Jamais seule

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Evonne, comment tu te sens ? Pas très bien. Je suis très fatiguée, je crois. Oui, tu as une sale tête. Oh ça va Otsu, toi aussi tu ne serais pas très fraîche si tu étais au bord de la mort. Ca va Evonne, calme toi, je pense que c'est bientôt fini. C'est vrai ? Tu t'es bien battue, tu m'as beaucoup surprise tu sais, je ne m'y attendais pas. Tu sais quoi ? Moi non plus.

Sourire.

Sourire.

Alors, ça y'est, on est prêtes à mourir ? Oui, il semblerait bien. Pas de regrets ? A part mourir ? Si, plein. Tiens donc, la petite Evonne n'est pas satisfaite de sa vie ? Parce que tu l'es, toi ?L'Œillet va te manquer ? Oui, un peu. Les filles, certains clients. Et toi, qu'est ce qui pourrait t'empêcher de partir ?

Silence.

L'Œillet, peut-être. Les filles, oui. Mais pas seulement, hein Evonne ? De quoi tu parles ? Allons, comme si tu étais capable de me cacher quoi que ce soit, ou de me mentir d'une façon ou d'une autre. C'est vrai, de nous deux, c'est toi qui ment, c'est toi qui a des secrets. Pas tout à fait Evonne, pas tout à fait. Ce sont tes secrets à toi que je garde. Ce sont tes regrets que je ressens jusqu'au plus profond de l'âme. On va mourir, on peut peut-être mettre carte sur table non, petite Evonne ? Tu me fais quoi là ? C'est le moment où je dois observer toutes mes actions passées, les bonnes et les mauvaises, pour savoir quel sera mon sort dans l'au delà ? Perpétuellement dévorée par des titans si j'ai été une vilaine fille, ou au contraire, si j'ai été bien sage, à l'abri de solides murs, en compagnie des trois déesses ? Peut-être oui... Ou peut-être que c'est le moment où tu te regardes en face. Je me regarde déjà en face, Otsu. Je suis littéralement en train de me regarder les yeux dans les yeux. Tu vois très bien ce que je veux dire. Oui oui, c'est bon. Et à quoi ça va me servir ? C'est pour que tu prenne une décision. La quelle ? Continuer à te battre... Ou lâcher prise. Mais je croyais que c'était déjà réglé ça, je croyais que c'était fini. Ca sera fini si c'est ce que tu choisis, Evonne. Tu as refusé de mourir à Shiganshina. Tu as refusé de mourir pour l'armée. Tu as refusé de mourir dans cette ruelle. Tu as refusé de mourir dans la fosse. Et maintenant ? Je ne sais pas Otsu. Tu en penses quoi, toi ? Je ne sais pas non plus. Tu crois que ton père savait, lui ?

Ricanement.

Non, je crois pas. Je crois que jusqu'à la fin, il n'a pas comprit ce qu'il lui arrivait. C'était la première fois que je me rebellais, ça à dû lui faire tout drôle. Tu regrettes ? Non. Ca ne sert à rien. C'était lui ou moi. C'est vrai. Pour ce jour là, tu n'as aucun regret. Ce n'est pas ça qui te ronge. Arrête Otsu. Je me souviens des grenouilles. C'était si amusant de les observer, de nager après elles. Et comme tu pleurais, à l'idée de les ramener à ton père. Et comme tu pleurais, après, quand il découvrait que ta besace était vide. En fait, tu pleurais si souvent.

Silence.

On était si pauvre... Je sais. Faut dire qu'il travaillait pas. Oh si, ça lui arrivait, souviens toi. Pour ce que ça servait, il les gardait jamais longtemps, ses boulots, et il avait mieux à acheter que de la nourriture ou des vêtements. C'est pour ça que tu regrettes. Regretter quoi exactement ? D'avoir attendu si longtemps. Que veux tu, j'avais besoin de plus grand et plus fort que moi. On peut dire que tu as été servie. Et l'armée alors, aucun remords ? Comme quoi, ne pas être partie avec les autres « volontaires » pour reconquérir les territoires perdus ? Si c'était pas l'armée, c'était là bas que j'allais finir, alors non. Comment il s'appelait, ce garçon avec qui tu as fricoté là bas, ton « premier » ? Je ne sais plus Otsu. Et ça n'a pas d'importance. Il a rejoint le bataillon. Doit être mort à l'heure qu'il est. Tu te souviens du nom de tes amis, là bas ?

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