Paule arriva à l’endroit même où elle avait disparu la dernière fois, au croisement de deux chemins. Elle décida de prendre celui qui partait vers la gauche et s’avança bravement. Le labyrinthe lui donnait toujours une impression de malaise, d’oppression. Malgré tout, elle se dirigea en direction d’un petit chemin sinueux à petits pas hésitants. Au bout de dix minutes éreintantes de marche, qui lui parurent des heures, elle se prit une branche sur le front, et il en résulta une égratignure. Paule leva les yeux au ciel et aperçut au sommet de l’arbre une masse indistincte et décida de grimper pour voir ce que c’était.
« Après tout, se disait-elle, il ne peut pas m’arriver grand-chose, dans cet infernal dédale. De toute façon, je dois trouver une sortie, alors autant explorer un peu. »
La jeune fille se mit à grimper tant bien que mal à l’arbre, mais arrivée à la neuvième branche son pied dérapa, elle poussa un cri de frayeur et tomba au sol. Après plusieurs essais, et plusieurs chutes aussi, elle réussit à atteindre le faîte de l’arbre. Elle s’assit plus ou moins confortablement à califourchon sur une branche épaisse et entreprit de découvrir ce qu’était la chose qui l’intriguait tant. L’adolescente se rendit compte qu’il s’agissait d’un autre coffre, exactement le même que celui qui renfermait la photographie qui lui rappelait si étrangement des souvenirs enfouis loin dans sa mémoire.
Elle l’ouvrit et découvrit une clef de bronze, apparemment assez ancienne. Elle la mit dans sa poche, car elle souhaitait redescendre de l’arbre avant de continuer son chemin. Mais soudain, elle se sentit irrépressiblement attirée par le sol et chuta, chuta longtemps, beaucoup plus longtemps que la distance par rapport au sol ne le laissait prévoir –si seulement tout ce qui se passait dans ce labyrinthe était normal.
C’est alors que Paule se retrouva dans son lit, juste au moment où elle n’espérait plus revoir le monde réel. Elle eut une pensée pour Alice au Pays des Merveilles, de Lewis Carroll, qui avait fait un plongeon tellement semblable au sien pour rentrer dans le pays des merveilles (après avoir suivi le lapin blanc). Elle sourit, secoua la tête et décida de cesser ces rêveries stupides et enfantines avant de se préparer pour le lycée.
Cependant, comme la jeune fille s’apprêtait à mettre ses vêtements, elle sentit, séparée de sa peau par le tissu de son pyjama, une chose métallique, dure et froide, comme si l’objet en question avait été jusqu’à présent pris dans les glaces. Elle le sortit de sa poche et le regarda en pâlissant au fur et à mesure qu’elle comprenait ce que c’était : il s’agissait de la clef trouvée dans le labyrinthe ! Paule décida que ce n’était plus une plaisanterie et se résolut à découvrir ce qu’ouvrait la clef.
Toutefois, elle jugea bon de ne pas parler tout de suite à son entourage de ce qu’elle faisait de ses nuits. Ce qui la surprit –ou pas, au vu de toutes les étrangetés qu’elle avait traversées–, ce fut que lorsqu’elle voulut se coiffer, elle s’observa dans la glace et oh ! stupeur ! Une bosse était venue orner le haut de son crâne, accompagnée de quelques bleus épars sur ses bras, ses genoux, et même le bas de son dos ! Elle choisit de faire fi de toutes ces aventures fantastiques.
« D’abord finir mes études, ensuite avoir une situation stable et seulement après, se dit-elle, je pourrai rêver un peu. »
Et elle partit au lycée.
La journée de cours se passa pour Paule comme si elle n’en était que spectatrice, et lorsqu’elle entendait des bruits, ils lui parvenaient de loin, loin, loin, loin, loin,…
« Mademoiselle Garnier ! Mademoiselle Garnier ! Vous m’entendez ? Je vous parle ! »
C’était madame du Moulinet qui lui parlait. Par malchance, la jeune fille avait deux fois dans la journée ses professeurs abhorrés : madame du Moulinet en première heure du matin et de l’après-midi, suivie de madame Géfin aux mêmes horaires –décalés d’une heure, évidemment.
L‘adolescente revint du monde éloigné et retiré de ses pensées –lesquelles étaient fort confuses– et elle s’employait à y mettre bon ordre lorsque le professeur était soudain apparue, telle une apparition assez hargneuse. Paule sursauta et s’aperçut qu’elle était le point de mire de tous les regards, les uns amusés, les autres vengeurs –être première de la classe n’attirait pas que des amitiés ou des demandes d’explication de cours–, d’autres encore indifférents. Bref, pour elle qui préférait en général passer inaperçue, elle en était pour ses frais. Elle détestait que l’on parle d’elle dans son dos –en bien ou en mal, d’ailleurs. Enfin, elle se résolut à répondre à l’enseignante :
« Excusez-moi, madame, j’ai eu du mal à m’endormir hier soir, d’ordinaire cela ne m’arrive jamais.
Eh bien, ce ne sont pas vos paroles mielleuses qui vont vous sauver la mise ! répliqua d’un ton acide et lapidaire le professeur.»
Ce qui fit rire les personnes qui trouvaient amusant le fait que la première de la classe, toujours enthousiaste et empressée auprès des professeurs, soit rabrouée par une de ces derniers qui –d’après les mêmes élèves malveillants– savait la remettre à sa place. Ces importuns furent fusillés du regard par Paul qui, malgré ses plaisanteries –aussi douteuses que celles de leur père, d’après sa jumelle–, ne supportait pas que les autres se moquent de sa sœur. Il faut dire que l’adolescent, malgré sa jeunesse, savait imposer sa “force supérieure au commun des mortels”, –d’après lui– : il avait déjà –plus ou moins– une carrure des plus prometteuses, et les autres garçons réfléchissaient à deux fois avant de le provoquer.
C’est pour cela que ceux qui riaient de la jeune fille se faisaient à présent tous petits, de peur de voir les représailles arriver quand la sonnerie retentirait pour annoncer la récréation. Les jumeaux échangèrent un regard de connivence. Paule, malgré tout, ne put s’empêcher de lancer à son frère un coup d’œil de léger reproche : elle n’aimait pas trop que son jumeau la surprotège, d’autant plus qu’elle était née quelques minutes avant lui, donc techniquement c’était elle la plus âgée. Il n’empêche que la jeune fille n’était pas contre une petite aide de temps en temps, même si elle ne l’aurait admis pour rien au monde.
La journée se finit sans que Paule ait trouvé la solution à l’énigme de la clef. Cela l’énervait sans qu’elle puisse dire pourquoi. Elle se sentait irritée, nerveuse, sans raison. Elle fut d’une humeur exécrable durant tout le trajet du retour, et son sentiment alla croissant au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de sa maison. Lorsqu’elle fut arrivée, elle monta dans sa chambre, claqua la porte et s’enferma.
La jeune fille se prit la tête entre les mains. Elle sentait comme un début de migraine poindre, sauf que ce n’était pas une migraine. Elle déverrouilla sa porte, alla dans la salle de bain, prit un gant de toilette et le mouilla afin de le poser sur son front brûlant. L’adolescente pressentait que si elle n’allait pas immédiatement s’allonger sur son lit avec le gant, elle n’allait ensuite plus pouvoir faire un pas de plus. En effet, sous la pression de ses doigts, son crâne semblait enfler, enfler, enfler jusqu’à ce qu’il explose. Elle courut pour se coucher, trébucha contre son sac de cours et s’affala au sol. Aussitôt, son esprit s’évada dans le labyrinthe et revint au pied de l’arbre où elle avait découvert la clef. Mais étrangement, alors que Paule pouvait très bien revenir en arrière, elle se heurtait à un mur invisible dès qu’elle essayait de franchir la limite au-delà de l’arbre.
Elle réessaya plusieurs fois de dépasser cette ligne imaginaire et chaque fois essuya une nouvelle défaite. Alors, elle se mit en route dans le but de trouver la sortie de ce maudit enchevêtrement de haies, toutes plus trompeuses les unes que les autres quant au chemin à suivre. La jeune fille erra longtemps, tournant, avançant, retournant sur ses pas lorsqu'elle fut allée dans la mauvaise direction,...
Finalement, à force de déambuler dans les interminables couloirs étroits –qu'elle commençait à bien connaître–, exténuée, manquant de tomber à chaque pas tellement elle chancelait sous l'effet conjugué de la fatigue, de la soif et de la faim, elle aperçut une lointaine –et en même temps si proche– lumière. L'adolescente réussit à réunir ses dernières forces afin de se diriger vers la sortie, en franchir le seuil et eut à peine le temps de redécouvrir la prairie enchanteresse et ensoleillée qu'elle basculait déjà dans le monde réel.N'hésitez surtout pas à voter et à commenter ! J'aimerais connaître vos impressions !
Et merci d'avoir lu !☺️
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Les secrets du labyrinthe
Fiksi SejarahCette histoire se passe en 1956, une dizaine d'années, donc, après la Seconde Guerre mondiale. Deux jumeaux de 15 ans, Paule et Paul Garnier, mènent une vie apparemment normale et sans histoires. Ils ont des amis, une famille et vont à l'école (pour...