16.

447 27 0
                                    

Ce qui réveilla la brune ce matin là ne fut pas l'alarme de son téléphone, mais plutôt les notifications de celui-ci qui ne cessaient d'affluer. Qui pouvait bien la bombarder de messages à... six heures moins dix du matin ? Un coup d'œil à l'appareil l'en informa : 76 notifications sur Twitter, quasiment autant sur Instagram et elles n'en finissaient pas. Elle appuya sur la notification et entreprit d'aller voir ce qu'il se passait. Peut-être avait-elle été découverte par les fans du bouclé et par conséquent, les gens la suivaient d'heure en heure... Mais la réalité fut tout autre une fois dans son fil d'actualité et ses notifications.

Elle avait été photographiée avec le bouclé lors de leur dîner dans ce fast-food et les photos venaient de sortir apparemment. Tout le monde l'avait retrouvée en un temps record et la voilà submergée d'abonnés, de compliments, de critiques, de haine aussi parfois... Pourquoi ? Parce qu'elle était avec Timothée. Et il n'y avait aucun doute sur leur relation puisqu'ils s'embrassaient sur au moins 5 des photographies prisent ce soir-là. Ne pas paniquer. Ce fut la première pensée de la brune avant d'aller dans ses paramètres et personnaliser ses notifications, puis fit de même avec Instagram avant d'envoyer un message au bouclé, tentant de paraître le plus calme possible.

« Je crois qu'on a été repérés... »

Avec le message elle partagea l'une des publications d'un compte infos qu'elle suivait sur l'application. Évidemment elle avait peur. Qui n'aurait pas eu peur dans ce genre de situation ? La voilà sur la scène publique et médiatique alors que, tout ce qu'elle voulait était avoir une relation normale pour une fois. Mais lorsque l'on sortait avec quelqu'un de connu, la normalité était quelque chose de rare et précieux. La vie privée était quelque chose difficile à garder privé. Mais ils pouvaient y arriver, non ?

Elle se rappela les mots du bouclé lorsqu'elle lui avait parlé de, si un jour, des photos d'eux sortiraient. Ils n'étaient obligés de rien. Ils ne devaient rien à personne. Démentir ou confirmer... pour quoi faire ? Il s'agissait de leur vie, personne n'avait à savoir quoi que ce soit. Même si, à l'heure qu'il était, probablement que certains fans cherchaient le moindre petit truc sur ses profils, soit pour en connaître un peu plus sur la personne qu'elle était, soit, pour s'en servir contre elle. Vous connaissiez la mauvaiseté des réseaux sociaux, pas besoin de vous en faire un dessin.

Comme elle était trop stressée pour se rendormir, elle décida de se lever et prendre sa douche. Elle ne resta pas plus de dix minutes sous le jet d'eau et se prépara pour prendre un petit-déjeuner à l'extérieur. Elle ne savait même pas si elle voulait réellement manger, juste qu'elle avait besoin de prendre l'air. Un jean taille haute et un t-shirt à manches mi-longues fit l'affaire, elle enfila une casquette, une veste de survêtement, prit sa sacoche et quitta l'appartement l'esprit rempli de toutes sortes de questions. L'air frais du matin lui fit du bien et la brune décida de prendre le métro vers une destination qu'elle connaissait bien. Elle ne pouvait attendre une journée entière avant de lui parler.

Tout le long du trajet elle réfléchit à la manière dont il réagirait en découvrant qu'ils étaient partout sur la toile, s'il serait indifférent ou mécontent. Comment réagirait-il face aux commentaires et réactions de ses fans ? Certains disaient qu'il s'agissait d'un coup de pub... mais pour quoi ? Victoria n'était pas actrice et ne voulait en aucun cas devenir une personnalité connue. Le magasin ? La boutique n'avait aucunement besoin de Timothée pour parfaire sa réputation et amener de la clientèle, elle fonctionnait déjà très bien avant l'arrivée de la française et du bouclé.

Elle leva la tête et ravala ses larmes, ce n'était pas le moment de craquer. Timothée était passé par là auparavant, il savait que c'était un risque et elle avait fuit une fois déjà. Ce n'était pas le moment de recommencer en se laissant happer par ses peurs. Elle était forte. Elle pouvait passer au-dessus de tout cela, vivre sa vie normalement comme elle l'avait toujours fait par le passé et envoyer bouler les autres. Voyant son arrêt elle descendit de la voiture et continua à pieds jusqu'à l'immeuble voulu, regardant autour d'elle et se demandant si un photographe était caché quelque part. Ils étaient partout, c'était si simple d'avoir des photos volées.

Arrivée devant l'immeuble elle salua le portier qui la laissa passer. Il la connaissait bien maintenant. Elle pénétra dans le hall et se dirigea vers l'ascenseur, appuya sur le bouton d'appel et attendit que les portes métalliques s'ouvrirent. Une fois à l'intérieur elle appuya sur l'étage voulu et tenta de calmer la boule de nerfs dans son ventre. Tout allait bien se passer. Ils allaient en discuter et décider de quoi faire pour la suite, bien qu'elle sut déjà ce qu'allait lui répondre le bouclé. Bouclé qui devait être tranquillement au pays de Morphée et qu'elle allait sortir du lit pour trois fois rien. Mais elle avait besoin de lui, là.

Une fois à l'étage voulu elle quitta la cage d'ascenseur et avança jusqu'à la porte de son appartement. Là, elle souffla pour se donner du courage et frappa trois coups. Évidemment, il ne répondit pas. Sa chambre était à l'autre bout de l'appartement et son sommeil profond l'empêchait d'entendre quoi que ce soit. Elle réitéra son geste un peu plus fort, en vain. Elle décida donc de sonner mais se ravisa au dernier moment, c'était vraiment cruel de le réveiller ainsi... Elle sortit son portable de sa poche et décida de lui envoyer des messages. Avec un petit peu de chance, il serait réveillé par le vibreur...

« Timothée, je suis devant ta porte, tu peux m'ouvrir s'il te plaît ? »
« Timothée, j'ai besoin de te voir. »
« S'il te plaît ouvres-moi c'est important. »
« Je suis désolée de te réveiller, mais j'ai vraiment besoin de te voir. »

Elle laissa volontairement cinq minutes entre chaque message, mais voyant qu'il ne répondait pas, les larmes lui vinrent aux yeux. Elle rejeta la tête en arrière et tenta vainement de les retenir, mais cette fois-ci elles coulèrent sur ses joues, brouillant sa vue alors qu'elle fixait cet écran. Si elle ne l'appelait pas, il ne réagirait jamais. Elle s'en voulait tellement de devoir le réveiller et ne pas être capable de gérer tout ça seule comme une adulte, mais là c'était trop pour elle qui sentait la crise de panique arriver. Elle appuya donc sur le bouton d'appel mais à part une sonnerie, elle n'entendit rien et tomba sur le répondeur. Raccrochant rapidement, elle recommença.

Les larmes coulaient maintenant toutes seules et si quelqu'un passait par là, il la croirait folle debout devant la porte le visage rougit et appuyant frénétiquement sur l'écran de son smartphone. Pourquoi ne répondait-il pas ? Elle réessaya trois autres fois tout en le suppliant de répondre à chaque seconde. Et au bout de la quatrième...

- Hello, fit sa voix endormie. Victoria fondit en larmes, littéralement, tandis que lui se redressa dans son lit et regarda son écran. Victoria ? Vic' qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je... je... je, devant chez toi... ta porte.
- Quoi ? Tu..., il se leva et se dirigea vers la porte d'entrée qu'il déverrouilla et tomba sur la brune.

Victoria avait le visage noyé de larmes et rougit par celles-ci. Il ne réfléchit pas et raccrocha avant de la prendre dans ses bras et l'amener à l'intérieur en lui retirant sa casquette. La brune avait ses bras autour de sa taille et le serra aussi fort qu'elle le put à cet instant, tandis que lui, encore à demi ensommeillé, essayait de comprendre ce qui avait pu la mettre dans cet état. Il lui caressa le dos de haut en bas en lui chuchotant à l'oreille que tout allait bien, qu'il était là, déposant de temps à autre un baiser sur ses cheveux ou sa tempe. Il fallait qu'elle se calme et il dû prendre sur lui afin de ne pas paniquer à son tour. Il n'avait vu Victoria dans cet état, pas même lors de leur séparation amicale.

Tout doucement il l'amena jusqu'au salon où tous deux s'assirent sur le canapé, la brune toujours accrochée à lui comme si sa vie en dépendait. Il était difficile d'imaginer qu'un humain d'un petit mètre soixante tel qu'elle pouvait posséder une si grande force, sa poigne était si forte qu'il ne parvint pas à détacher ses mains jointes dans son dos. Il continua donc de lui murmurer des paroles réconfortantes, lui parler de tout et rien, lui montrer qu'il était là et finit par lui demander de lui donner sa main. La brune, hésitante, passa sa main gauche devant lui et le bouclé l'amena à son cœur, paume contre peau, lui demandant de se concentrer sur son rythme cardiaque et l'imiter.

La française avait le nez plongé dans la nuque de son petit-ami, à la jonction entre le cou et le haut du torse. Il ne sut pas si le mythe de l'odeur qui rassurait était vrai, mais visiblement ce geste l'aidait également. Nous avions tous une odeur propre, enfin, d'après la science. Timothée ne s'était jamais posé la question. Tous deux restèrent là, tandis qu'il entendit petit à petit les sanglots de la brune se calmer, sa respiration plus calme mais sifflante et le calme de l'appartement uniquement dérangé par les klaxons en bas, dans la rue.

Il lui caressa les cheveux, lui embrassa la tempe, lui parla doucement et une fois certain qu'elle était calmée, se redressa et pris son visage en coupe entre ses mains. Ses yeux cherchèrent les siens, rougis parles larmes, tout comme ses joues où résidaient des traces de ces perles salées. Il s''avança doucement et déposa un baiser en surface sur ses lèvres, avant de se reculer et lui demander comment elle allait. Bien, répondit Victoria, mieux, ajouta-t-elle juste après. Il hocha la tête et lui demanda si elle voulait en parler, mais au lieu de dire quoi que ce soit, la brune sortit juste son téléphone et ouvrit l'application Twitter avant de le lui tendre.

Sous ses yeux défilèrent toutes les photos d'eux prisent au fast-food, alors qu'ils dégustaient tranquillement un hamburger, plus tard dans la rue main dans la main et puis s'embrassant au milieu de celle-ci un petit peu plus tard. Il descendit le fil d'actualité et remarqua qu'il devait y avoir en tout, au moins une vingtaine de clichés volés d'eux. Il vit aussi les critiques, les insultes dont faisaient preuve certains "fans" et secoua la tête dégoûté. L'histoire se répétait mais cette fois-ci on accusait Victoria de faire cela pour la boutique, comme si celle-ci en avait besoin, pensa-t-il en secouant la tête.

Il n'eut pas tellement besoin d'en voir plus et quitta l'application, posa l'appareil à côté de lui et la prit dans ses bras à nouveau. C'était exactement ce qu'il redoutait en sortant avec quelqu'un de lambda, mais c'était sa vie et il fallait l'accepter et vivre avec. Ils ne pouvaient pas vivre en autarcie, mais ignorer ces critiques était possible. Après tout, Timothée arrivait vivre normalement jusqu'à maintenant, alors pourquoi est-ce que cela changerait ? Oui, il était en couple et alors ? C'était son droit le plus absolu. C'était surtout sa vie privée et s'il avait réussi à la garder privée par le passé, il le pourrait maintenant également.

Ce dont il avait peur, c'était le retour médiatique dont allait être victime la brune pendant quelques temps. Jusqu'à ce que les photographes se trouvent une nouvelle proie et la laisse de côté. Et les fans. Parlons-en des fans qui pour certains, allaient la traquer et l'insulter le plus possible derrière un écran, n'acceptant pas le fait qu'il puisse être heureux et maître de sa vie. Comment pouvaient-ils se dire fans s'ils n'étaient même pas capable de respecter sa simple condition d'être humain ? Vous aimeriez, vous, qu'on vous suive sans arrêt dans la rue, qu'on vous filme ou photographie à votre insu, qu'on insulte votre couple et qu'on vous labellise une sexualité alors que vous même ne le faisiez pas ? Pas sûr. Alors pourquoi le faire à autrui ?

Oui, Timothée était une figure publique. Oui, c'était un acteur connu et reconnu. Mais avant tout cela il était un jeune homme de vingt-cinq ans qui vivait le plus simplement du Monde, qui avait droit à une vie normale comme vous et moi. Vous ne pouviez pas parler et prôner un slogan de respect, si vous n'étiez pas capable de l'appliquer à vous-même. La vie privée s'appelait ainsi pour une bonne raison : elle était privée, personnelle et ne regardait personne d'autre que lui et ses proches. Être connu ne donnait pas le droit aux autres de vous pourchasser ici ou là, comme un chasseur courrait après un cerf.

- ça va mieux ? Demanda-t-il en cherchant son regard, elle hocha la tête et essuya ses joues d'un revers de la manche.
- Désolé. J'ai débarqué comme ça et j'ai...
- Hé, hé, hé, il prit son visage en coupe et l'obligea à le regarder, chut tout va bien, il lui embrassa le front. Tout va bien Victoria. Je ne t'en veux pas et je suis content que tu sois venu me voir. Il y eut un petit silence avant d'ajouter, je suis désolé que tu ais à traverser tout ça. Je savais que ça arriverait mais pas si vite... et je comprendrais parfaitement si, si tu voudrais tout arrêter.
- Quoi ?! Non ! Timothée non ! Il vit des larmes revenir aussitôt dans ses yeux.
- Non, non, non, ne pelures pas. S'il te plaît. Je ne voulais pas... Chut, je ne vais pas te quitter, il la prit dans ses bras. Chut, je ne vais nulle part Vic', je suis là.
- S'il te plaît ne me laisse pas, le menton posé sur son épaule gauche elle fixa la fenêtre derrière le bouclé. Tu es la première personne avec qui j'ai connu autant, Timothée. Tu as débarqué de nulle part et tu as pris une grande importance si rapidement...

Le bouclé jeta un œil à l'heure et décida que tous deux avaient besoin de sommeil. Toutes ces émotions les avaient fatigués. Doucement le couple se leva du canapé et se dirigea vers la chambre où ils s'allongèrent, la brune sur le flanc gauche, la main droite posée sur son épaule gauche qu'elle caressa distraitement du pouce. Il avait remarqué que cela la calmait et l'aidait parfois à s'endormir. Lui, sur le dos avait le regard déviant entre la fenêtre et le plafond. Il devait parler de tout cela à Brian et voir comment protéger la brune, il ne voulait pas qu'elle souffre de toute cela.

Il sentit petit à petit le corps de la française s'alourdir et sa respiration devenir plus lente, plus calme. Elle s'endormait, la tête sur le haut de son torse, le nez juste sous son cou au niveau de la trachée. Il ne put retenir un sourire et lui fit des papouilles dans les cheveux, l'entendant soupirer calmement, signe qu'elle appréciait son geste. Et alors que son pouce devint plus léger dans ses mouvements et qu'elle était au bord du Monde de Morphée, il l'entendit marmonner quelque chose qu'il ne comprit pas. Cependant, la phrase juste après, il la comprit. Et cela même s'il s'agissait d'un murmure endormi.

- Je t'aime, marmonna faiblement la brune avant de s'endormir.

Son cœur se mit à battre si fort et si vite qu'il eut l'impression qu'il allait lui sortir de la poitrine, et il était étonnant que Victoria ne s'en rendit pas compte. Il savait qu'elle avait dit ça dans un moment où son esprit était embué par la fatigue, qu'elle n'en avait probablement même pas conscience mais il la savait sincère. Un énorme sourire prit alors place sur son visage et il dut se faire violence pour ne pas rire, tant l'euphorie qui s'empara de lui à ce moment fut grande. Elle l'aimait. Elle, l'aimait. Lui, le petit gars de New-York devenu acteur, elle l'aimait.

Il resserra son étreinte autour d'elle et décida de se calmer et dormir un petit peu. Ils allaient devoir en discuter tout à l'heure. Pour le moment, il se laissa emporter vers Morphée avec un sourire idiot collé aux lèvres. Il était heureux. Clairement, pleinement heureux. Et putain, ça faisait du bien d'être heureux !

Emotion Chocolat (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant