Chapitre 16 : Première éclosion

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Je replie la lettre de mon père que j'ai lu pour la énième fois et la range dans ma table de nuit. Elle est arrivée ce matin. Je suis heureux d'avoir de ses nouvelles. Le temps lui semble long. Il en profite pour découper dans des journaux des illustrations et des textes pour accompagner son courrier. Pas la peine de se demander de qui Marte a hérité de la fibre artistique. Ma tante va beaucoup mieux. La médecine thermale accélère grandement sa rémission. Cela veut dire que papa sera bientôt de retour.

Une fois le tiroir refermé, je me retrouve à nouveau sans occupation.

Je pousse un long soupire tout en fixant d'un regard accusateur le temps maussade par la fenêtre. Le ciel est assombri par des nuages compacts qui font barrage aux rayons du soleil. Ils soufflent avec colère un vent mauvais qui retourne toute l'île. Si autant, ce matin pour aller cueillir les écailles, nous arrivions à supporter les bourrasques, il n'est plus question à présent de mettre un pied dehors. Nous ne nous entendrions même pas parler dans la cacophonie des éléments.

Seulement, je m'ennuie dans ma chambre et le repas n'est que dans deux bonnes heures. Je me décide donc à sortir dans le couloir à la recherche d'une quelconque distraction.

Driss a laissé sa porte entrouverte. Intrigué, je ne peux m'empêcher de glisser ma tête dans l'entrebâillement pour voir ce qu'il fait. Il est allongé à plat ventre sur le lit et ses jambes repliées battent en cadence. La tête penchée en avant, je ne vois que ses cheveux blonds en bataille alors qu'il griffonne dans un carnet.

Depuis la visite de Gwenaëlle, les choses se sont apaisées entre nous. Enfin, surtout de mon côté, puisque Driss n'a jamais montré d'animosité à mon égard. J'ai accepté de baisser la garde. En fait, ça m'a soulagé d'un poids. Et j'apprends à vraiment le connaître. C'est agréable. Son calme et sa gentillesse me font du bien. Lui, de son côté, à l'air ravi de ce changement.

J'espère que ce n'est pas une erreur.

Driss relève la tête et ses yeux verts se plantent dans les miens. Je lis dans leur reflet, une invitation à m'approcher. Ce que je fais.

Son visage me suit alors que je vais m'asseoir à côté de lui sur le lit. Je me penche par-dessus son épaule pour observer les pages noircies. Mes doigts s'aventurent même à caresser la page.

— Qu'est-ce que tu fais ? je demande doucement.

Il bascule sur le côté, son coude enfoncé dans l'édredon et sa main soutenant sa tête.

— Je note juste des infos sur mon séjour ici, sur tout ce que j'apprends...

— Tu veux faire comme Marte, je plaisante. Tu veux un support pour narrer tes aventures ?

Il sourit. Quelque chose remue dans mon ventre. Je l'observe, nonchalamment étendu devant moi dans son ample pull sapin qui a l'air si doux.

— En fait c'est mon carnet de notes pour l'examen d'entrée à l'école de page, m'explique-t-il. Ça fait toujours bonne impression d'avoir voyagé un peu. La plupart sont des nobles pour qui partir à l'autre bout du continent est banal. Moi, c'est la première fois que je quitte la capitale.

On échange un regard.

— Tu travailles dur pour ton examen.

— C'est mon rêve.

Je fais mine d'attraper son carnet et il m'y encourage d'un signe de tête. Mes doigts explorent la couverture en cuir. Je feuillette les pages dont s'échappent l'odeur réconfortante du papier. Certaines sont recouvertes d'une élégante écriture alors que d'autres plus brouillons sont noircies de ratures. Je m'arrête sur l'une d'elle et, étonné, en lis le titre à haute voix :

Des écailles de sirène dans la poche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant