Dans une salle sombre, à l'aile Ouest de la propriété d'Hippias.Les imposants rideaux gris ont été volontairement tirés. Sur les murs sont exposés tous les portraits de la lignée de dictateurs, chacun portant fièrement la tête de son ennemi dans les mains. Plusieurs hommes sont rassemblés autour d'une immense table, plusieurs cartes, papiers et manuscrits y sont éparpillés.
Le silence est écrasant depuis plus de dix minutes. L'ambiance pesante et la chaleur rendent la situation intenable. Il y règne une odeur de sueur, d'alcool, de renfermé, d'eau de Cologne, de tabac, de poussière. Le tyran de Thumos préside cette réunion, les bras croisés sur la table. Il observe avec attention chacun des membres de son conseil. Le seul faisceau lumineux traversant la pièce se pose sur lui, donnant une allure divine à son personnage. L'un des généraux prend la parole :
- Preÿi, nous sommes dans une grande situation de crise, plusieurs habitants autour de votre propriété se sont encore une fois révoltés et les esprits bouillonnent sur toute votre planète. Le Conseil pense qu'il serait temps d'agir et vite...
- Vous savez ce que je pense ? déclare Hippias, coupant volontairement la parole de son général. Je crois qu'il serait grand temps pour vous de reprendre votre place. N'avez vous pas appris au cours de ces nombreuses années à mon service, que je prenais toujours les meilleures décisions sans que l'on ne me les souffle ?
Les mains du chef militaire se crispent sur la table, des gouttes de sueur glissent le long de sa nuque et de ses tempes. Hippias lève les yeux vers lui, fait un bref signe de la main à l'un des soldats gardant la pièce. Ce dernier s'approche lentement du général, sans un mot. Le retour brutal du silence perturbe l'ensemble des membres du Conseil. Ils savent.
- Alors je vais le répéter une dernière fois, annonce Hippias en se levant. Le Conseil a été instauré seulement pour organiser et planifier les décisions que JE prends. Qui êtes-vous pour me dire ce que je devrais ou ne devrais pas faire ?
Le roi arrive à la hauteur du général. Le soldat tire la chaise et donne une lourde chaîne au dirigeant de Thumos. Le jeune militaire se recule immédiatement, presque repoussé par une force invisible. Le corps du général est secoué par la peur. Il sait.
D'un geste brusque, Hippias enroule la chaîne autour du cou du chef militaire. Ce dernier tente automatiquement de se défaire de cette emprise en tentant de se débattre. Il agite les mains et les pieds, des gémissements s'échappent de sa gorge serrée.
- Soyez fier mon cher. Vous allez servir de dernier exemple à vos compagnons avant que ma patience ne soit qu'un lointain souvenir... qu'une simple brise éphémère.
Le tyran resserre d'un coup sec la chaîne. Un grand craquement résonne dans la pièce, tout le Conseil frissonne. Hippias lâche le chaînon. Le général s'écroule au sol, faisant tomber sa chaise dans un grand fracas. La souffrance se lit encore sur son visage bouffi et violacé, son cou portant encore les traces de sa lutte, les maillons de la chaîne imprimés sur sa peau. Des soldats l'évacuent. Le dirigeant de Thumos reprend sa place calmement et se frotte doucement les mains avant de les joindre sur la table.
- Bien. Nous pouvons continuer. Les informations de notre ancien camarade ne m'étaient pas utiles. Je sais déjà toutes ces choses et j'ai longuement réfléchi à une solution mais avant, je veux connaître les détails de cette révolte. Apparemment, de nouvelles informations sont arrivées dans la nuit.
Le conseiller se racle la gorge avant de prendre la parole, comme pour faire abstraction de ce qu'il vient de se passer. Il se redresse et regarde sérieusement son dirigeant.
- D'après nos collaborateurs, beaucoup de résistants projettent d'attaquer à nouveau votre demeure. D'autres nous ont informé que certains avaient des liens avec votre épouse et vos plus grands enfants. Ils divulgueraient des informations de l'ordre du privé à ces rebelles pour leur permettre une plus grande offensive et surtout leur donner des précisions pour mieux vous éliminer.
Hippias lève la main, le conseiller se tait.
- Êtes-vous certain des accusations que vous avancez ? demande le roi, les sourcils froncés.
- Les lettres de nos soldats infiltrés contiennent ces informations. Le Conseil n'émet aucun doute. Nous voulions votre avis avant d'envisager la programmation d'une quelconque intervention, répond l'homme aux cheveux grisonnants.
- Et bien je suis favorable à l'idée d'une intervention, d'une répression, déclare Hippias. Il faut absolument punir les acteurs de cette rébellion.
- Nous nous chargeons d'organiser des troupes pour arrêter les fautifs. Des exécutions sont programmées preÿi. Devront-elles être publiques ?
- Évidement, déclare Hippias comme si cette discussion était anodine.
- Et qu'en est-il du sort de votre conjointe et de vos enfants ?
Hippias opine seulement du chef. Tous les conseillers prennent des notes, marmonnent, froncent les sourcils, raturent, effacent, réécrivent, soupirent, rassemblent les documents sur la table avant de les glisser dans de grandes pochettes noires. Un sceau rouge y est inscrit, symbole de la souveraineté d'Hippias. Tous les hommes s'éclipsent rapidement. Le plus âgé se rapproche du tyran.
- Votre décision est-elle définitive ? demande-t-il sans hésitation.
- Tout être qui collabore avec l'ennemi doit être abattu. Faire partie de ma lignée n'épargne ni les sanctions, ni les souffrances, ni la mort, répond le tyran.
Le conseiller s'apprête à quitter la pièce avec ses documents quand Hippias l'interpelle de nouveau.
- Chargez vous de mon ex-conjointe et de ses plus grands enfants. Je m'occuperai personnellement du cadet.
- Très bien, les premières exécutions auront lieu dans trois jours. Devront-ils être exécutés publiquement eux aussi ?
- Absolument. Ils ne méritent pas de traitement de faveur. Ils n'ont plus de valeur à mes yeux. Vous savez, je ne vous souhaite en rien ce qu'il est en train de se dérouler. Être trahi par les siens est bien la pire des situations. Cela fait ressortir votre monstruosité et votre cruauté. Je n'apprécie pas vraiment de me voir dans cet état, souffle-t-il dans un ricanement. Mais ils ont fait leur choix et ils connaissent le risque qu'ils encourent. Et je tiens toujours mes engagements, même les plus mortels...
Hippias déserte la salle sur ces mots. Le vieil homme se contente de laisser échapper un soupir à la disparition du gouverneur. Obéir, c'est tout ce qu'il doit faire, c'est tout ce qu'il peut faire. Il le sait. Toute cette folie le ronge et l'angoisse même après des années au service de son roi. « Jusqu'où ira-t-il ? » finit-il par se demander. Hippias pourrait anéantir l'univers entier. Ils savent tous.
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THUNDER FATES
FantasyLa Terre a disparu depuis bien longtemps. De nouvelles civilisations ont vu le jour. Hippias, roi de Thumos, assoiffé de conquête et de pouvoir veut soumettre la galaxie à son régime. Thane, jeune fils du tyran, tente de trouver sa place dans cet...