Vol de Nuit

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Sans un bruit, ils empruntèrent un étroit escalier tortueux que dissimulait une porte semblable à toutes les autres. Elle était fermée à clé, mais le caporal la crocheta sans difficultés. Sur le toit du bâtiment, Livaï fit plusieurs fois le tour, observant les allées et venues des soldats en service qui s'affairaient dans la cour.

« On va passer par là, lança-t'il en indiquant une direction totalement opposée à l'Oeillet. Je t'emmène assez loin pour n'éveiller aucun soupçons. Après, tu te débrouilles. Tu connais le déplacement en tridimensionnel, donc tu vas pas chouiner j'espère. Et t'as pas intérêt à te chier dessus »

Otsu le dévisagea estomaqué, avant de laisser échapper un bref rire qui ne suscita pas même un haussement de sourcils chez le brun.

« Allons-y Caporal, ne perdons pas de temps. Comment procédons-nous, je m'accroche à vous, ou c'est vous qui vous accrochez à moi ? »

La jeune femme s'écouta parler, elle entendit distinctement les mots sortir de sa bouche, mais refusait d'admettre que c'était bien elle qui les avait prononcé. Comment pouvait-elle se montrer si affirmée, si provocante, avec l'espoir de l'humanité lui même ? C'était un coup d'Otsu, de la serveuse de l'Oeillet, de l'apprentie prostituée, Evonne n'avait rien à voir là dedans, assurément. Comme cette personnalité inconnue pouvait lui faire peur parfois.

Mais pas plus que l'homme qui lui faisait face, droit et stoïque, dans un silence pesant. Ses yeux d'acier fixaient les siens, apeurés. Il s'avança vers elle à pas mesurés, et Otsu, incapable de faire un geste, ne put que le voir se rapprocher, si près, si près. Beaucoup trop près. Il y eut un mouvement que ses yeux eurent à peine le temps de capter, et le poing du caporal chef se referma sur son col. Il la poussa de plusieurs pas en arrière, jusqu'à la tenir au dessus du vide. Otsu referma ses mains sur l'avant-bras de Livai et serra, aussi fort qu'elle le put. C'était tout ce qui l'empêchait de tomber. Ca, et le bon vouloir de cette brute épaisse.

« Surveille tes manières, catin. Parles moi encore une fois comme ça, et ta jolie petite gueule ira repeindre les pavés, en face de ton bouge à la con. T'as compris ou t'es vraiment débile ?

- J'ai... J'ai compris... »

Livaï la tira d'un coup sec, et Otsu s'affala par terre, pour la deuxième fois de la soirée. Des spasmes secouaient son corps, et des larmes de honte s'accumulaient derrière ses yeux. La jeune femme crispa ses ongles dans ses paumes. La douleur l'apaisa. Elle prit plusieurs profondes inspirations, avant de se relever, hagarde, mais sa voix ne manqua pas d'assurance lorsqu'elle fit face au caporal chef.

« Je vous présente mes excuses. Otsu n'est pas mon vrai nom, c'est un personnage créé pour l'Oeillet, c'est la seule identité que je possède dans ce... Bouge. On ne s'en défait pas si facilement. Veuillez me pardonner pour mon attitude. »

Livaï resta silencieux. Ses traits n'exprimaient rien de plus que lassitude et dédain. Il se contenta de cacher son visage sous sa capuche et de s'approcher du bord du toit.

« Accroche-toi à mes sangles, et serre fort. Si tu lâches, j'irai pas te ramasser. »

Otsu acquiesça et saisit les lanières de cuir de l'équipement. La proximité physique avec le caporal aurait pu la troubler, voir même lui plaire dans un tout autre contexte, mais sur l'instant elle n'y pensa pas une seule seconde. Le brun était bien trop détestable et effrayant pour que la jeune femme ressente autre chose qu'une profonde gêne.

Quand elle se fut bien cramponnée à son harnais, Livaï sortit les poignées de leurs étuis, bascula légèrement en arrière, banda ses muscles, et déclencha les câbles qui jaillirent dans la nuit. Aussitôt, leurs deux corps décollèrent, et Otsu retrouva les sensations si agréables qu'elle avait connu pendant trois ans. Son corps, pourtant lourd, jouait avec la gravité.

Le vent fouettait son visage, balayait ses cheveux, lui piquait les yeux. Et les gencives. Elle avait la bouche grande ouverte, dans un enthousiasme muet. La jeune femme entendait à intervalles réguliers les câbles obéir aux ordres du caporal chef, ils se défaisaient, s'accrochaient à de nouvelles parois, et leurs deux corps volaient à l'unisson.

L'ancienne apprentie militaire savait encore parfaitement comment s'adapter au vol, même si la manœuvre à deux était particulièrement complexe. Le caporal ne semblait pas éprouver de difficultés à manier son équipement, même avec une serveuse délurée accrochée à ses sangles. Très vite, un toit leur servit à rebondir. Otsu le vit s'approcher dangereusement, et des cris paniqués fusèrent dans sa tête, mais son corps savait ce qu'il avait à faire, et ses pieds heurtèrent les tuiles sans dégâts, ils coururent au même rythme que ceux du brun, et décollèrent en même temps, dans une danse que la jeune femme n'avait jamais oublié. Il y eut un autre toit, et cette fois ci Livaï la lâcha. Surprise, Otsu s'enroula sur elle même, dans une roulage qui l'empêcha de s'écraser violemment sur le toit.

« Voilà. L'Oeillet est par là. »

Otsu se retourna vers lui pour le remercier, mais le caporal s'en retournait déjà vers son nid.

Bonjour !

C'est un chapitre vraiment très court que je poste là, en coup de vent.

J'avoue ne pas beaucoup l'aimer celui là. Probablement parce que dans la plupart des fics à OC, les personnages "grande gueule" m'insupportent complètement. Une grande gueule, ça veut pas dire un fort caractère. C'est juste chiant.

J'ai voulu réécrire plusieurs fois ce passage, mais vous savez ce que c'est : des fois, les personnages décident eux même de ce qui se passe, et j'avais beau essayer de reprendre ce chapitre, il n'y avait rien à faire.

Ici, Otsu se laisse un peu emporter, et Livaï n'apprécie pas, ce qui n'étonnera personne.

Quant à notre serveuse, si Evonne est respectueuse et plus effacée, le masque d'Otsu la désinhibe totalement. C'est sûrement pour ça, je suppose, qu'elle se laisse aller.

On peut dire que c'est de la déformation professionnelle.

Bienvenue à l'OeilletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant