir.

La colère se mêla à la peur, si bien que j'osai défier Astrel du regard. Une étrange sensation englué ma poitrine et des fourmis envahirent le bout de mes doigts. La carafe sur la table éclata et son contenu se déversa sur le bois avant de se répandre sur le sol. Astrel recula vivement, évitant les éclats de cristal. Ses bottes trempaient dans le sang.

— Sammaël, je te le redis, je ne suis pas un assassin, je n'ai pas tué cette Vanina. D'ailleurs, je ne bois plus de sang humain, et ce depuis des années.

Je voulais le croire, mais ma raison me poussa à refuser mes explications. Il me mentait. Depuis qu'il m'avait sauvé, il m'avait fait vivre dans une réalité truquée. Tout ça dans le but de me tuer et de boire mon sang. Mais alors, pourquoi avait-il attendu si longtemps ?

— Depuis le début, vous vous payez ma tête ! criai-je. Votre passé, vos raisons, votre morale ! Tout n'est qu'un tissu de mensonges !

Je semblais à bout de souffle alors que je crachais mon venin au visage d'Astrel. Le vampire n'en parut d'ailleurs pas peiné car il affichait un air parfaitement neutre. Je l'entendis néanmoins soupirer avant de s'asseoir, les chaussures dégoulinantes de sang. Il posa sur moi un regard désapprobateur et entrelaça ses doigts.

— Je ne t'ai pas menti sur tout. J'ai cependant jugé plus sage de ne pas te dire l'entière vérité, tu aurais immédiatement fui.

J'aurais dû refuser son hospitalité et m'enfuir dès que j'en avais encore l'occasion. Désormais, j'étais prisonnier de ce manoir et du vampire qui y régnait.

— Pourtant, tu n'as pas eu besoin de mon aide pour découvrir mon histoire, soupira-t-il en haussant les épaules.

— De quoi parlez-vous ? Je ne sais rien de vous !

Astrel éclata de rire, un rire cristallin qui me fit frissonner tant il était agréable à entendre. Le carnet de cuir noir que j'avais minutieusement caché sous mon oreiller se matérialisa à partir du sang qui coagulait sur la table. Le vampire s'en saisit et un sourire sincère figea ses lèvres.

— Quelle triste époque, murmura-t-il en effleurant les fragiles pages. L'as-tu entièrement lu ? demanda-t-il ensuite à mon intention.

— Je n'en ai pas eu le temps, marmonnai-je.

— Dommage, tu aurais compris que je ne t'avais pas menti, mais juste omis des détails.

La vérité s'imposa d'elle-même. Comment avais-je pu passer à côté de ça ? Astrel avait écrit son récrit, relatant dans ce carnet la triste vie qu'il avait endurée. Ses dettes, comme me l'avait dit le monstre du sous-sol, étaient celles qu'avaient contractées ses parents auprès du devin. Devin qui n'en était d'ailleurs pas. Il avait contraint Astrel à la malédiction de l'immortalité. Maudit et condamné à se repaitre de sang, voilà à quoi avait été réduit Astrel.

Obligé à purger des dettes qui n'étaient pas les siennes, mais celle de ses parents. Sans réellement savoir comment, je compris que l'esprit du sous-sol était ce fameux devin qui, en mordant Astrel l'avait condamné au supplice de l'éternité. Voilà pourquoi il avait l'air de connaitre si bien mon hôte. Il continuait probablement à hanter le manoir, rappelant sans cesse ses dettes à Astrel.

— Pourquoi m'avoir sauvé si vous comptiez me tuer pour avoir mon sang ?

Astrel soupira d'agacement avant de me fusiller du regard. Le vampire semblait peu enclin à me donner des informations. Pourtant, malgré ma peur, je ne rompis pas le contact visuel, espérant lui soutirer la vérité.

— Pour échapper à mes dettes et briser ma malédiction, je devais me procurer une âme pure et je pensais l'avoir trouvée en ta personne.

Astrel parut étrangement désespéré, il détourna rapidement le regard. Le collet que formait la peur autour de ma gorge relâcha sa prise et l'air s'engouffra à nouveau correctement dans mes poumons. Si mon hôte avait voulu me tuer, je serais déjà mort. Il n'aurait pas pris la peine de me sauver, ni même de me soigner avec sa magie.

— Je ne comptais pas te mordre pour briser ma malédiction, mais je ne pouvais pas te laisser aux mains de tes agresseurs.

Je déglutis difficilement, n'osant pas parler du sablier de sang que j'avais vu dans le sous-sol. Les éléments que m'avait apporté Astrel faisaient surgir de nouvelles interrogations. Si le vampire ne m'avait pas menti et n'avait donc pas tué Vanina, qui était responsable de sa mort ?

— Le temps m'est compté, le sablier est bientôt vide. Tu devrais partir avant que je ne devienne incontrôlable. La porte du manoir est ouverte, tu devrais partir dès à présent.

Astrel se détourna définitivement de moi, les yeux vidés de toute émotion. Ma gorge se serra, non pas de peur, mais d'appréhension. Je n'avais plus rien, pas d'endroit où aller me réfugier. Un regain d'énergie me traversa tandis que mon regard se posait sur mon hôte. Il m'avait laissé la vie sauve et malgré l'amertume de sa trahison, je me sentais redevable envers lui. Après tout, il était tout ce qui me restait.

— Il doit bien y avoir un moyen de briser ta malédiction sans avoir recours à mon sang !

— Pars d'ici, Sammaël.

— Astrel, nous...

— Sors d'ici !

Son hurlement me figea et la peur éclata dans mes artères. Astrel leva la main et une vague de magie me heurta de plein fouet. L'esprit écrasé par cette puissance, je heurtai le mur du couloir. La douleur eut vite fait de se répandre dans mon corps et d'imploser dans mon crâne. Alors que je retombais sur le sol, un liquide poisseux coula le long de ma nuque. Sans demander mon reste et perclus de douleur, je quittai le manoir.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 18, 2021 ⏰

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