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Victoria était stressée. Et quand elle stressait elle mangeait, du chocolat, des chips, des biscuits, des cookies, des cacahuètes... Et elle buvait du café. Beaucoup de café. Depuis deux semaines elle ramenait toujours deux paquets de biscuits au travail, profitant de la journée pour le vider tout en enchaînant les thés et/ou cafés. Grace avait bien remarqué cette fringale sortie de nulle part et au départ n'avait rien dit, pensant que c'était juste une façon pour elle de calmer son stresse. Mais quelle était la raison qui la mettait dans cet état ? Elle avait bien remarqué un rapprochement probant entre son amie et le bouclé, peut-être était-ce cela...

Elle avait tenté d'en parler avec elle, mais la brune répétait sans cesse qu'il n'y avait absolument rien entre eux que de l'amitié, et elle n'avait pas l'intention de changer cela. Grace respectait le secret que gardait la française sur sa vie privée, c'était tout à son honneur. Mais elle la sentait changée depuis quelques temps, elle semblait beaucoup plus souriante, plus joyeuse, plus pétillante. Quelque chose s'était passé.

La première pensée de la blonde fut qu'elle et le bouclé étaient devenus un couple et que c'était pour cette raison, qu'elle en parlait si peu. Grace était un peu de ces personnes qui vivaient dans un monde biaisé, où la réalité était calquée sur la fiction et tout ce que l'on nous vendait depuis des années. Mais la réalité n'était pas un conte de fées. Et ce n'était pas parce-que Victoria était plus souriante, qu'elle mangeait plus que d'habitude, qu'elle était forcément en couple. Ce statut lui faisait peur autant qu'il pouvait la faire rêver.

C'était quoi être en couple d'abord ? C'était vague comme expression. Quand on avait peu confiance en soi, être avec quelqu'un n'était pas une mince affaire et elle n'allait sûrement pas s'embarquer dans quelque chose, alors que dans un peu plus d'un an elle retournerait dans son hexagone natal. C'était ridicule. Elle avait le temps pour penser à tout ça, elle n'avait que la vingtaine après tout.

Au moment où elle croqua dans son quatrième biscuit, elle remarqua le regard de la blonde qui était insistant il fallait l'avouer. Elle mâcha tranquillement sa bouchée, puis avala une gorgée de thé aromatisé aux fruits rouges en l'interrogeant du regard. Grace secoua la tête mais recommença à la fixer alors qu'elle pris un deuxième bout de ce biscuit au chocolat, la regardant de haut en bas cherchant probablement quelque chose. Mais quoi... Ne supportant plus de se sentir comme une bête de foire, la brune lui demanda clairement ce qu'elle avait.

- Non je t'assure, tu me fixes depuis tout à l'heure on dirait que tu as découvert que j'étais la Reine d'Angleterre.
- Non je... non t'inquiètes.
- Grace, split the tea, please.

La blonde n'osait pas, ça pouvait se voir à son attitude corporelle, mais elle brûlait d'envie de poser sa question également. Et alors que Victoria pensait qu'elle n'obtiendrait rien, elle avança le gobelet à ses lèvres au moment même où la question fusa de sa bouche.

- T'es enceinte ? La brune la fixa, le gobelet au bord des lèvres pendant cinq secondes avant de répondre.
- De Casper peut-être, elle haussa les épaules, mais sinon, non. Et elle but sa gorgée.
- Vic' tu manges deux fois plus que d'ordinaire... Tu es sûre ?
- J'ai eu mes règles la semaine dernière donc oui, je suis sûre. Et je te fais pas un dessin de la manière dont sont fait les enfants, je suis juste pas dans le cas de figure le plus plausible pour cela.
- Mais tu...
- Je quoi ?
- Tu sais, tu...
- Ah non je sais pas du tout. Tu veux bien faire des phrases complètes ? Parce-que vois-tu, je ne suis pas madame Irma.
- Tu n'es pas avec Timothée ?

Et là Victoria éclata de rire. Évidemment, la blonde n'y comprit rien et la regarda encore plus étrangement. L'idée même qu'on puisse l'imaginer en couple et encore plus, enceinte, était hilarant pour la principale concernée. Une fois son rire calmée elle essuya ses yeux et expliqua à son ancien colocataire que non, elle n'était pas avec l'acteur et encore moins enceinte. Elle était simplement stressée ces temps-ci et la nourriture était un bon calmant, mauvais pour son poids mais bon pour ses nerfs. La blonde lui conseilla alors de troquer ses paquets de biscuits contre des fruits, ce à quoi elle répondit qu'un fruit, ça ne nourrissait pas. Mais elle allait y penser.

- Tu l'aimes bien, non ? Timothée.
- Oh pitié ne me refait pas cette scène, elle rit.
- Ah non mais c'était une question sérieuse.
- Ah... bah, oui, elle haussa les épaules, le regard fixé sur la rue à travers la vitrine, c'est un bon ami, tout comme toi, elle se tourna vers Grace. Vous êtes mes seuls amis ici tu sais, je sors pas autant que ça.
- Tu vas me manquer quand tu seras plus là.
- Oh ne t'en fais pas, je suis encore là pour treize longs mois. Il va falloir me supporter, moi et mes expressions françaises sorties de nulle part, elle rit.

La conversation fut brutalement interrompue par l'arrivée d'un client dont s'occupa la brune. Mais la supposition de la blonde resta dans un coin de sa tête suffisamment longtemps. Qu'est-ce qui lui faisait penser cela ?Ils agissaient comme deux amis, il n'y avait absolument rien qui aurait pu suggérer autre chose de plus... poussé. Par le passé elle avait souvent mal interprété des signes amicaux, maintenant elle se sentait capable de les reconnaître. Et ce qu'elle vivait avec Timothée était juste une super belle amitié, une comme elle en rêvait depuis des années et qu'elle ne pensait jamais connaître.

Il n'y avait que dans les fan-fictions que le garçon tombait amoureux de sa très bonne amie et que tout ça finissait bien. Armie Hammer en était la preuve, son ex-femme avait été une très bonne amie pendant des années avant qu'ils ne se mirent ensemble, se marièrent, pour divorcer récemment. Le diction disait vrai, l'amitié finissait parfois en amour, mais rarement l'amour en amitié. Il était impossible de reconsidérer totalement ce que vous ressentiez, surtout quand les sentiments amoureux avaient été forts.

Vous saviez que l'amitié de l'autre vous était précieuse, mais vous ne saviez pas si ces sentiments allaient disparaître définitivement ou non. Ils resteraient toujours dans un partie de votre cœur car cette personne avait compté, mine de rien. C'était difficile d'aimer un cœur qui lui, aimait ailleurs. Se dire que, si cette personne était heureuse alors vous l'étiez également car son bonheur faisait le vôtre. C'était un sacrifice très dur que la brune avait fait par le passé et qui avait laissé des traces, même si elle prétendait le contraire. Aimer quelqu'un tant d'années, même à sens unique, ça laissait forcément des traces.

Adolescents vous rêviez du Prince Charmant ou de la Princesse Charmante qui venait sur son cheval blanc, ou gris, noir... Qui vous déclarait que vous lui plaisiez et découvriez que vos sentiments étaient réciproques. Mais la vie n'était pas une fan-fiction. Il était rare que cela arrivait. Et puis l'adolescence était une période critique où vous changiez physiquement et mentalement, vous preniez conscience de plusieurs choses autour de vous et notamment que la vie était une putain de désillusion. Ce qu'on nous vendait dans les films n'était qu'un leurre.

Il n'existait pas d'histoires dignes de compte de fées. Pas même chez les familles Royales ou Princières. Encore moins chez ces dernières, pourrait-on dire. Alors Victoria avait fini par se persuader qu'elle ne serait jamais rien d'autre que "la bonne amie", celle à qui on venait demander des conseils de couple alors que tout ce qu'elle y connaissait, était issu de divers séries ou fictions. C'était souvent les personnes célibataires qui donnaient les meilleurs conseils... Si elle pouvait en donner un ce serait "Ne vous mettez jamais en couple", cela évitait les angoisses, les larmes, les disputes et tout ce qui allait avec. Non, très peu pour elle.

Emotion Chocolat (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant