Les grands draps blancs ondulent dans le vent. Ils dégagent une agréable odeur de lessive florale. Le coton sèche sagement, baigné dans les rayons matinaux du soleil. Dans les arbres, les oiseaux gazouillent et se répondent. Un couple d'abeilles butine les plans de lavandes au pied du châtaigner.
Je me penche dans la panière pour attraper le reste du linge à étendre. Marte est là pour m'aider. Enfin, pour le moment, elle ne fait que tournoyer entre les tissus propres. Elle virevolte entre deux torchons, offre son visage à la caresse d'un drap immaculé, exécute une pirouette devant un t-shirt et ressort victorieuse de derrière la nappe. Elle me tire une révérence, comme une comédienne après sa représentation.
— Si maman te voyait, je me lamente. Tu vas tacher le linge. Tu pourrais m'aider un peu au moins.
— T'es pas drôle ! bougonne-t-elle. J'ai dit que j'allais t'aider. C'est pas ma faute si t'as déjà tout fait.
Petite futée !
— J'ai envie de danser ! se justifie-t-elle en se remettant à tournoyer.
Je me pince l'arête du nez. Elle est surexcitée ce matin.
— Qu'est-ce qui te rends de si bonne humeur ? je lui demande alors que j'accroche une chemise.
Elle s'arrête. Ses grands yeux pétillent.
— Je vais pouvoir vous accompagner au village demain soir !
— Ah vraiment ? je m'interroge, sceptique. Maman t'a dit ça ?
— Elle a dit "peut-être", précise-t-elle.
— Ça, ça veut dire non, je réplique avec un petit sourire.
— N'importe quoi !
Marte se laisse tomber sur le rocher à côté de moi. Elle a sa moue boudeuse de quand elle est contrariée.
— Et pourquoi tu voudrais venir avec nous ? je rétorque. On sera entre grands.
— J'ai promis à Driss que je lui paierai une crêpe.
Je ne peux m'empêcher de lâcher un gloussement.
— C'était pas à Gwenaëlle que tu voulais en offrir une la dernière fois ?
— Et alors ? J'ai pas le droit ?
Elle m'en bouche un coin.
— Oh bah tu fais bien comme tu veux.
— Driss, il est vraiment gentil. Il est intelligent et en plus, il a des beaux yeux. Mais bon si c'est toi qui voulais lui en payer une, je te laisserai.
J'éclate de rire.
— Bah quoi c'est vrai. Il est génial. Moi à ta place, je serai plus gentil avec lui.
— C'est pas comme ça que ça marche... On ne choisit pas ses affinités.
— C'est nul ! En tout cas, je le préfère à Amaël...
Mon ventre se noue. Elle balance ses petites jambes dans le vide.
— Mais occupe-toi de tes fesses ! je m'offusque.
— En attendant c'est moi qui offrirais une crêpe à Driss, rétorqua ma sœur avec un air victorieux.
— Ah oui ? Et pourquoi il s'intéresserait à un gnome comme toi ?
Elle pince ses lèvres de colère.
— M'appelles-pas comme ça ! crache-t-elle.
— Gnome ! je la cherche, mesquin.
VOUS LISEZ
Des écailles de sirène dans la poche [BxB]
RomantiekLes écailles sont bientôt prêtes pour la cueillette : cette plante aux vertus légendaires qui fait la fierté des habitants de l'île et attise des convoitises bien au-delà de leurs côtes. Cet été, la récolte sera particulière pour Camille. Sa mère a...