Epilogue

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Penché au-dessus de ma rangée de fioles, j'examine avec attention l'aspect de chacune de mes préparations. Je prélève à la pipette un peu de la décoction que j'ai préparé ce matin selon les dernières instructions de la Matriarche. Je dépose au compte-goutte une quantité prédéterminée de produit dans chacune de mes solutions et note ensuite consciencieusement mes faits et gestes dans mon carnet où je répertorie l'avancée de mes travaux.

J'ai déjà bien avancé pour aujourd'hui, mais peut-être que je peux anticiper quelques préparatifs pour demain.

Je dépose mon matériel souillé dans l'évier et attrape une brosse pour récurer les ustensiles et les contenants. Alors que mes mains sont affairées à frotter et faire mousser, mon regard se perd de l'autre côté de la fenêtre. De l'étage, j'ai une vue imprenable sur la mer. A l'horizon, sur un ciel orangé aux doux nuages roses, le soleil, énorme disque de feu, est en train de se coucher. Tandis qu'il s'apprête à disparaître sous les flots ondulants, l'astre diurne laisse face à lui une traînée incandescente et donne à l'eau l'éclat chaleureux du bronze.

Quelqu'un frappe à la porte de mon bureau et me tire de ma contemplation.

— Entrez !

J'abandonne ma vaisselle pour me saisir du torchon. Je me retourne et alors que je me sèche les mains, la Matriarche entre dans la pièce.

— Alors, Camille ? Qu'est-ce que ça a donné aujourd'hui ?

Je hausse simplement les épaules et l'invite d'un signe de tête d'en juger par elle-même. Elle parcourt rapidement mes notes, puis examine une à une les mélanges. Ses doigts noueux se saisissent d'une fiole qu'elle place à la lumière du jour pour mieux l'observer.

— Bien, approuve-t-elle. C'est très bien.

Je soupire, moins enthousiaste.

— Au moins cette fois on a un semblant de résultat, je reconnais. Mais ce n'est pas encore suffisant...

— Patience ! Les plantes ne nous révèlent pas aussi facilement tous leurs secrets.

Elle attrape mes mains dans les siennes, lisses et froides. Un sourire chaleureux réchauffe son visage ridé et tanné par le soleil.

— Tu fais du très bon travail, Camille !

Elle me tapote affectueusement la joue.

— Tu sais, je suis de plus en plus fatiguée et il est temps pour moi de penser à la retraite...

Je lève les yeux au ciel, un rictus au coin des lèvres.

— Ne recommencez pas avec ça, je plaisante.

Je sens mes joues se colorer.

— Je suis très sérieuse ! Je pense que tu serais très compétant.

— Je ne suis pas le seul de vos élèves à être doué. Regardez, Gwenaëlle par exemple !

— Elle est de mon avis, rétorque la vielle femme avec malice.

Je soupire.

— Tout le monde est très reconnaissant pour ce que tu fais pour cette île, ajoute-t-elle.

— Oh nan ! Vous n'allez pas me ressortir cette histoire de parchemins. Ça n'avait rien d'héroïque. C'était juste un concours de circonstances... Je ne comprenais même pas ce que je faisais.

— Je n'en suis pas si sûre. Mais je ne parlais pas de ça ! Depuis, tu as beaucoup apporté à notre communauté grâce à tes talents en herboristerie. D'ailleurs, c'est ce que tu es encore en train de faire.

Des écailles de sirène dans la poche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant