La plage est déserte, seulement éclairée par la lumière blafarde de la lune. Tout est calme. On entend juste le bruit des vaguelettes qui viennent mourir sur le sable frais. La nuit, glaciale, nous colle à la peau. J'ai la chair de poule.
— Il a pas l'air de beaucoup m'aimer ton pote, remarque Amaël en tournant sa tête vers moi.
— C'est pas mon "pote", j'insiste. C'est juste un gars que ma mère a employé pour la saison, d'accord ? J'essaie d'être sympa, c'est tout.
— Il devait être jaloux... T'as pas arrêté de me coller toute la soirée.
Il plante son regard charbonneux dans le mien. Je me liquéfie.
— Quoi ? je bafouille. Il avait Gwenaëlle. On l'a pas laissé tout seul non plus.
Je détourne les yeux. On n'était pas censé chercher du bois nous ?
— Donc, tu ne nies pas que tu m'as collé toute la soirée ? réitère-t-il avec malice.
— J'ai compris ! La prochaine fois, je te laisserais de l'air, je grommèle. Puisque je suis trop pot de colle.
— J'ai pas dit ça...
Une bouffée ardente me remonte jusqu'aux joues.
— C'est juste que ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu. Tu m'as manqué.
On s'arrête.
Derrière nous, la mer commence à s'agiter. Les vagues s'amplifient et déposent une écume mousseuse à nos pieds. Nos chaussures sont trempées. On s'en fiche. On se bouffe du regard. Mes yeux sont suppliants. Je le sais. Les siens ? Je ne suis pas sûr : il fait trop sombre. Mais c'est assez intense pour me retourner le bide.
Je suis en apnée. Je crois bien que j'ai arrêté de respirer. D'ailleurs, ce n'est pas la seule chose qui s'est arrêtée. Le temps aussi s'est figé. Le monde autour de nous semble s'éloigner de plus en plus. Il devient flou, irréel. Il n'y a plus ni plage, ni vagues, ni étoiles. Tout ce qu'il reste de palpable, c'est nous deux. Nous deux et les quelques centimètres qui nous séparent. Et puis aussi, mon cœur qui bat fort. Rien d'autre.
Quand enfin, il pose ses lèvres sur les miennes, je suis toujours plongé dans cette sensation onirique de flottement. C'est comme si toute la masse de mon corps s'était envolé. Je ne sais même plus très bien si je suis encore dedans. Je ne sens que ma bouche. Ou peut-être bien que c'est sa bouche à lui. Est-ce que ça a vraiment de l'importance ?
Son baiser est une légère caresse. Aussi fugace qu'un battement d'aile. Doux comme la plume. C'est si bref que je me demande si je n'ai pas rêvé. Il me semble que le souvenir de notre étreinte commence déjà à m'échapper. J'ai beau me concentrer, c'est comme tenter de retenir de la fumée entre ses doigts.
— C'était pourquoi ça ? je souffle, un sourire béat collé sur le visage.
Il sourit, se mordit nerveusement la lèvre inférieure. J'ai envie d'y regoûter. C'était trop rapide.
Alors que je me penche vers lui, il répond :
— Pour célébrer ce dernier été qu'on peut passer tous les deux avant mon départ.
C'est la douche froide. Je ne suis pas sûr de comprendre.
D'un coup, les étoiles se rallument dans le ciel. Leur lueur est aveuglante. Le fracas des vagues m'insupporte. Je subis le froid mordant. Mes espadrilles mouillées et crottées de sable me répugnent.
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Des écailles de sirène dans la poche [BxB]
RomanceLes écailles sont bientôt prêtes pour la cueillette : cette plante aux vertus légendaires qui fait la fierté des habitants de l'île et attise des convoitises bien au-delà de leurs côtes. Cet été, la récolte sera particulière pour Camille. Sa mère a...