Mon corps est délicieusement lourd, enfoncé dans l'écrin moelleux du matelas. Dans l'étreinte chaleureuse de la couette, je m'attarde encore un peu dans les brumes du sommeil.
Une chatouille presque imperceptible remonte le long de l'os de ma mâchoire. Je geins. Ma tête s'agite sur l'oreiller. Puis, mon esprit cotonneux perçoit une sensation plus franche sur ma joue. C'est doux et chaud. Comme la mie réconfortante d'un pain tout juste sortie du four. La nature de la caresse se précise. La paume d'une grande main tendre. Je me blottis tout contre. Des doigts adorateurs suivent l'arête de mon nez, cajole ma pommette et redessine la forme de ma mâchoire jusqu'à mon menton. La pulpe du pouce frôle mes lèvres.
J'entrouvre les yeux. Deux lueurs hypnotiques me couvrent et m'appellent dans la brume.
Deux yeux verts.
Un sourire serein se répand sur mon visage alors que je m'enfonce un peu plus dans le brouillard voluptueux.
Un bruit abominable me fait grimacer. Il semble d'abord venir de loin, mais se rapproche. Et plus il est proche, plus j'ai l'impression que des mains puissantes tentent de m'arracher à ma bulle de coton.
Un tintement plus fort que les autres me fait ouvrir les yeux. Ces derniers se posent sur le plafond de ma chambre. Le brouillard a disparu. Le regard de jade aussi. Un rêve. J'étais en train de rêver. Je souffle. Qu'elle est ce bruit démoniaque qui ose me tirer de mon sommeil ?
Je grogne et me tourne vers le coupable : Driss armé d'une casserole et d'une cuillère en bois.
— C'est une blague, j'espère ? je grommèle.
Il a une moue innocente.
— Tu m'as demandé de te réveiller pour mon entraînement. Et le soleil est déjà levé depuis un moment.
Je lui lance un regard assassin.
— Je pensai que tu allais frapper à la porte...
Ses lèvres s'étirent en un sourire malicieux.
— C'est comme ça qu'ils réveillent les nouvelles recrues.
Driss s'approche et attrape un des pans de la couette. J'ouvre de grands yeux effarés en comprenant ce qu'il s'apprête à faire. Mes mains agrippent fermement le tissu et je remonte mes draps jusqu'au cou. Il rit.
— Je t'attends en bas dans cinq minutes !
— Sors d'ici !
Driss fait une révérence et quitte ma chambre en battant un rythme militaire sur la casserole. Un air espiègle est collé sur son visage. Quel clown !
J'envisage un instant de succomber à nouveau aux bras de Morphée avant de me rappeler ma promesse. C'est moi qui lui aie demandé de l'accompagner. Qu'est-ce qui m'a pris d'ailleurs ?
Je bougonne alors que je m'extirpe du lit. La fraîcheur de la pièce frôle mes jambes nues. Je farfouille à la recherche d'une tenue confortable. J'écarte de mon esprit les réminiscences de mon rêve qui commence déjà à s'évaporer dans les limbes de mon esprit.
En descendant, je tombe sur ma mère dans le salon, plongée dans un livre. Quand elle m'aperçoit, elle me félicite de mon initiative. Je lui réponds avec un rictus gêné. Je crois qu'elle se fourvoie sur mes motivations.
— Je vais mourir...
Je m'écroule au sol, les bras en croix. S'il pense qu'après m'avoir torturé avec son footing, je vais accepter de faire du gainage, il se met le doigt dans l'œil !
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Des écailles de sirène dans la poche [BxB]
RomanceLes écailles sont bientôt prêtes pour la cueillette : cette plante aux vertus légendaires qui fait la fierté des habitants de l'île et attise des convoitises bien au-delà de leurs côtes. Cet été, la récolte sera particulière pour Camille. Sa mère a...