Emotion Chocolat (Tome 2)

14.

Depuis quelques temps, une nouvelle série suédoise faisait parler d'elle sur les réseaux sociaux. Le scénario de départ était certes un peu cliché, mais l'alchimie entre les deux acteurs principaux faisait rapidement oublier ce petit détail. Son nom ? Young Royals, disponible sur Netflix et qui racontait la venue du Prince Wilhem dans un nouvel internat, y faisant la rencontre de plusieurs personnes, bonnes ou mauvaises et la suite... Et bien il fallait regarder pour la connaître. Victoria y avait retrouvé un peu de Skam, cette série norvégienne qu'elle avait adorée et qui avait été adaptée dans de nombreux autres pays d'Europe.

La brune était actuellement chez le bouclé, casque sans fil sur les oreilles, les yeux fixés sur l'écran du Mac Book devant elle sur lequel elle regardait l'épisode de la série. Timothée lui avait proposé de lui mettre l'épisode sur la télévision, mais elle avait refusé trouvant celle-ci beaucoup trop grande. Voir des personnages dont la tête faisait cinquante centimètres de large ou plus était bizarre et il était difficile, pour elle en tout cas, de se focaliser sur une image complète. Peu importait qu'elle fut dans un coin ou l'autre du canapé, elle ne parvenait pas à regarder l'image entière. Donc un écran d'ordinateur était largement suffisant pour elle.

- What ? Elle se redressa sur le canapé, penchée en avant, faisant traîner les "a". Mais il est sérieux lui ?! Mais quel connard putain !

Timothée ne put s'empêcher de sourire en secouant la tête, de la cuisine où il préparait le repas de ce midi. Elle était tellement concentrée qu'elle réagissait à voix haute à quasiment chaque scène, obligée de faire sortir ce qu'elle ressentait à l'instant T. Certaines personnes n'aimaient pas cela, mais pas Timothée qui adorait voir les émotions et expressions traverser son visage. Quand on aimait quelque-chose, on avait parfois tendance à oublier qu'il s'agissait d'un film ou d'une série tant on était pris par le fil des événements.

- Et évidemment, il n'encoure rien ce connard, pfft, elle se rejeta en arrière en croisant les bras et secouant la tête. Non mais...

L'épisode terminé elle enleva son casque et le posa à côté de l'appareil sur la table basse, se releva et rejoignit le jeune homme qui à première vue cuisinait des légumes. Du moins, ce fut ce que lui indiqua la boîte de petits pois vide sur la table de la cuisine. Instinctivement elle vint derrière lui et passa ses bras autour de sa taille, posant sa joue gauche contre son dos, ce qui fit naître un sourire sur les lèvres du bouclé. Ils n'avaient pas besoin d'échanger des mots en permanence, ils se comprenaient par les gestes, les regards... C'était incroyable combien leur complicité avait rendu leur relation si fluide.

Elle ne put s'empêcher de se demander comment elle réagirait, s'ils venaient à vivre une situation similaire. Probablement qu'elle pleurerait toutes les larmes de son corps en maudissant la Terre entière, tous les Dieux existants et tous les Démons également. Elle savait que fréquenter quelqu'un dont la notoriété montait aussi vite était un danger, arriverait un temps où ils n'auraient plus cette tranquillité. Tôt ou tard, ils seraient photographiés en train de manger du poulet dans un fast-food, comme l'avaient été Timothée et Lily quelques années plus tôt.

Elle resserra son étreinte et laissa échapper un petit soupire. Quoi qu'il puisse leur arriver, elle espérait que leur relation n'en serait pas entachée. Elle aimait beaucoup ce franco-américain et tout ceci était nouveau et tellement précieux pour elle, rien ne devait le détruire. Mais elle n'occultait pas volontairement le risque que tout ceci pouvait s'essouffler. Rien n'était parfait. L'amour de conte de fées que l'on nous vendait depuis tous petits n'était pas la réalité, cette dernière en était même très loin. Pas même les vrais Princes ou Princesses dans le Monde ne vivaient aussi heureux que Cendrillon, ou la Belle au Bois Dormant ou n'importe quelle autre princesse existante.

Timothée savait très bien qu'il était son premier copain et que par conséquent, elle était un peu maladroite quant à telle ou telle situation, mais il pouvait la voir vaincre sa gène à chaque moment qu'ils passaient ensemble. Cette pensée le fit sourire, car elle montrait la confiance qu'avait la française envers lui, sinon elle n'oserait pas le prendre dans ses bras sans raison ou poser sa tête sur son torse lorsqu'ils regardaient la télévision, ou bien s'allongeaient ensemble sur le canapé. Et il aimait le fait qu'ils partageaient un héritage commun de par leurs origines françaises.

Il profita que la brune desserra son étreinte pour se retourner et baissa la tête vers elle, qui avait la sienne posé sur son torse, les bras autour de sa taille. Il passa les siens autour de celle de la brune et sourit tendrement. Il pouvait sentir sa contrariété face aux épisodes qu'elle venait de regarder et qu'au fond d'elle, le sentiment d'injustice envers Wilhem et Simon était énorme. Victoria avait une émotion qui débordait souvent sur des sujets qui la touchait profondément, et là, c'était le cas. Il le savait mais ne posa aucune question, se contentant de la serrer dans ses bras pour lui montrer qu'il était là et que tout allait bien.

- Tu ferais quoi, si une chose pareille devait arriver ? Demanda la brune, la voix à demie étouffée par le t-shirt que portait le jeune acteur.
- Si quelque chose de personnel sur nous deux était diffusé ? Elle hocha la tête. Je ne sais pas... je serais d'abord profondément choqué, je pense. Ensuite, gêné que tant de gens aient pu le voir et finalement je chercherais qui a bien pu faire ça.
- Tu ne ferais pas de déclaration pour nier ? Elle releva la tête et s'écarta un petit peu pour le regarder dans les yeux.
- Non, il secoua la tête. À quoi est-ce que ça servirait si on me voit clairement ? Ce ne serait qu'un mensonge qui servirait les gens haineux. Par contre, ça surprendrait la personne ayant fait cela, car son but aurait été de me nuire et ma réaction ne serait pas celle attendue, Victoria hocha la tête. Tu te souviens des photos sorties lorsque j'étais avec Lily ? Nouveau hochement de tête, le photographe avait probablement voulu m'atteindre et nous rendre mal à l'aise, ce qui a été en partie le cas pour moi lorsque j'ai vu la pâleur dont je faisais preuve. Mais, cela n'a en rien entaché notre relation car, quelques mois plus tard nous avons été à nouveau pris en photo en train de manger dans un fast-food. Nous savions que de telles choses finiraient par arriver, nous ne nous en formalisions pas et vivions notre histoire. Ce qui est blessant par contre, ce sont les remarques des fans qui n'avaient de cesse de vouloir démontrer de toutes les manières possibles, que notre couple n'était qu'un coup de pub.
- Il y a aussi eu les photos avec Eiza, dans la piscine, fit remarquer la brune.
- Je les avaient oubliées, pouffa le jeune homme. Comment est-ce que tu es tombée dessus ?
- Quand j'ai fais mes petites recherches au début, je me demandais qui était cette actrice dont j'ignorais le nom et... Je me serais bien passée de vous voir copuler dans une piscine.
- Il me semble qu'on ne voit pas grand chose sur les photos.
- Excusez-moi Monsieur Chalamet, elle se détacha de lui et s'éloigna de deux ou trois pas, mais je suis peut-être inexpérimentée, mais je sais reconnaître une scène de coucherie quand j'en vois une. De plus, il y a une photo dont je me serais largement passée, Timothée fronça les sourcils, oh tu sais très bien de laquelle je parle Timothée.
- Oh, tu veux dire celle avant d'être dans la piscine avec le short de bain...
- Stop ! Dit-elle fortement en levant les mains. Tu vas me mettre cette image dans la tête et c'est hyper dérangeant. Déjà, si on pouvait arrêter de parler de toi et ton ex dans la piscine, ce serait pas mal également.
- Tu es jalouse, son sourire s'agrandit doucement.
- Non, juste que... qu'il y a des centaines de sujets te concernant, autres que ceux-là, dit-elle avec de grands gestes.
- Tu es jalouse, il sourit, rallongeant le son "ou" en se rapprochant et l'enserrant de ses bras. Je trouve ça trop mignon, il lui embrassa la tempe.
- Tu trouveras moins mignon le fait que je tombe au sol par manque d'air car tu es en train de m'étouffer, elle tenta de le repousser mais il resserra son étreinte. Timothée, lâches-moi où je te chatouilles, il la lâcha en riant. Ah bah, au moins une menace efficace.

Il sourit en secouant la tête et retourna à sa gazinière pour terminer le repas, tandis que la brune se lava les mains et entreprit de mettre la table, un petit sourire sur les lèvres. Elle se sentait bien et ne chercha pas à refouler les papillons qui envahirent son ventre alors qu'elle installait les assiettes. Peut-être que leur histoire était simple, malgré leur vie sur deux continents différents, malgré la différence de niveau, malgré cette célébrité qui planait au-dessus d'eux. La vie pouvait être simple si l'on s'en donnait les moyens.

Cette nuit-là, la brune avait décidé de rester chez Timothée déjà parce-que c'était plus simple vu l'heure tardive, et ensuite, parce qu'elle avait envie de passer un peu plus de temps avec lui tant qu'elle le pouvait encore. Elle savait qu'à partir de septembre il leur serait difficile de trouver un moment pour se voir, tournage et promotions oblige. Heureusement que la technologie permettait de se voir et de s'appeler. Et puis, Victoria aimait bien le petit minois de son copain avec ses yeux et son sourire fatigués après une longue journée, ses boucles qui partaient dans tous les sens tant il y passait souvent ses mains... Mais surtout, l'étincelle dans ses yeux dès qu'il abordait le tournage, ses collègues, l'équipe technique, les lieux, les décors, etc. Aucun doute, il aimait réellement ce métier.

Victoria aimait le voir si enjoué et s'étonnait toujours de l'émerveillement dont été l'objet le bouclé à chaque fois. Il pouvait croiser six fois dans l'année un acteur, une actrice, un producteur, productrice, réalisateur ou réalisatrice qu'il aimait bien, il en serait impressionné à chaque fois. Encore plus lorsqu'il voyait ces personnes qui l'inspiraient et lui avaient donné envie de faire ce métier, et elles étaient peu nombreuses. Il avait gardé cette simplicité d'esprit que peu possédaient dans ce métier et c'était dommage, car beaucoup après un premier succès même modeste, restaient en haut de leur monde et refusaient d'en descendre. Il n'y avait qu'à voir certains tapis rouges pour s'en rendre compte... le langage corporel en disait long.

Vous aviez ceux un peu timides qui posaient sans vraiment savoir comment faire, ne savaient pas où aller, où regarder, etc. Et vous aviez ceux qui arrivaient en mode star internationale alors que personne ne savait les situer, avaient des robes extravagantes sorties d'on ne savait où et restaient vingt longues minutes à se tourner et se retourner vers les photographes. On sentait un besoin d'être vu et montré, surtout qu'ils monopolisaient un peu le tapis et bloquaient l'arrivée des acteurs attendus. La course à la célébrité était présente depuis toujours, Charlie Chaplin en parlait déjà dans son autobiographie.