Chapitre 29 : Dans les vapeurs de lavande

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Le groupe constitué de nos sauveurs a déferlé dans la maison avec des exclamations victorieuses. Leurs vêtements dégoulinants et leurs chaussures boueuses ont tracé une allée de flaques troubles sur le sol du salon. Quand ma mère leur a enfin confié les parchemins, ils voulaient célébraient ça, mais elle les a fichu à la porte en rétorquant qu'on avait besoin de repos. Après de chaleureuses félicitations et de grandes tapes dans l'épaule, ils se sont enfin remis en route pour mettre notre héritage en lieu sûr et conduire nos prisonniers en cellule.

Une fois l'adrénaline envolée, Driss et moi n'avions même plus la force d'apprécier les louanges et les applaudissements. Dès notre arrivée, on s'est traîné difficilement jusqu'au poêle pour y trouver un peu de chaleur. Assi tout recroquevillés sur le bord de nos chaises, on grelotte de manière incontrôlable, gelés jusqu'au os. Mes mâchoires sont tellement crispées qu'il m'est difficile d'articuler le moindre mot. Mes pensées sont confuses et mes yeux se ferment tout seuls.

— Allez, hop ! nous secoue ma mère. Enlevez-moi vite ces vêtements trempés avant d'attraper la mort. Marte, vas nous cherche deux grandes serviettes dans la salle de bain. Pendant ce temps, je vous fais chauffer de l'eau pour le bain.

Ma petite sœur court en direction de l'étage. On entend ses pas lourds résonner dans l'escalier.

Je me redresse en grimaçant et entreprend de me déshabiller. La tâche est délicate avec mes doigts glacés et mes articulations raides. Driss m'imite et petit à petit, nous constituons un tas spongieux de linge détrempé au milieu du salon. Des flaques se forment à nos pieds tout blêmes et fripés. Nous nous approchons du poêle, uniquement vêtus de nos sous-vêtements et nous frictionnons énergiquement les bras.

Marte surgit à nouveau dans la pièce, les bras chargés de serviettes molletonnées. Nous la remercions d'un signe de tête, ne pouvant pas nous arrêter de claquer des dents.

Driss s'enroule prestement dans l'une d'elle et commence à s'essuyer vigoureusement tout en sautillant sur place. J'ai l'impression que ses lèvres sont un peu moins bleues que tout à l'heure.

Ma petite sœur, elle, ne me laisse pas le temps de faire un geste qu'elle m'enroule elle-même dans la serviette et me frictionne avec beaucoup d'entrain. Je n'ai pas la force de protester. Ma main attrape un plus petit linge pour essorer un peu mes cheveux qui dégoulinent dans mon dos.

Je sens peu à peu mon corps se réchauffer, mes muscles se détendre et mon esprit s'éclaircir. Seul reste une grande lassitude.

— Ouille, attention ! je m'écrie alors que Marte me frotte avec un peu trop d'énergie.

— Maman m'a dit que c'était pour bien faire circuler le sang, se défend-elle.

J'ébouriffe ses cheveux.

— Et tu as fait tu bon travail. Regarde, je suis tout rouge !

On échange un regard avec Driss avant de s'esclaffer. Ses joues commencent à reprendre une teinte rosée. Je ne vois plus ce voile devant son regard.

— Vous m'avez fait peur, déclare Marte qui n'a pas le cœur à rire. Vous étiez tout blanc et vos bouches aussi bleues que des myrtilles. On aurait dit des fantômes !

J'ai pour elle un sourire attendri. Driss se penche à son niveau.

— Il ne pouvait rien nous arriver, lui souffle-t-il sur le ton de la confidence. La sirène veillait sur nous.

Sa bouche s'ouvre en un petit « o » alors qu'elle hoche la tête.

— Le bain est prêt, nous crie ma mère depuis l'étage. Dépêchez-vous tant que l'eau est chaude.

Des écailles de sirène dans la poche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant