CHAPITRE QUARANTE-NEUF

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ASAL


À l'approche du domaine, de nombreux faisceaux lumineux jaillissent du sol, nous montrant le chemin à suivre. Je me sens particulièrement anxieuse, comment va se dérouler cette soirée ? Différents scénarios se jouent dans ma tête : et si Thane abandonnait, s'il me laissait ici ? Ou encore s'il se mettait en colère, qu'il appelait son père ? S'il essayait d'en finir avec moi ? Non, impossible, nous avons trop à perdre tous les deux, ce serait un véritable carnage. Je frémis et mes lumières gardent un rythme trop lent à mon goût.

Les ruelles aux abords de la demeure de Qorah se remplissent et j'ai maintenant du mal à avancer. Tout le monde se bouscule, sautille, chantonne, rie, s'impatiente. Une grande excitation flotte dans l'air. Plusieurs regards insistants se posent sur moi. Un frisson me parcourt. Je hais cette sensation, d'être observée comme une bête de foire, être considérée comme différente, étrange, comme un monstre... Je me surprends à espérer être née « normale ».

Mes yeux balayent la foule, j'essaye de trouver un visage, une silhouette familière mais je comprends très vite que trouver Thane parmi ces centaines de personnes est une mission bien trop difficile. Je peine à faire quelques pas sans être poussée ou doublée par des personnes trop pressées. Je dois réprimer avec violence mon flux pour ne pas envoyer de décharge à chaque fois qu'un bras, qu'une épaule me touche. L'air se rafraîchit mais il reste supportable. La chaleur dégagée par la foule est étrangement agréable et flotte au-dessus d'elle. Même si la proximité avec toutes ces personnes me dérange, je me sens presque en sécurité.

J'aperçois enfin les hauts palmiers et j'entends les paons se démener pour défendre leur territoire face à cet amas d'hommes et de femmes. Ils forment un courant puissant qui m'entraîne maintenant un peu plus vite vers l'entrée. Mes yeux se posent alors sur une silhouette que je ne connais que trop bien. Une carrure imposante, des cheveux d'un noir puissant, une démarche lente mais déterminée, une force émane de ce personnage. Il m'obsède, me torture, je ne peux résister. Mon regard reste accroché sur sa nuque. La foule se disperse, rejoignant les jardins, l'entrée ou le salon.

Tout est encore plus impressionnant de nuit. Les lumières nous aveuglent presque, l'eau de la fontaine est colorée en orange, un tapis rouge a été installé sur les marches menant aux portes de la demeure. Certains palmiers et arbres ont été décorés avec de nombreuses guirlandes lumineuses.

Les roses trémières gravissant les colonnes sont d'un rouge encore plus éclatant. Quelques draps blancs ont été tirés pour apporter plus de luminosité aux alentours du bâtiment. Je m'arrête un moment devant les escaliers. Thane suit un groupe. Je ne pense pas qu'il les connaisse mais j'éprouve un certain soulagement de l'avoir aperçu ici. Pourtant, il peut être l'élément déclencheur d'une soirée abominable.

Tout peut basculer d'une seconde à l'autre. S'il décide de me faire tomber, je ne pourrai pas lutter mais nous chuterons ensemble comme deux êtres liés par hasard, deux contraires condamnés, attachés par une simple erreur. La sienne.

Je n'ai pas le temps de gravir les marches qu'une personne glisse son bras sous le mien. Dans un sursaut, je tourne vivement la tête, m'efforçant de contrôler mon flux et j'aperçois Qorah à mes côtés. Il me sourit et reste silencieux.

Le jeune homme est habillé d'un costume blanc, le même modèle que celui de la veille. Sa cape est de la même couleur, une épée et une dague sont accrochées à sa ceinture, tintant l'une et l'autre contre ses cuisses. Ses cheveux bouclés sont légèrement rabattus en arrière avec du gel, la barbe parfaitement taillée. Ses yeux bleus s'attardent sur mon visage, ils m'absorbent presque. Je dois admettre qu'il possède beaucoup de charme, je suis certaine que plus d'une se sont jetées à ses pieds. Qorah n'a besoin de rien de plus pour attirer toutes les femmes. L'argent et le pouvoir ne sont que superficiels à un tel stade de charme. Il finit par briser le silence quand nous franchissons les portes ensemble.

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