Chapitre 30 : Récolter les lauriers

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Le week-end suivant le retour des parchemins, plusieurs habitants de l'île se sont succédé à notre porte pour nous offrir des cadeaux. Ils étaient aussi curieux d'entendre notre version des faits. Le récit romancé et distordu de notre tête-à-tête avec les pirates, avait déjà fait le tour de toutes les maisons. Ma mère s'est chargée de les remercier à ma place. Je n'avais pas vraiment la tête à me remémorer mon calvaire.

Dans la cuisine, s'entasse toute la nourriture que la mère d'Amaël nous a apportée ce matin de la part des villageois. Ils devaient vraiment craindre que l'on meure de faim. Il y a de quoi nous nourrir pendant presque une semaine. Cela en serait presque indécent.

— Y a de quoi faire une vraie indigestion, je grimace.

Entre les plats à gratin, trônent trois tartes aux fruits luisantes de sirops. Des paniers débordent de petits pains et de pâtisseries. Une cagette pleine de bouteilles de cidre préside une assemblée de bocaux de confiture et de fruits au sirop. J'en aurais presque un haut-le-cœur. Il faut dire, que je n'ai pas encore vraiment retrouvé mon appétit.

— C'est parce que vous êtes des héros ! s'exclame Marte alors qu'elle engloutit un beignet dégoulinant de miel.

Elle geint de plaisir tandis qu'elle mâche bruyamment. Avec un sourire en coin, je l'observe lécher goulûment le liquide sucré qui coule sur ses mains poisseuses. Il y en a au moins une qui est heureuse du tournant que prend cette histoire. Moi, ça me met mal à l'aise d'être sous le feu des projecteurs.

— Tu parles ! je rétorque. Y a rien d'héroïque... J'ai juste mis mon nez là où il fallait pas.

— Ah, c'est pas moi qui l'ai dit ! s'exclame Driss, amusé.

Il se glisse derrière moi et m'étreint par la taille. Son rire résonne dans mes oreilles. Je plante un baiser sur sa tempe.

— Eh arrête-toi, tu vas avoir mal au ventre ! je préviens Marte qui se resserre déjà.

Ses sourcils se froncent et elle repose le petit pain, contrariée. Je devine Driss dans mon dos, les lèvres pincées pour éviter de pouffer.

— Ça sert à quoi si on a pas le droit de les manger, rouspète-t-elle.

— Ils vont pas s'envoler, je plaisante.

Driss attrape une serviette dans le tiroir et la lui tend. Elle tente de s'essuyer le coin de la bouche, mais ses joues sont toutes collantes.

— Attends, on va mettre un peu d'eau, propose Driss.

Il se détache de moi pour lui ouvrir le robinet. Marte monte sur le petit escabeau pour mouiller le torchon quand ma mère arrive dans la cuisine avec dans ses bras sa théière en fonte préférée. Elle a invité la mère d'Amaël à rester un moment prendre le thé avec nous et de partager un peu des biscuits qu'elle nous a offert. Notre invitée en a profité pour nous donner des nouvelles de la situation au village. Le Général Lehmann et ses complices sont toujours enfermés sous bonne garde au phare pendant que la Matriarche tente d'établir le contact avec la Reine pour avoir des explications. La relation avec la couronne est plus tendue que jamais. Néanmoins, la souveraine a dû donné l'ordre à ses soldats de rester en retrait pour le moment car il n'y a pas eu de représailles.

Leurs patrouillent sur l'île se sont tout de même renforcées. Sans doute, ont-ils eu pour consigne de jauger la température auprès des insulaires. Ils sont venus toquer à la porte hier dans la matinée. Deux hommes en uniformes. Ils voulaient nous parler à Driss et moi. Ma mère leur a répliqué qu'on dormait encore. En réalité, j'étais en train de finir mon petit déjeuné dans la cuisine, pétrifié à l'idée qu'ils en aient après nous. Heureusement, ma mère a su garder son sang-froid. Elle a répondu calmement à leurs questions ce qui a suffi à leur faire tourner les talons. Ils ne sont toujours pas revenus, à mon grand soulagement.

Des écailles de sirène dans la poche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant