4.

529 28 5
                                    

Timothée savait déjà où aller ce midi, il avait regardé les restaurants autour du lieu de travail de la brune et avait jeté son dévolu sur un Diner appelé "Brooklyn Diner USA". Il possédait une bonne note sur Google et n'était qu'à quelques rues de la boutique, ils auraient donc le temps de s'y rendre, commander, manger et reprendre la route ensuite. Il espérait que tout se passerait bien, que la boule de stresse qu'il ressentait depuis sa sortie de la douche allait s'en aller. Victoria n'allait pas le manger non plus... la réflexion le fit sourire en secouant la tête tandis qu'il ouvrit son dressing.

Trop de vêtements et donc trop de choix. Il ne voulait pas arriver en survêtement ou dépareillé, il décida donc qu'il porterait un jean de couleur claire qu'il déposa sur son lit avant de chercher quel haut irait avec. Son choix s'arrêta sur un pull rayé vert empire à col ras du cou, celui-là même qu'il portait lors de la présentation de la toute première bande-annonce de DUNE et le posa aux côtés du jeans. Un coup d'œil par la fenêtre lui fit savoir qu'il risquait de faire chaud, donc pas besoin de rajouter un débardeur dessous.

Il s'habilla rapidement, secoua ses boucles qui partaient sans cesse dans tous les sens, enfila une paire de chaussettes prises au hasard dans son dressing puis attrapa une paire de baskets. Il en possédaient un certain nombre, aujourd'hui le choix fut fait sur les Travis Scoot x Nike AirMax "Cactus Trail". Une fois enfilées il prit sa pochette dans laquelle il mit son porte-feuilles, son portable, un masque de rechange, une paire de gants en caoutchouc, vérifia que tout était fermé et/ou éteint, attrapa ses clés et quitta l'appartement qu'il verrouilla derrière lui.

Dans l'ascenseur qui l'amena au rez-de-chaussée il réfléchit à la manière dont il pouvait amener cette invitation. Il savait qu'elle risquait d'être surprise et avoir des paroles sèches, mais après leur conversation quelques jours plus tôt, il ne s'en formalisait pas. Victoria était recouverte d'une coquille qu'il suffisait de gratter légèrement pour découvrir l'humaine dessous. Nous en possédions tous une, de coquille. C'était notre façon de nous protéger du monde extérieur.

Il prit le métro et une fois arrivé dans le quartier de son enfance, se dirigea vers la boutique. Il remarqua que la vitrine avait été changée, l'été arrivant ils avaient mis une décoration en raccord avec cette saison et exposé quelques créations en chocolat. Il souffla un bon coup pour se donner du courage et poussa la porte, faisant teinter le petit carillon. Victoria était derrière le comptoir en train de lire quelque chose, lorsqu'elle releva la tête la surprise se lut dans ses yeux. OK Timothée, c'est le moment de mettre à profit tout ton talent, se dit-il en s'avançant et souriant sous son masque.

La brune ferma son magazine et le posa derrière elle sur l'établi avant de saluer son client inattendu à voix haute, accompagné d'un geste de la tête. Un stresse naquit dans son estomac et elle ne sut si c'était positif ou négatif. Après quelques longues secondes de silence Timothée prit la parole en lui demandant comment elle allait, ce à quoi elle répondit que tout allait bien, évidemment.. Il baissa les yeux sur les chocolats, dansant d'un pied sur l'autre, montrant son stresse. Puis il décida de tout simplement se lancer.

- Dis, il y a un Dinner pas loin, tout en parlant il bougeait ses mains et ses bras comme pour indiquer l'endroit quelques rues plus loin, et je me disais que, qu'on pourrait y aller ce midi ?
- Timothée...
- Je sais que le fait qu'on ait parlé la dernière fois ne veut rien dire pour toi.
- Non ce n'est pas ça, c'est juste que... pourquoi ?
- Je sais pas, il haussa les épaules, je me disais juste que ça faisait longtemps.
- Il est où ce Dinner ?
- Sur la 47e rue. Et bien noté sur Google.
- Bon, pourquoi pas alors, elle haussa les épaules et vit naître sur le visage du bouclé un énorme sourire qui se répercuta dans ses yeux.
- Super ! Je passe te récupérer à midi alors ? Elle hocha la tête, super. Bon et bien, je vais pas te déranger plus longtemps, il recula vers la porte. A tout à l'heure, il attrapa la poignée.
- À tout à l'heure, elle lui sourit doucement.
- Et Victoria, il dit en passant la porte, lui faisant relever les yeux, merci.

Avant qu'elle n'ait pu répondre quoi que ce soit il avait déjà franchit la porte, un sourire qui ne quittait plus son visage et illuminait son regard. Il se sentait tout à coup plus léger. Stéphane avait raison, il y avait toujours un espoir apparemment. Victoria n'était pas si mauvaise qu'elle voulait le faire croire, c'était simplement une réaction due à la peur de ce côté médiatique le concernant. Il en était certain, il lui suffirait d'éteindre ou calmer ses craintes et tout irait mieux.

Du côté de la boutique la brune était encore surprise de l'avoir vu ici. Et sans se retourner elle sentit les yeux de la blonde dans son dos, Grace était en pause et avait dû entendre la voix du bouclé. Elle était donc venue discrètement espionner derrière l'entrebâillement de la porte. Elle avait été si contente lorsque Victoria lui avait fait part de sa conversation spontanée avec Timothée, c'était la preuve qu'elle l'aimait bien. Mais la brune avait encore du mal à admettre que le bouclé lui manquait réellement.

- Vas-y, dit Victoria. Je sens tes yeux aussi brûlant qu'un fer à repasser dans mon dos. Dis ce que tu penses.
- Tu vois que ce n'était pas si difficile, elle vint à ses côtés.
- Il reste Timothée Chalamet, Grace.
- Oui, c'est comme ça que ses parents l'ont nommé, Victoria la frappa au bras, aie ! Tu l'as dis toi-même qu'avant d'être un acteur il est un humain comme nous tous.
- Oui, mais je ne sais pas... j'ai peur. Tu sais combien je suis introvertie et son métier est tellement le contraire !
- Et alors ? Il a pleins d'amis Victoria, et tous ne font la pas Une des journaux people. Tu devrais profiter de ce midi pour en discuter avec lui, ça ne peut que vous aider.
- Et s'il m'en veux ?
- Tu crois sincèrement que s'il t'en voulais il serait venu ici, pour t'inviter à manger avec lui à midi ? Victoria secoua la tête, donc arrêtes de réfléchir. Crevez l'abcès une fois pour toute Vic'.
- Facile à dire pour toi.

La matinée passa plutôt vite après la visite de Timothée, il y eu deux gros clients qui étaient repartis avec chacun plus de quatre-vingt dollars de marchandise et une mamie, qui elle, avait acheté un coffret d'anniversaire. Il y eu aussi le téléphone que la brune dû gérer une bonne partie de la matinée, à croire que tout le monde s'était passé le mot pour commander. Son anglais s'était amélioré mais elle s'excusa tout de même lors de certains appels, leur demandant de répéter plus lentement.

La française était persuadée de ne pas avoir beaucoup évolué, mais quand on comparait à six mois plus tôt elle avait sacrément amélioré son accent et son anglais ! En fait, elle avait presque adopté l'accent local et arrivait suivre le rythme rapide de parole. Elle était capable de suivre des émissions entière, en comprendre les blagues ou jeux de mots et ne s'en rendait même pas compte. Parfois aussi lors d'appels avec ses proches elle pouvait mélanger les deux langues, ne trouvant pas le mot voulu en français elle le disait alors en anglais.

Clarisse l'avait remarqué et s'était amusée à lui dire qu'elle s'américanisait, ce que la brune refusait d'admettre. Elle était avant tout française et ne pourrait jamais s'adapter à ce mode de vie si différent, même si depuis quelques mois c'était exactement ce qu'elle faisait. D'ailleurs, elle avait rapidement prévenu la française qu'elle allait déjeuner avec le bouclé entre midi, et Clarisse de lui répondre "Tu me raconteras !!!".

- Je te raconterai si je veux déjà, avait-elle marmonné avant de taper sa réponse et l'envoyer.

Elle avait eu souvent les yeux sur la montre ce matin là, chose qu'elle ne faisait jamais en temps normal. Était-elle si impatiente de le retrouver ? Son estomac commença à se nouer de stresse aux alentours de 11h30, signe qu'effectivement elle était tout autant impatiente que nerveuse. Ce n'était que Timothée, pas de quoi en faire tout un plat. Oui mais justement, c'était Timothée. Pourvu que son sale caractère ne refit pas surface, elle pouvait contrôler sa peur et lui en parler. Il n'allait pas fuir. La preuve puisqu'il était revenu de lui-même à de nombreuses reprises.

Lorsque midi arriva, la brune se rendit à l'arrière pour se changer et enfiler sa veste, souhaitant un bon appétit à sa collègue puis quitta la boutique. En passant la porte elle sursauta car le bouclé se trouvait juste à gauche de celle-ci, ce qui le fit sourire sous son masque. Victoria leva simplement les yeux au ciel en lui frappant le bras, faisant rire l'acteur avant de lui demander par où était ce fameux Dinner. "Par là" lui répondit Timothée en indiquant une rue du doigt et tous deux prirent la direction désignée, le bouclé vérifiant sur son téléphone au cas où.

L'extérieur était décoré comme ces Dinner que l'on pouvait voir dans les films avec le nom de l'établissement qui s'illuminait le soir, il y avait aussi le mur sous les fenêtres qui était orné de couleurs bleu, jaune, damier noir et blanc... ça rendait l'établissement encore plus typique d'après Victoria. Il franchir les quelques marches et entrèrent dans l'établissement dont l'intérieur rappela un petit peu celui d'un bar. Il y avait des banquettes en cuir brun qui entouraient des tables assez larges pour accueillir six personnes, il y avait aussi des tables plus petites pour juste deux, avec de petites parois de plexiglas non transparent autour afin de donner un petit peu d'intimité, disons.

Au plafond se trouvaient des lustres qui pendaient à intervalles réguliers entre les carrés formés par les poutres de bois. L'endroit rappela tout de suite à la brune le film Grease et cette séquence où Danny et Sandy se retrouvaient dans un Dinner. Alors qu'elle regardait autour d'elle, un serveur les accosta et leur demanda combien ils étaient. Victoria tourna la tête vers lui et eut envie de lui dire "On est 23, mais j'ai 21 amis fantômes derrière moi", ça se voyait qu'ils n'étaient que deux, non ?

Le serveur les emmena vers une table pour deux un petit peu plus loin, juste derrière le bar et les invita à s'asseoir, informant qu'il revenait tout de suite avec les cartes. Tous deux prirent place et Timothée remonta légèrement ses manches, posant ses coudes sur la table, croisa ses mains et les posa contre son menton observant un petit peu autour de lui. Cette scène semblait si familière, il semblait calme et pourtant intérieurement il était si nerveux... Le serveur qui revint avec les cartes le sortit de ses pensées, ils les prirent en le remerciant puis fixèrent leurs regards sur le menu proposé.

Timothée porta son choix sur un plat nommé "Pastrami Mac n' Cheese" qui était la spécialitéde la maison et la brune elle, se choisit un plat nommé "Pastrami Hash with Two Fried Eggs, à base de viande. Côté boissons ils prirent une bouteille d'eau pour deux. En attendant l'arrivée de leurs plats Timothée parla de choses et d'autres, demanda comment s'était passée sa matinée avant qu'elle ne lui retourna la question. Il était en train de lui parler de son rendez-vous avec son agent lorsqu'il s'arrêta en plein milieu de sa phrase, un sourire naissant et grandissant sur ses lèvres.

- Quoi ? Fit la brune. Je t'assures que te voir sourire comme ça c'est flippant Timothée...
- Tu sens vraiment le chocolat.
- Oh ça va, je travaille dans le chocolat toute la journée, elle roula des yeux. Toi tu sens le parfum et je t'ai rien dis pourtant.
- Il sent très bon mon parfum, le serveur arriva et leur déposa leurs plats. Merci, il attendit qu'il s'éloigne pour reprendre, je suis vraiment content que tu ais accepté de venir ici avec moi.
- J'avoue que j'en suis moi-même surprise, dit-elle en prenant ses couverts et couper sa viande. J'ai toujours cru que les macaronis au fromage était un truc pour les gamins.
- J'en mange souvent. Ici on en raffole tu sais. En tout cas c'est très bon, il enfourna une fourchette de pâtes et de viande dans sa bouche.
- Tu manges toujours autant comme un ado, elle sourit en secouant la tête. Heureusement que je suis pareille.

Timothée sourit légèrement avant d'avaler sa bouchée et boire une gorgée de son verre. Il ne savait pas comment amener le sujet et pendant deux minutes on entendit que le bruit de leurs couverts, ou de ceux des clients autour. Pourquoi était-il si difficile de se dire les choses ? Normalement entre amis on pouvait tout se dire sans soucis, sans peur du jugement...Alors pourquoi n'y arrivaient-ils pas ?

- Je suis désolée, tu sais, dit la brune après un silence. Je t'ai dis pas mal d'horreurs ce jour-là et je m'en excuse. Sincèrement.
- Merci, il sourit en hochant la tête. Je savais que tu ne les pensaient pas, mais je ne comprends toujours pas pourquoi tu n'as pas essayé de me parler plutôt que de réagir si violemment.
- C'est... un réflexe, elle prix une bouchée de viande et d'œuf, mâcha, avala puis reprit face au froncement de sourcils du brun, j'ai pour habitude de voir les gens fuir quand je m'y attache. Donc là j'ai, pris les devants, disons.
- Tu pensais que j'allais fuir ? Elle hocha la tête, pourquoi ?
- Parce-que tout le monde le fait tôt ou tard, dit-elle en haussant les épaules. Ce n'est pas parce-que tu es Timothée Chalamet que ça serait différent.
- Victoria, si je voulais fuir je ne t'aurais pas fais visiter Manhattan, et je t'aurais pas proposé d'autres sorties, il prit une nouvelle bouchée.

Victoria ne dit rien, elle avait simplement le regard fixé sur le coin gauche de la table, mâchant silencieusement la bouchée qu'elle venait de prendre. Elle se sentait honteuse d'avoir tout compris de travers, honteuse d'avoir fuit alors qu'il aurait suffit qu'elle lui parle de ses craintes. Mais être vulnérable et s'ouvrir était une chose difficile pour elle qui avait passé la moitié de sa vie à faire semblant, sourire même lorsqu'à l'intérieur toutes ses plaies suintaient.

Elle sursauta presque lorsqu'elle sentit la main du bouclé se poser sur la sienne, lui faisant tourner le regard vers sa main droite couverte par la gauche de son compagnon de table. Elle releva la tête et plongea son regard noisette dans celui vert en face d'elle, ce regard qui reflétait la lumière de façon si jolie. Et rapidement elle sentit aussi les larmes monter et sa gorge se serrer. Non, elle n'allait pas pleurer ici, au milieu d'un Dinner et devant le bouclé. Elle ferma les yeux et se concentra sur sa respiration pendant quelques secondes, les rouvrit et vit toujours ce regard la fixant.

- Tout va bien ? Demanda-t-il alors qu'elle hocha la tête. Si on a assez de temps, on ira manger une glace ensuite. Il y a glacier vraiment sympa près de la boutique, il sourit et Victoria hocha la tête à nouveau continuant son plat.

Il fallait absolument crever l'abcès, peu importait comment il fallait que la brune se livre et libère sa conscience. Mais elle n'avait pas envie de lui dire que beaucoup d'amis avaient pris la poudre d'escampette, au simple motif qu'elle s'attachait un petit peu trop à leurs yeux. Pareil pour les sentiments, dès qu'elle avouait en avoir, la personne disparaissait des radars. Donc cette fois-ci, c'était elle qui avait décidé de disparaître pensant que cela ferait moins mal... C'était une erreur. Une grossière erreur.

Emotion Chocolat (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant