Chapitre 3 : Sécher à l'abri du soleil

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Je crois bien avoir entendu maman dans le sellier.

Je passe la tête dans l'entrebâillement de la porte. Elle est bien là, à arranger avec minutie notre cueillette de ce matin dans des cagettes en bois. Je lui ai proposé, plus tôt, de l'aider, mais Marte lui avait déjà fait part de son envie de faire une excursion sur la côte pour visiter la grotte : elle trouve que c'est une très bonne idée. Alors, je me suis résigné.

On est fin prêt à partir et je veux la prévenir.

— Maman, je l'interpelle, on va y aller.

— Vous avez tout ce qu'il vous faut ?

J'acquiesce et m'avance vers elle dans la pénombre de la pièce.

Il n'y a que deux petites meurtrières qui laissent à peine passer la clarté du jour. Driss est sur mes talons. Il voulait voir ce qui arrivait aux écailles de sirène après la cueillette. Au moins, il s'intéresse. C'est bien.

— Qu'est-ce que vous faites mad- heu... Corentine ?

Elle lui sourit.

— Une fois que j'ai bien nettoyé les feuilles et que j'ai vérifié qu'aucun petit insecte ne s'est invité, je les pose une par une sur les cagettes pour les faire sécher. Puis je peux les empiler dans les rayonnages. On le fait à l'abri du soleil pour ne pas dégrader les écailles. On vérifie souvent où elles en sont et quand elles sont bien sèches, on peut les empaqueter.

Il la remercie pour ses explications. Son regard s'égare sur les nombreuses étagères puis sur les bottes d'herbe sèche suspendue au-dessus de nos têtes. J'en profite pour discrètement capturer, une fois de plus, la couleur de ses iris. Je n'avais jamais vu des yeux avec un vert si affirmé. Une fois qu'on l'a remarqué, on ne voit plus que ça. C'est dommage qu'il n'ait pas plus d'assurance. Il n'est pas vilain en plus.

Moi avec mes cheveux noirs corbeau, mes banals yeux café et mon corps de gringalet, si je n'avais pas un peu de caractère... Mais après tout, qu'est-ce que ça pourrait bien me faire ?

Maman me réclame un baiser avant de nous laisser filer.

En haut du sentier sinueux qui mène à chez nous, Marte nous attend. Elle a déjà enfourché son vélo et nous fait de grands signes pour que nous nous hâtions. Elle a juste enfilé un short par-dessus son maillot de bain.

— Allez bougez-vous ! nous lance-t-elle en plaçant ses petites mains en porte-voix.

Ça a l'air d'amuser Driss. Je lui tends la bicyclette de ma mère. Elle lui prête pour l'après-midi. Il est trop grand dessus et ses longues jambes l'encombrent un peu. Ça dépannera. Ce n'est pas trop loin. De toute façon, il était hors de question que je le prenne sur mon porte-bagage. Bonjour pour monter la côte !

Ma petite sœur ne nous attend même pas. On n'a pas encore franchi le portail qu'elle se met à pédaler comme une dératée. Elle va m'entendre celle-là ! Si elle se casse la figure, c'est encore sur moi que ça va retomber.

— On lui montre ce qu'on a dans le ventre ? me propose Driss.

Bah, qu'est-ce qu'il lui prend à celui-là ? Une lueur malicieuse anime son regard. J'en suis déstabilisé et en oublie de rétorquer. C'est bien la première fois qu'il se laisse autant aller avec nous.

Même face à mon mutisme, Driss se décide à pourchasser ma sœur. Il va se prendre les genoux dans son guidon et faire un vol plané. C'est tout ce qu'il va gagner.

On aurait dû aller au ruisseau...

— Attention Marte ! J'arrive !

Elle se retourne pour lui tirer la langue, insolente. Ses nattes toutes décoiffées, fouettent l'air derrière elle.

Des écailles de sirène dans la poche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant