Chapitre 2 : Sur le chemin de la cueillette

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L'ombre offerte par la forêt est vraiment appréciable. On n'est qu'au milieu de la matinée, mais le soleil tape déjà fort. La brise marine qui chatouille la cote, ne parvint pas à s'introduire jusque dans les terres.

Je remonte d'un pas décidé le petit sentier qui serpente entre les hauts chênes. Ma main droite, grande ouverte, se laisse frôler par les herbes hautes du bas-côté. La gauche balance au même rythme que mes pas mon panier en osier vide. J'en profite, sachant qu'il serait plus lourd au retour.

Je sue déjà sous mon chapeau. Je sens que je vais passer l'après-midi à me baigner dans le ruisseau s'il fait aussi chaud.

Je m'arrête à un carrefour et me retourne pour lancer un regard noir aux deux retardataires.

Ma sœur ne me voit pas : elle marche à reculons alors que ses nattes sautillent dans son dos. Elle raconte avec enthousiasme, je-ne-sais-quoi à Driss qui ne peut pas en placer une depuis tout à l'heure. Il porte leurs deux paniers. C'est que Marte est maligne.

— Marche comme il faut, je crie à ma sœur. Tu vas tomber.

Elle pivote vers moi et, agacée, gonfle très fort ses joues. Ça lui donne un visage tout bouffi. Si elle croit m'impressionner avec ça.

— Tu verras, dit-elle à son voisin, assez haut pour que je puisse l'entendre. Il est toujours aussi grognon...

Mais quelle peste ! Un rire sincère échappe naturellement à Driss. Mes mâchoires se serrent.

Je croise les bras et me mets à taper du pied, impatient.

— Je préfère être rentré avant qu'il fasse trop chaud, je me défends. C'est tout !

— Oh ça va, bougonne-t-elle. Je n'ai pas d'aussi grandes jambes que toi ! Et puis tu pourrais discuter avec nous au lieu de faire la tête...

Je la foudroie du regard. Voilà qu'en plus, elle veut me faire passer pour un malpoli. Elle s'en sort très bien toute seule pour faire la conversation. Moi, je n'ai rien à lui dire à ce mec. Il est chiant comme la pluie.

En tirant mes rideaux ce matin, je l'ai aperçu en train de faire des étirements dans le jardin. Je suis resté un petit moment, les cheveux en bataille et le teint enfariné, à l'observer perplexe enchaîner des exercices. Ça a fini par me décrocher un bâillement infini et l'envie de retourner sous la couette. Sérieusement, qui s'agite ainsi dès l'aurore ?

Puis, au petit-déjeuner, il a essayé d'engager la conversation. Dommage pour lui : je ne suis pas du matin et ce qu'il racontait était d'une banalité... Il a commenté la vaisselle, le paysage, le temps... C'est un grand-père ou quoi ? Même Claude lui a feulé dessus. Il a failli lui écraser la queue en débarrassant son bol. S'il levait un peu les yeux de ses chaussures aussi... Il a toujours cet air un peu gauche et simplet qui m'énerve. On aurait envie de le secouer.

— Et du coup, pourquoi on appelle ça des écailles de sirène ? demande Driss pour couper nos chamailleries.

Son sourire tremblote.

— Parce que ça ressemble à des écailles de sirène, répond tout simplement Marte, désinvolte. Mais Camille va te montrer. Il sait tout sur les écailles de sirène. C'est maman qui lui a tout appris.

Je soupire. Il faut que je donne un cours maintenant.

— Bah grouillez-vous, je rouspète alors qu'ils arrivent à ma hauteur. C'est juste à côté. Je vais te montrer...

Apprendre quelques trucs à ce type de la ville pourrait se révéler divertissant. Au moins, cela passera un peu le temps. Marte sait que je ne rate pas une occasion pour parler des écailles.

Des écailles de sirène dans la poche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant